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étaient à peu près inefficaces comme moyens de bienfaisance en faveur des ouvriers sans travail. On pensa que l'on aurait fait un grand pas vers le mieux, si l'on parvenait à offrir une occupation productive et utile aux pauvres en état de travailler, sans qu'une forte part des ressources fût absorbée par des frais de bâtimens et d'administration.

Il avait été question d'ateliers de charité dès l'année 1685; une déclaration du 25 avril de cette année règle l'ordre de ces ateliers et la punition des mendians valides et vagabonds.

Ce fut aussi l'objet spécial des ordonnances du 25 juillet 1700 et du 6 août 1709; mais ce genre de secours ne s'étendit à tout le royaume que sous Louis XVI. Sous le ministère de Turgot, des travaux publics furent ouverts dans toutes les provinces pendant les mortes saisons de l'année.

Ces mesures, interrompues pendant les orages révolutionnaires, furent remises en vigueur, en France, à la suite des disettes de 1811 et de 1816. Dans cette dernière circonstance, M. Lainé, ministre de l'intérieur, traça ainsi les devoirs à remplir par la charité publique.

« Les secours en argent ou en nature laissent le pauvre valide dans l'oisiveté; ils l'habituent même à la paresse : le travail, au contraire, l'entretient dans une utile activité et l'accoutume à chercher son existence dans l'emploi de sa force. >>

« L'administration ne doit certainement pas, quand elle le pourrait, procurer du travail, dans toutes les conjonctures, à tous ceux qui lui en demanderaient. >>

« Ce serait, d'un côté, ôter aux classes laborieuses l'inquiétude salutaire qui les porte à rechercher le mode d'occupations qui peut leur être le plus profitable, et, d'un autre côté, donner aux fonds, dont l'administration disposerait, un emploi forcé beaucoup moins avantageux à l'industrie que celui qu'ils recevraient en suivant la direction

de l'intérêt particulier. Mais il est cependant des circonstances où le gouvernement doit prêter son assistance. >>

« Si, par suite d'intempéries ou d'une mauvaise récolte, par les ralentissemens du commerce ou par la chute d'une branche d industrie, la population d'un canton ou d'un département se trouve plongée dans la détresse ; si, à la fois, la subsistance devient plus coûteuse et les moyens de se la procurer plus difficile, c'est alors que la prudence et l'humanité font un devoir à l'administration de porter des secours à cette population, d'aider à la soutenir jusqu'à ce que l'équilibre entre les besoins et les ressources se soit rétabli; et les secours les plus efficaces, les plus utiles, les plus propres à accélérer le rétablissement de cet équilibre, consistent dans le travail. En soulageant les besoins momentanés du pauvre, le travail a encore le double avantage de lui inspirer des habitudes salutaires et de laisser des résultats désirables. Les ateliers de charité remplissent ce but. >>>

Un autre moyen indiqué pour secourir les malheureux dans ces momens de crise passagère, était de faire des avances ou des sacrifices d'argent pour maintenir, à un taux modéré, le prix du pain destiné à la consommation des classes ouvrières. Il a été employé plus d'une fois, avec succès, dans de semblables circonstances, quoique la charité eût alors à lutter souvent contre les calculs d'une cupidité barbare, celle qui ose spéculer sur la misère publique.

Mais les règles sages, tracées par l'éloquent ministre que nous venons de citer, s'appliquent évidemment à des cas d'urgence, et nécessairement rares et passagers. La charité publique et la bienfaisance des propriétaires, unissant alors leurs efforts pour soulager une infortune imprévue et instantanée, parviennent à des résultats sinon complets, du moins très efficaces. En 1816, malgré l'exemple de l'Angleterre, on ne soupçonnait pas encore que l'on verrait un jour

en France s'introduire cet état permanent de souffrance, provenant du défaut et de l'insuffisance du travail et d'un excédant de population ouvrière. Ces indigens, à peine connus dans les temps où l'on s'efforçait d'encourager la population, sont venus grossir les listes des pauvres qui ne peuvent travailler; ils surchargent la charité administrative et la charité religieuse d'un fardeau auquel elles ne peuvent plus désormais suffire, quélque développement qui ait été donné à l'organisation des secours à domicile, et malgré la foule d'institutions charitables créées chaque jour pour soulager la misère ou la prévenir dans les classes industrielles.

C'est à partir de cette époque que la charité a dû prendre de nouvelles formes et une nouvelle puissance. Sans cesser d'être toujours la vertu simple, modeste et céleste par excellence, elle est appelée à prendre rang dans les sciences politiques et économiques pour combattre l'effet de fausses théories, pour réparer des maux qu'elle n'a pas faits. C'est ainsi qu'elle demeurera l'élément toujours indispensable de la civilisation progressive.

En 1829, on évaluait par approximation le nombre des indigens qui, en France, manquent de travail, ou ne reçoivent qu'un salaire insuffisant pour faire vivre leur famille, à environ 1,366,340 individus, savoir :

1° Indigens par surabondance d'enfans .

2° Par défaut de travail, insuffisance de sa

laire, ou suite de malheurs.

3° Par inconduite.

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790,000 individus.

270,000

306,340

1,366,340

On comprend dans la première catégorie 35 d'enfans (340,090), dont environ 76,000 sont présumés mendians. Dans la troisième, 30,000 indigens valides des deux sexes se livrent à la mendicité.

Le nombre total de ces indigens s'est accru considéra

blement depuis la révolution de Juillet. Nous avons, d'après des calculs fort loin d'être exagérés, évalué cette augmentation à 252,362 individus (environ 1|6 3|12), et nous avons malheureusement la crainte trop fondée de la voir s'étendre chaque année davantage. Le remède se trouve dans un prompt retour à d'autres principes d'industrie et d'économie politique, et dans une nouvelle manifestation de la charité générale, ou plutôt dans le seul principe de la charité appliquée à toutes les relations de la vie sociale; car tous les moyens nécessaires que nous indiquerons nous paraissent bien incomplets et bien vagues, si la charité ne les vivifie de sa chaleur bienfaisante.

CHAPITRE XIX.

DES MONTS-DE-PIÉTÉ.

Si vous prêtez de l'argent à ceux de mon pcuple qui sont pauvres parmi vous, vous ne les pressurerez point comme un exacteur impitoyable et vous ne les accablerez point par les usures.

Si votre prochain vous a donné son manteau pour gage, et qu'il n'ait que cela pour se couvrir, vous le lui rendrez avant que le soleil soit couché. (Exode.)

Au nombre des causes qui ont aggravé de tous les temps le sort des ouvriers pauvres, on doit justement placer l'égoïsme avide de quelques mauvais riches toujours aux aguets pour spéculer sur leurs besoins les plus impérieux. L'usure, quelque innocente et légale qu'elle paraisse aux yeux de l'économie politique, a pour inévitable effet de plonger, dans le dernier degré de la misère, le malheureux qui a dû réclamer une fois ses infâmes et perfides secours.

Le spectacle des ravages que ces sangsues de l'infortune imprévoyante exerçaient dans la plupart des villes d'Italie, inspira à la charité religieuse la pensée de fonder des établissemens où, moyennant un nantissement suffisant et un modique intérêt, on prêterait de l'argent aux pauvres que de pressans besoins portaient à vendre leurs effets ou d'emprunter à usure: ces institutions prirent le nom de monts-de-piété.

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