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mais, et les pauvres avaient leur large part. Elle semait, mais c'était le Seigneur qui lui mettait la semence dans la main.

Après une longue sécheresse, une abondante pluie était venue rendre la fraîcheur à la terre, et ce jour-là m'amenait auprès d'elle avec une demande si considérable que je craignais d'exprimer mon désir. Je fus accueilli par ces paroles : Le Seigneur m'a fait aujourd'hui un cadeau de plus de 200 thaler; cette pluie est inappréciable, et je voudrais pouvoir lui faire aussi aujourd'hui un gros plaisir! Je racontai alors le but de ma visite. Il s'agissait d'une jeune fille qu'il fallait absolument éloigner de ses parents vicieux, mais la pauvre enfant était épileptique et atteinte outre cela d'une maladie contagieuse. Après m'avoir écouté, je n'aurais pas osé non plus, dit-elle, dire au Seigneur: « Va et arrose mes 300 arpents de champs, et il l'a fait pourtant; je prendrai donc aussi la pauvre enfant chez moi et la soignerai pour l'amour de Dieu.» Elle le fit en effet; personne dans sa maison ne fut atteint de la contagion, et une fois guérie, la pauvre fille put entrer au service d'une famille chrétienne et devint une fidèle domestique.

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La maison de Frédérique était en réalité l'asile communal. Elle avait chez elle dans le même moment, outre deux pauvres estropiés de 15 ans, deux orphelins, une pauvre veuve avec son enfant, un jeune garçon à peu près idiot et un autre påuvre abandonné qui fut amené par elle au Seigneur. Elle ne recevait de pension pour aucun d'entr'eux, mais le Seigneur bénissait la maison en conséquence. Il n'y avait ni disette, ni superflu. La pauvre jeune fille infirme étant arrivée à l'âge de la confirmation, je me rendais deux ou trois fois par semaine auprès d'elle et l'instruisais à part. Ma tâche terminée, sa mère adoptive m'offrit une gratification que je refusai en disant que Celui duquel elle recevait la pension me paierait également.. C'est ainsi? répondit-elle, eh bien! vous agissez sagement et

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recache mon argent. Je ferais de même; on h'accepte pas d'argent quand on peut avoir de l'or. »

Un jour, on vint m'annoncer qu'elle était tombée gravement malade et demandait à prendre la Ste-Cène. Obligé de me rendre chez une pauvre femme qui venait de donner le jour à 2 jumeaux, j'arrivai tardivement auprès d'elle et lui expliquai le motif de ce retard. Aussitôt elle fit signe à sa fille de préparer un paquet de tout ce qui était nécessaire à la pauvre mère et ce ne fut qu'après s'être assurée elle-même que rien ne manquait, qu'elle fut disposée à prendre la Cène.

Ses domestiques étaient le plus souvent des gens que personne ne voulait, mais qui la servaient avec fidélité et avec plaisir; les aveugles et les boiteux apportaient avec eux la bénédiction sous son toit, et ses serviteurs et servantes infirmes faisaient plus et mieux que bien d'autres plus robustes, mais moins bien disposés. Un vieux berger, simple d'esprit, me disait un jour où elle était malade: Notre dame est bien mal. Le Seigneur veuille la guérir! J'aimerais mieux pour notre maître qu'il vit sa ferme en feu et perdît tout ce qu'il a, plutôt que de perdre sa femme. Une maison, on la rebâtit, mais une telle femme, on n'en retrouve pas..

Les dernières années de la vie de cette humble servante du Seigneur furent assombries par bien des deuils. Elle vit descendre l'un après l'autre au tombeau les êtres qu'elle chérissait le plus et son regard s'arrêtait souvent avec une inexprimable impression sur le cimetière qu'elle apercevait de sa fenêtre. Elle avait le mal du pays. La dernière fois que je la vis, elle parla de sa reconnaissance et de la fidélité du Seigneur qui brisait un à un tous les liens qui la retenaient ici-bas et la dépouillait de plus en plus pour la revêtir de ce qui ne périt pas. En effet, quand sonna l'heure du départ, elle était prête et son

âme s'envola doucement dans les bras de Celui qui avait été la vie de sa vie.

Nouvelles des Missions.

Australie.

Le frère Spieseke écrit d'Ebenezer, en date du 24 janvier, que l'activité missionnaire se poursuit avec fruit en dépit de toutes sortes de difficultés extérieures et intérieures. Le manque de vivres pour les indigènes auxquels le gouvernement n'accorde toujours pas assez de terrain de culture ne laisse pas que de créer des embarras. La dureté des cœurs, d'un autre côté, met la patience des missionnaires à l'épreuve. Il y a cependant aussi des sujets d'encouragement. Philippe promet de devenir un aide fidèle et capable. Les paroles qu'il adresse déjà, de temps en temps, à ses compatriotes réunis témoignent d'une foi enfantine et d'une intelligence surprenante des Ecritures. L'école prospère sous l'habile direction du frère Stæhle. C'est surtout un plaisir d'entendre chanter les enfants noirs qui montrent beaucoup de goût pour la musique.

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Les époux Hagenauer ont été très-douloureusement affectés par la nouvelle de la mort de leur jeune fils qui avait montré de si belles aptitudes dans l'institut de Kleinwelke qu'on l'avait placé à Nisky pour le préparer aux études théologiques. Voici ce que le père en écrit, de Ramahyuk: Après avoir reçu de si bons témoignages à son égard, nous étions pleins d'espoir pour son avenir. Son délogement a donc été pour nous une affliction inexprimable. Mais le doux Evangile nous a fourni de vives consolations. A la place d'un revoir terrestre, nous comptons sur un rendez-vous céleste. Notre plus ardent désir était

que notre fils servît un jour son Sauveur, et maintenant le voilà qui le sert déjà dans le ciel avec louanges et actions de grâces. Qu'il est doux pour nous de sentir sa dépouille mortelle reposer jusqu'au jour de la résurrection dans le cimetière d'une de nos églises de la patrie! Nos remerciements de cœur à tous ceux qui ont témoigné de l'affection à notre enfant pendant son court pèlerinage ici-bas! La sympathie générale que nous rencontrons ici nous fait du bien. Les noirs aussi qui aimaient notre petit Théophile prennent une part bien vive à notre deuil. »

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Le frère Hagenauer rapporte de Ramahyuk que leur ami juif de la ville voisine de Stratford ne se lasse pas de donner des preuves de son vif intérêt pour l'œuvre civilisatrice que les frères poursuivent au milieu des aborigènes. Déjà nos missionnaires peuvent dire de lui ce que jadis les anciens de Capernaum ont dit du centenier: « Il aime notre peuple et nous a bâti la synagogue (Luc 7, 5), car la nouvelle maison d'école de Ramahyuk est due en grande partie à la générosité de ce juif. Mais il y a plus: La station possède maintenant une horloge, et celle-ci est encore un don de ce même ami qui visite fréquemment les missionnaires et leur troupeau et qui a même assisté à la célébration de la fête de Noël. Il va sans dire qu'il était pour quelque chose dans les cadeaux étalés au pied des arbres de Noël qu'entourait toute une troupe d'enfants noirs qui chantaient avec bonheur les louanges de l'Enfant qui nous est né. En Australie, nos missionnaires ne sont pas dans le cas de suspendre aux arbres de Noël des pommes et des noix dorées; ils les remplacent fort avantageusement par des cerises mûres. Le frère Hagenauer rapporte en outre que les vacances de Noël coïncident avec la moisson et qu'ils comptaient remplir leur grenier d'une abondance de gerbes dorées.

On sait que nos missionnaires, en vue d'augmenter les res

sources des noirs, ont aussi introduit la culture de l'arrowroot. Il paraît qu'un plein succès a couronné cet essai. Le Comité de Melbourne chargé de faire représenter l'industrie australienne à l'exposition de Vienne, a tenu à y expédier des échantillons de l'arrowroot récolté dans les champs des paroissiens de Ramahyuk.

Au commencement de cette année, la station comptait 81 noirs, 44 hommes et 37 femmes, y compris 26 enfants! De ce nombre 34 sont baptisés et 17 sont communiants.

Thibet.

Kyelang, ce poste qui semble fait pour exercer la patience des ouvriers du Seigneur, vient de célébrer une fête bien propre à récompenser les persévérants labeurs et le renoncement illimité de ceux qui, durant cinq années, n'avaient plus eu le bonheur de pouvoir baptiser des adultes. Le dimanche 9 mars, à l'heure du sermon et au milieu d'une affluence considérahle de Thibétains bouddhistes, le frère Heyde a reçu dans l'Eglise de Christ deux nouveaux membres, Siméon (Drogpa) et Joseph (Dona). Les anciens membres du petit troupeau paraissaient éprouver une joie égale à celle de leurs conducteurs spirituels. Ils étaient venus à la solennité vêtus de blanc, et lorsqu'après le baptême, ils se trouvèrent tous réunis dans la chambre du frère Heyde pour souhaiter la bienvenue à leurs nouveaux frères, Samuel s'écria avec émotion: « Que le Seigneur nous fasse la grâce d'être tous réunis de la même manière un jour dans le ciel! Le reste de la journée se passa dans une douce communion fraternelle. « Nous sommes heureux de voir, écrit le frère Redslob, combien nos chrétiens se sentent solidaires les uns des autres, combien ils s'aiment les uns les autres, combien ils sont pénétrés du sentiment de ne

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