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tère dont s'entoure leur bienfaisance s'est opposé à ce que le gouvernement obtînt des renseignemens sur le nombre des individus secourus, et même sur les ressources dont on dispose et sur le montant des secours distribués, dont il n'est rendu compte qu'à la société. C'est bien comprendre le caractère de la charité véritable. En France et dans les pays catholiques, les secours sont confiés ordinairement aux curés et aux sœurs hospitalières. On ne peut avoir de plus sûrs intermédiaires. Néanmoins, des associations religieuses conçues dans le même but que les sociétés des Pays-Bas, ne pourraient que multiplier l'efficacité de cette bienfaisance mystérieuse, et l'on doit exprimer le vœu d'en voir se former de semblables parmi nous (1).

(1) Nous apprenons, en ce moment, qu'une société de personnes distinguées par leur rang et leur pieuse charité, s'est formée à Paris, dans le but spécial de soulager les pauvres honteux et leurs familles. Des secours sont donnés aux vieillards et aux infirmes, par l'intermédiaire de MM. les curés ; on procure aux jeunes personnes du travail et les moyens de se placer comme institutrices; on pourvoit à l'éducation des enfans, et tous ces bienfaits s'accomplissent avec une délicatesse qui en augmente le prix et l'efficacité. Déjà cette société a produit les plus heureux résultats, et tout porte à croire qu'elle comptera de nombreux souscripteurs dans la capitale, comme elle trouvera des imitateurs dans les provinces.

CHAPITRE XVII.

DES INDIGENS HORS D'ÉTAT DE TRAVAILLER, QUI N'ONT PU ÊTRE ADMIS DANS LES ÉTABLISSEMENS DE CHARIté.

Votre pitié, voilà leur unique partage.
(DELILLE)

AINSI qu'on l'a fait remarquer, les asiles, offerts par la charité religieuse, aux malheureux réduits par leurs infirmités à l'impuissance de soutenir leur existence par le travail, n'ont pu toujours suffire à recueillir ces tristes victimes du malheur répandu sur la race humaine. Il en est un grand nombre qui, en attendant leur place dans les hôpitaux et dans les hospices, n'ont d'autre espoir que dans la charité publique ou privée. On présume que ce nombre s'élève actuellement en France à environ 220,000 parmi lesquels 128,000 sont secourus à domicile, et 92,000 sollicitent habituellement l'aumône. Nous nous occuperons ailleurs et d'une manière plus spéciale de ces derniers. La charité religieuse s'est efforcée de soulager la misère des uns et des autres. Ils sont l'objet spécial de la sollicitude des ecclésiastiques, des congrégations religieuses et des administrations charitables, et inscrits les premiers pour occuper les places qui vaquent dans les établissemens de charité. Ceux qui mendient, sont tolérés malgré la rigueur des lois qui proscrivent la mendicité; et, en effet, on ne saurait sans injustice les punir de l'insuffisance des asiles créés pour eux.

CHAPITRE XVIII.

DES INDIGENS QUI MANQUENT DE TRAVAIL OU D'UN SALAIRE SUFFISANT.

Offrir du travail aux indigens valides qui en manquent est certainement, de tous les secours, le plus utile. Il profite à la société entière. Il économise les fonds destinés au soulagement du malheur : mais ce qui est bien plus important, il accoutume l'indigent à s'assister lui-même par ses propres efforts. Il entretient l'activité morale et physique. Il protège en lui la dignité de caractère.

(DEGERANDO.)

Nous avons vu, par ce qui précède, que la charité religieuse avait cherché à soulager toutes les misères que la destinée de l'homme ordonne de subir comme expiation et comme épreuve. Mais il est une nature d'infortune qu'il ne lui appartenait pas de prévoir, parce qu'elle découle d'une origine évidemment contraire à l'organisation sociale fondée par le christianisme. La religion avait tout réglé dans la société évangélique. En prêchant une morale pure, en recommandant le travail, la modération, la sobriété, la tempérance, les vertus et surtout la charité; en faisant connaître aux hommes leurs devoirs réciproques; en leur offrant l'agriculture comme une mine inépuisable de richesses et d'aisance, en instituant la sainteté du mariage, et enfin en conseillant le célibat, elle ne leur

montrait pas seulement le bonheur dans une autre vie; elle leur offrait aussi les moyens d'en conserver l'image durant leur rapide passage sur la terre. La civilisation chrétienne tendait évidemment à ce que l'univers ne présentât d'autre misère que celle que la Providence a permis d'y paraître comme souvenir et expiation de la première faute; elle tendait encore à ce que cette misère pût être adoucie matériellement de manière à ne produire aucun désordre grave. Mais une civilisation, basée sur d'autres lois, a introduit de nouvelles et fécondes ressources d'indigence et de malheur.

Nous avons essayé de montrer dans la première partie de cet ouvrage, combien l'égoïsme cupide des entrepreneurs d'industrie, combien le développement et l'emploi irréfléchis des procédés économiques dans les manufactures, combien, enfin, la démoralisation, les mariages prématurés et imprévoyans, et l'excitation inhumaine à de nouveaux besoins, multipliaient le nombre des ouvriers qui manquent de travail ou dont le salaire est insuffisant pour faire subsister leurs familles.

On sait que, dans l'organisation moderne de l'industrie, les grandes fabriques, les machines et le bas prix des produits et des salaires sont les premiers élémens de la production. Des populations entières d'ouvriers sont placées sous la dépendance absolue de quelques spéculateurs devenus maîtres et régulateurs de leur existence. De plus, depuis l'établissement des fabriques de coton, l'industric analogue qui s'exerçait sur les produits du sol national a été négligée, sinon abandonnée.

Il résulte, de cet état de choses, que lorsqu'une concurrence universelle fait diminuer la demande du travail, le travail et les salaires baissent dans une proportion dont le chef de la manufacture est le seul arbitre. Or, comme ces vicissitudes sont fréquentes, il arrive que beaucoup d'ouvriers demeurent sans emploi, et par conséquent sans pain,

et que les ouvriers conservés, réduits à la plus minime rémunération, sont dans l'état le plus voisin de la misère. Ils tombent dans l'indigence comme leurs compagnons renvoyés, si une maladie ou un accident les prive de leurs forces ou si leur famille, toujours plus ou moins nombreuse, se compose d'enfans en bas âge.

La modicité habituelle de leur salaire s'oppose à l'épargne, autant que leur imprévoyance naturelle. D'un autre côté, lorque des événemens quelconques font monter le prix des subsistances, le taux des salaires ne suit pas celui des denrées et se trouve même le plus souvent modifié en sens inverse. Dans les pays où il y a beaucoup de fabriques, ces malheurs peuvent frapper à la fois des milliers d'individus. On aperçoit facilement qu'il est impossible de soulager toutes ces souffrances au moyen des hospices et des distributions de secours publics.

Dans l'ancien système, ces cas étaient rares; les disettes ou la guerre seules pouvaient les produire dans quelques provinces, et les aumônes des couvens et des abbayes, les libéralités des riches et les mesures sages du gouvernement, venaient abondamment au secours des indigens, alors habituellement bien moins nombreux dans la classe ouvrière, surtout dans celle qui s'occupe exclusivement d'agriculture.

Depuis l'application des théories de l'économie politique anglaise, ces accidens sont journaliers et atteignent des populations entières. On peut donc justement attribuer à la nouvelle organisation sociale et industrielle, des maux que la civilisation chrétienne n'avait pas dû prévoir, mais que désormais elle pourra seule prévenir et soulager.

On avait espéré que des dépôts de mendicité pourraient suffire à ces besoins passagers, et les premiers établissemens de ce genre, créés en France, curent pour objet cette destination et la répression des mendians en état de travailler; mais on s'aperçut bientôt que ces institutions

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