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Nous n'avons pas besoin d'avertir de nouveau que le tableau précédent repose sur des bases approximatives et par conséquent plus ou moins conjecturales. Pour le former, nous nous sommes servis, comme de termes de comparaison, des notions que nous offraient la France, l'Angleterre et les Pays-Bas. Nous avons eu égard à la population, à la nature du sol et des produits, au principe d'industrie prédominant, aux grandes agglomérations d'ouvriers, à l'influence des religions, des climats, des mœurs et des usages. Nous avons enfin procédé du connu à l'inconnu par l'analogie. Le résultat de ces diverses opérations a constamment justifié les principes que nous avons émis sur les causes génératrices du paupérisme.

Partout, en effet, on voit le nombre des pauvres s'accroître en raison de la multiplication et de l'agglomération de la population ouvrière, de la prédomination de l'industrie manufacturière sur l'industrie agricole, de l'application des doctrines anglaises de civilisation et d'économie politique, et de l'abandon du principe charitable et religieux (1).

(1) Les mêmes causes agissent déjà, ainsi que nous l'avons fait remarquer ailleurs, dans les Etats-Unis d'Amérique, pays encore naissant, en quelque sorte, et où la population est encore loin d'avoir dépassé ses limites naturelles. Mais les théories industrielles de l'Angleterre, admises dès longtemps dans ces contrées, ne pouvaient tarder d'y porter leurs fruits amers.

« On ne peut se faire une juste idée, dit le Bostor advertiser, de la rapidité avec laquelle le paupérisme nous envahit, qu'en portant nos regards sur le passé. Alors on a la mesure des progrès immenses que fait chaque jour ce fléau; alors on reconnaît l'inefficacité de toutes les mesures adoptées jusqu'ici, pour l'arrêter dans sa marche. A Massachussets, le nombre des pauvres était, en 1821, de 1/34 sur 100 habitans. Onze ans après, en 1832, ce chiffre avait presque doublé, et s'élevait à 2/55 sur 100 habitans. A Boston, le nombre des pauvres était, en 1819, de 395; en 1821, il atteignit le chiffre de 400; en 1822 et 1823, il augmenta encore; et aujourd'hui, le nombre des pauvres que renferme cette ville, dépasse 800. A New-Yorck, la taxe des pauvres a triplé à peu près, de 1815 à 1831. Dans l'état de Newhampshire, on ne comptait qu'un pauvre sur 300 habitans, en 1800; aujourd'hui, on compte pauvre sur 100 ha

En Europe, le rapport du nombre des pauvres à la population totale est de 120 810.

Le rapport du nombre des classes agricoles aux classes industrielles est:: 512: 1.

Le rapport du nombre des pauvres à celui des classes agricoles est 1:6; tandis que ce même rapport, au nombre des classes industrielles, est de 5 à 1, c'est-à-dire que, sur 10,897,333 indigens, 1,816,222 appartiennent à l'agriculture et 9,081,111 à l'industrie.

Le pays qui offre proportionnellement le plus de pauvres est la Grande-Bretagne : leur nombre, à l'égard de la population totale, est dans le rapport de 1 à 6.

Celui qui en offre le moins est la Russie, où ce rapport est de 1 à 100.

La France et l'Allemagne sont, à peu de chose près, dans la moyenne générale : le nombre de leurs pauvres

bitans. La Pensylvanie a donné des résultats non moins remarquables; en 1820, on comptait, dans cette partie des états de l'Union, un pauvre sur 40 habitans, et la taxe des pauvres a quintuplé de 1820 à 1832. »

Tous les efforts du gouvernement sont aujourd'hui dirigés contre cette progression effrayante: on espère obtenir d'utiles résultats des sociétés de tempérance qui se multiplient sur tous les points des Etats-Unis.

L'instruction populaire est très avancée dans la conféderation angloáméricaine. Tandis qu'en Angleterre on compte 1 écolier sur 15 habitans, et en France, I sur 17, le rapport du nombre des écoliers à la population est, aux Etats-Unis, de 1 sur 8 habitans. Malheureusement, l'influence morale de la religion a perdu de son empire sur un peuple dont cependant les fondateurs sacrifièrent tout à l'intérêt de leurs croyances religieuses. « Les habitans de l'Union, a dit un homme d'esprit, ont trop de religions, pour. avoir beaucoup de religion. » En effet, il y a aux Etats-Unis une trentaine de sectes principales qui se subdivisent en un nombre infini de ramifications. Outre les catholiques romains, on y trouve des anabaptistes, des épiscopaux méthodistes, des congréganistes orthodoxes, des presbytériens, des luthériens, des frères unis, des unitairiens, des universalistes, des quakers, des memnonites, des tunkers, des shakers, l'église de la nouvelle Jérusalem, l'église hollandaise réformée, etc., etc. L'anarchie des cultes commence à se faire sentir; aussi, assure-t-on qu'il se manifeste une tendance marquée vers un retour à l'unité religieuse, c'est-à-dire au catholicisme. C'est un progrès qu'il est important de constater.

est, à celui de leur population totale, dans le rapport de 1 à 20. (Ce rapport est, pour l'Europe, :: 1: 120 8|10.) Nous plaçons ici la carte graduée du paupérisme en Europe (1).

Que, si l'on désirait connaître les parties de l'Europe où, abstraction faite des résultats numériques, la situation matérielle des pauvres est la plus affligeante, il suffirait d'examiner l'influence des systèmes de civilisation et d'industrie qui prédominent; il faudrait avoir aussi quelque égard à la diversité des climats; car il est sensible que ceux du nord multiplient les besoins, tandis que ceux du midi n'en comportent que de très bornés. Il ne faut pas oublier, non plus, que la Russie et la Turquie, par la nature de leurs institutions, sont dans une catégorie exceptionnelle.

Dans le nombre de 10,897,335 indigens que nous avons assignés à l'Europe se trouvent compris, non seulement les mendians, dont nous traiterons spécialement dans un autre chapitre, mais tous les prolétaires, qui, ne pouvant exister suffisamment par leur travail, éprouvent des privations plus ou moins douloureuses, et appellent les secours de la charité publique ou privée.

Il est inutile de faire remarquer que le nombre des pauvres de chaque royaume est nécessairement très inégalement réparti dans les diverses localités. Les villes en offrent toujours une proportion beaucoup plus considérable que les campagnes. Cette proportion varie de 15 à 1/15, tandis que, dans les campagnes, elle n'est elle n'est que de 1/30 à 1/100.

Ces observations acquerront plus de force par les détails que nous allons présenter sur le nombre, la situation et la répartition des pauvres en France.

(1) Nous avons cru devoir suivre, en cette circonstance, l'exemple donné d'abord par M. Malte-Brun et adopté par M. le baron Charles Dupin, relativement à la situation de la France sous le rapport de l'instruction élémentaire. M. A.-M. Guerry en a fait une application heureuse dans son Essai sur la statistique morale de la France.

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Lith de Raeppelin, rue du Croissant 20.

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