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Les noms de Vincent-de-Paule, de Fénélon, de Belzunce, de Legris-Duval, de Caron, sont inséparables de l'histoire de la charité. Celui de Quelen (1) et d'un nombre infini de saints pontifes et de vénérables ecclésiastiques, est déjà consacré désormais dans les annales qui transmettront à la postérité le souvenir de l'un des plus terribles fléaux qui ait frappé l'Europe, et particulièrement la capitale de la France.

à son

(1) L'Europe chrétienne sait comment M. l'archevêque de Paris a répondu, par les bienfaits d'une ardente charité, aux menaces et aux injures dont il avait été l'objet, de la part d'une populace égarée. Nous ne pouvons nous refuser au plaisir de placer ces quelques lignes où M. Mennechet rendit compte de l'impression produite par une prédication de l'illustre prélat, sur la charité. « Les brebis ont reconnu le pasteur, extérieur où respirent la mansuétude et la dignité, à son organe plein de douceur et cependant pénétrant, au geste que ne déparent pas quelques momens d'abandon, mais surtout à cette onction évangélique qui va au cœur par des routes qui ne sont connues que d'elle. On nous permettra d'exprimer ici toute notre pensée. Il nous semble que M. de Quélen rappelle Fénélon. Je dis qu'il le rappelle; car, qui de nous ne connaît pas, qui ne croit pas avoir vu l'archevêque de Cambrai, et avoir admiré ce modèle toujours vivant de la perfection humaine? Nous avons si présens sa belle figure, son noble maintien, l'harmonie de sa voix, l'enchantement de ses paroles, que si, par miracle, il apparaissait au milieu de nous, dans une des chaires de Paris, nous tomberions la face contre terre, parce que nous le reconnaî

trions tous. »

CHAPITRE XXIII.

DES ASSOCIATIONS LIBRES DE BIENFAISANCE ET
PHILANTROPIQUES.

La véritable philantropie est toute évangélique dans son esprit comme dans ses actes. Désinteressée dans ses déterminations, elle fait le bien pour le bien; mais elle le rapporte au bienfaiteur suprême, invoque son aide et sa bénédiction, lui rend grâce d'avoir été l'instrument de ses miséricordes. La piété, sa céleste compagne, guide et doit toujours guider ses pas. On pourrait la définir : l'amour des hommes sanctifié par l'amour de Dieu.

(Gustave DEGÉRANDO.)

PENDANT long-temps la charité pare, c'est-à-dire celle qui commande de faire du bien aux hommes, non seulement pour eux-mêmes, mais en vue de Dieu, a régné exclusivement en France et dans la plupart des états de l'Europe. Nous venons de parcourir rapidement la série des prodiges qu'elle a enfantés.

A mesure que l'affaiblissement des croyances religieuses, suite nécessaire de la réforme, s'est opéré dans les esprits, la charité a dû perdre aux yeux de quelques hommes son caractère religieux pour faire place à un sentiment seulement humain. Cette charité incomplète, inventée en Angleterre, nous a été importée avec les doc

trines de la philosophie matérialiste, comme le voile sous lequel devait se cacher ce qu'elle renferme d'égoïste et d'ignoble : c'était le pavillon destiné à couvrir la fraude.

Mais dans un pays religieux comme la France, la bienfaisance qu'on cherche à substituer à la charité religieuse ne pouvait se séparer entièrement de son principe. Ses premières applications, et en général toutes celles qui se sont réalisées successivement, ont mérité des éloges sans restriction. Les sociétés de bienfaisance créées avant la révolution n'étaient guère que des associations de charité sous une dénomination nouvelle, et particulières aux gens du monde. Le clergé les secondait par ses exhortations et son exemple. Celles fondées pour le rachat des prisonniers pour dettes, pour le placement des domestiques et pour beaucoup d'autres bonnes œuvres furent les émules et non les rivales des pères de la Merci et des autres instituts religieux dévoués à la charité.

Sous le vertueux Louis XVI, en 1780, la capitale vit s'établir une vaste société de bienfaisance qui a produit d'admirables résultats. Interrompue par la révolution, qui avait dispersé toutes les institutions de charité, elle fut recomposée en l'an 10, et depuis lors elle ne cesse de propager l'esprit de charité et de suppléer à l'insuffisance des établissemens publics. C'est à elle que l'on doit l'introduction des soupes économiques, des dispensaires (dont les curés de Paris avaient donné la première idée) et des sociétés de prévoyance mutuelle imparfaitement inconnues auparavant. Son but, ainsi que l'avait si bien exprimé un de ses plus respectables fondateurs (le duc Mathieu de Montmorency), était de fournir aux besoins des pauvres sans leur donner de l'argent. Depuis le rétablissement de l'ordre, de la paix et de la religion en France, beaucoup de sociétés bienfaisantes ou philantropiques se sont formées à Paris et dans nos grandes villes. Nous offrirons plus tard la liste des principales associations de ce genre

que renferme aujourd'hui la capitale. Nous nous bornerons à citer la Société philantropique, dont monseigneur le duc de Berry, ce prince si bon, si aimable, si généreux, et, hélas! si infortuné, s'était déclaré le président et le protecteur, comme de tant d'autres établissemens charitables. La ville de Lyon en possède d'admirables. Telles sont les associations de jeunes gens réunis pour porter des consolations aux pauvres malades dans les hôpitaux l'institution des sœurs de Saint-Joseph pour recevoir, à l'expiration de leur peine, des malheureuses condamnées : celle qui a pour objet d'élever des enfans retirés à des parens vicieux et corrompus: une associaciation de veilleuses pour soigner les malades secourus par le dispensaire dans leur domicile, etc.

La charité des associations religieuses avait mis sur la voie de toutes les améliorations; elle a su inspirer la charité des personnes du monde et se prêter, par son intermédiaire, à soulager de nouveaux besoins.

Dans beaucoup de villes où se trouvaient des écoles tenues par des sœurs hospitalières, un grand nombre d'enfans en bas âge étaient admis dans une des salles et surveillés, pendant la durée du travail de leurs parens. La touchante sollicitude de ces bonnes religieuses pour de jeunes et faibles créatures, l'objet de la prédilection du divin Maitre, a donné l'idée première de ces salles d'asile que l'on a consacrées récemment à cette destination.

On avait observé que, dans les villes manufacturières, pendant que les ouvriers et leurs femmes travaillent dans les ateliers, les enfans demeuraient en quelque sorte abandonnés à eux-mêmes ou confiés à quelque voisine qui, elle-même, avait son ménage à conduire et à surveiller. Si les parens quittaient leurs travaux pour venir les soiguer, il y avait perte de temps et de salaire. Dans tous les cas, les enfans souffraient moralement et physiquement de cette situation qui devenait une des causes les plus

actives et les plus communes de la gêne des familles et de la dégradation des enfans des pauvres.

Ces considérations suggérèrent, à des personnes bienfaisantes, le dessein de réunir les enfans des pauvres au-dessous de sept ans dans des asiles où ils seraient confiés à des personnes sûres, où ils respireraient un air salubre, recevraient les soins nécessaires, s'essaieraient à d'utiles exercices, commenceraient graduellement à ébaucher quelque petit travail, et préluderaient à l'instruction qu'ils doivent recevoir ensuite. On ne pouvait trop applaudir à une idée aussi sage et aussi ingénieuse qui généralisait par-là la pensée et la prévoyance maternelle des sœurs de la charité.

Le premier de ces établissemens, dont Locke avait pressenti la nécessité, fut formé, il y a plus de vingt ans, à Paris, par une dame dont la vie offre le modèle de toutes les vertus, et qui s'est montrée digne, par son esprit supérieur et par l'élévation de son caractère, d'être l'épouse et la mère de magistrats non moins remarquables par leurs talens et par leurs éminens services, que par leur charité et une noble fidélité à d'augustes infortunés (1).

En 1812, M. le baron de Voght, dans son beau travail sur les secours à domicile pour la ville de Marseille, proposa d'y former des asiles de ce genre, en montra tous les avantages et en traça l'organisation.

L'Angleterre s'est ensuite emparée de cette proposition. Les asylums s'y sont multipliés rapidement, parce qu'ils étaient, dans ce pays d'industrie, un des besoins les plus impérieux de la classe ouvrière.

En France, ces maisons gardiennes, si peu coûteuses

(1) Madame la marquise de Pastoret, épouse du dernier chancelier de France, et mère de M. le comte Amédée de Pastoret, ancien conseiller d'état, etc. M. Cochin, l'un des anciens maires de Paris, qui porte un nom bien cher à l'humanité, s'est associé à la fondation de cette institution précieuse.

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