rieurs n'avaient renoncé que par force, en 4519, à l'alliance de Fribourg, le duc étant entré dans la ville avec son frère et une armée de 8,000 hommes, au lieu d'y venir avec son train ordinaire, comme il l'avait promis. Et pour prouver qu'ils ne disaient que la vérité, les mêmes députés rappelėrent les violences qui avaient suivi l'entrée du duc dans Genève; comment, quelques mois après, on avait fait couper la tête à Berthelier, et comment l'évêque Jean de Savoie, de connivence avec le duc, avait fait déposer du syndicat et remplacer par leurs créatures ceux qui ne leur étaient pas tout dévoués. Ils ajoutèrent que les Génevois, en renonçant, en 4519, à l'alliance de Fribourg, n'avaient pas pris l'engagement de n'en plus contracter dans la suite, et que l'acte de cette renonciation devait encore être regardé comme nul, parce que le duc lui-même avait déclaré, en 4519, dans des lettres en bonne forme, que tout ce qui avait été fait dans Genève, pendant que son armée l'occupait, ne devait point déroger aux libertés de cette ville; enfin que l'alliance de 4526 n'avait pas été contractée par procuration, mais par la communauté tout entière. La diète décida que l'alliance de 4526 devait être maintenue, parce que, si celle de 4519 avait été déclarée nulle, comme ayant été négociée sans la volonté et la participation de l'évêque et prince de Genève, ce dernier, au contraire, avait consenti à l'autre et l'avait jurée; que la ville de Genève, quoique enclavée dans les États du duc de Savoie, n'en était pas moins libre et indépendante de ce prince, se trouvant dans les mêmes conditions que plusieurs villes d'Allemagne, et les traités d'alliance des Cantons avec le duc de Savoie ayant seulement réservé ses sujets et les habitants de ses États. Sur le troisième article concernant les frais de la guerre, les juges prononcèrent de la manière suivante: Que la guerre, qui depuis quelques années avait réduit la ville de Genève aux dernières extrémités, avait, à la vérité, pour auteurs, du moins en partie, les gentilshommes du voisinage de cette ville, et qu'il paraissait que l'évêque, surtout dans les derniers temps, n'y avait pas peu contribué; que cependant, comme le duc de Savoie, s'il l'eût sérieusement voulu, aurait empêché ses sujets de commettre les actes d'hostilité qui avaient causé tant de dépenses aux villes de Berne, Fribourg et Genève, il ne serait pas juste qu'il fût quitte et déchargé de tous frais; que la diète condamnait donc le duc à payer à ces trois villes, en trois termes consécutifs, la somme de vingt et un mille écus, qu'il pourrait recouvrer sur les biens, rentes et revenus que l'évêque possédait dans les États de Savoie, et sur ceux des gentilshommes qui avaient, disait-il, fait la guerre aux Génevois contre ses ordres, lui réservant de plus son droit d'exercer contre eux toutes autres poursuites, s'il jugeait à propos d'en exercer. Ce jugement de la diète fut rendu à Payerne, le 21 décembre 4530. Malgré les instances des envoyés de Berne et de Fribourg, qui demandaient à la diète l'élargissement de Bonnivard emprisonné dans le château de Chillon, les juges refusèrent de prononcer sur cet article, pour lequel, direntils, ils ne s'étaient pas assemblés. Le duc de Savoie n'exécuta de la sentence de la diète que ce qui le favorisait. Il élut un vidomne et l'envoya à Genève. Le conseil lui fit demander le paiement de 7,000 écus pour le tiers de la somme que la diète l'avait condamné à payer aux trois villes; mais il n'en reçut aucune réponse. Il lui fit demander aussi de mettre Bonnivard en liberté, et le prieur de Saint-Victor n'en resta pas moins en prison. Delà de nouvelles brouilleries entre le duc et les Génevois, qu'ils tâchaient d'assoupir, en s'envoyant continuellement des députés de part et d'autres. En 4532, il y eut redoublement de mésintelligence; le duc défendit à ses sujets de porter des vivres à Genève, et l'on disait qu'il faisait venir dix mille Italiens et trois cents lansquenets pour s'en emparer. Il vint s'établir à Gex avec quantité de noblesse du voisinage. Il s'était rapproché de Genève dans l'espoir de rompre enfin cette alliance des trois villes qui lui donnait tant de soucis. Et ce n'était pas sans raison qu'il se flattait d'y réussir, car depuis la sentence de Payerne, ses émissaires avaient si bien travaillé les esprits à Berne et à Fribourg, que ces deux Cantons envoyèrent des députés aux Génevois pour les engager à renoncer à leur alliance, et à s'entendre avec le duc de Savoie. Ces députés eurent une audience de tous les conseils qui rejetèrent leur proposition à l'unanimité. On leur répondit qu'on était résolu à garder religieusement l'alliance, et à s'en tenir à l'arrêt de Saint-Julien et à la sentence de Payerne. Dans le conseil général, le peuple s'écria tout d'une voix Il est ainsi, nous ne voulons faire autre, et plûtôt mourir! Après avoir encore échoué dans sa nouvelle tentative, le duc découragé quitta la Savoie au mois d'août (1532), et retourna dans le Piémont. Genève jouit, dès-lors, de quelque tranquillité au dehors; mais il n'en fut pas de même au dedans; car ce fut dans ce temps-là qu'elle commença à être sérieusement envahie par la réforme religieuse. Jusqu'à l'année 1532, les factions qui avaient agité Genève avaient eu pour mobile la politique, et dans maintes circonstances, les Eidgnots avaient prouvé qu'ils étaient aussi bons catholiques que les Mamelus. C'est par l'intercession d'un saint, qu'après s'être mutilé la langue, Pécolat croyait avoir recouvré l'usage de la parole; le grand patriote Berthelier s'était confessé avant de mourir pour la liberté, et Levrier marchant au supplice, déclarait à ses bourreaux qu'il perdait la vie pour l'autorité de saint Pierre. Mais lorsque les Bernois eurent embrassé la réforme, ils ne tardèrent pas à l'inoculer à Genève. Cependant, il est vrai de dire, que si quelques Génevois en avaient reçu le germe, elle n'en était pas moins restée chez eux à l'état latent ; et personne n'avait encore osé faire des dogmes nouveaux une profession publique. Tel était l'état des esprits en 1532, lorsque le bruit ayant couru que le pape Clément VII devait bientôt publier un jubilé, on fut surpris de voir, dans la matinée du 9 juin, plusieurs placards qui avaient été affichés de nuit, en plusieurs endroits de la ville, et sur lesquels on lisait la promesse d'une pleine et entière indulgence, et de la rémission de tous les péchés, à la seule condition de la repentance et de la foi en JésusChrist. C'était le premier cri de révolte de Luther contre l'autorité de l'Église. On comprend quelle dut être l'indignation des prêtres et du peuple génevois, à la vue de cette profession publique du dogme fondamental du nouvel évangile. Il y eut un commencement d'émeute et des coups donnés à l'occasion de ces placards, véritables brandons de discorde. Jean Goula, partisan du lutheranisme, comme les catholiques appelaient la nouvelle religion, Jean Goula, ayant affiché un de ces écrits devant l'église de Saint-Pierre, le chanoine Werli, natif de de Fribourg, lui donna un souflet, auquel Goula riposta par un coup d'épée qui blessa le chanoine au bras. Au Bourg-duFour, deux bourgeois qui soutenaient le parti du chanoine, furent blessés comme lui. L'affaire de Werli eut un grand retentissement, non-seulement dans Genève, mais même à Fribourg, où ce chanoine avait sa famille. Elle fut cause que les seigneurs de ce Canton envoyèrent sur-le-champ un député à Genève pour se plaindre en leur nom des opinions nouvelles sur la religion, qui commençaient à s'introduire parmi le peuple, des placards qui avaient été affichés et des écrits qui se débitaient déjà publiquement parmi les fauteurs de ces nouveautés. |