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rices gardées dans l'établissement, ou au-dehors par des nourrices de la campagne. Le prix de la nourriture audehors était de 10 fr. 66 c. par mois jusqu'à l'âge de vingt mois, et de 5 fr. 33 c. de vingt mois à quatre ans, époque où ils rentraient à l'hospice pour y être élevés jusqu'à l'âge d'entrer en apprentissage. Les sœurs hospitalières étaient chargées de la surveillance de ces enfans. Les évêques étaient à la fois les chefs de l'administration et les bienfaiteurs des hôpitaux.

Tous ces établissemens avaient prodigieusement souffert des désastres de la guerre. Nous avons été témoins, en 1812 et 1813, dans une partie de la Catalogne, des malheurs qui avaient frappé les institutions de charité et de religion, mais en même temps des efforts admirables que le clergé, les congrégations religieuses et hospitalières faisaient à l'envi pour soustraire les enfans trouvés et les orphelins aux horreurs de la misère et de l'abandon. Nous avons été assez heureux pour nous y associer, et ce souvenir nous est doux et consolateur.

En Turquie, les enfans trouvés sont réputés musulmans et libres. Si aucun individu ne se charge d'un enfant trouvé, il appartient à l'état, et c'est des deniers publics qu'il doit être nourri et élevé. Ces préceptes sont évidemment empruntés au christianisme.

CHAPITRE VIII.

DE LA LEGISLATION RELATIVE A L'ENSEIGNEMENT DES

PAUVRES.

Sinite parvulos venirc ad me.

DANS les premiers temps du christianisme, et pendant une longue suite de siècles, l'instruction des classes pauvres était confiée exclusivement aux membres du clergé. Des écoles avaient été établies dans toutes les cathédrales, dans les paroisses et dans un grand nombre d'établissemens religieux. Des congrégations spéciales s'étaient formées pour cet objet, et donnaient ainsi à l'enseignement un mode régulier et des institutions perpétuelles. Successivement, le pouvoir civil comprit que l'éducation des enfans des pauvres était un devoir important de sa mission. La politique, non moins que la nature des choses, devait lui faire envisager comme une obligation sacrée de répandre les lumières et les bonnes mœurs dans toutes les classes du peuple. Les deux pouvoirs se réunirent donc pour atteindre ce but qui leur était commun; l'un se réserva la haute surveillance et l'approbation des congrégations dévouées à l'enseignement public. Le clergé conserva l'autorité sur le choix des instituteurs et sur les bases et le mode de l'instruction primaire.

Avant la révolution de 1789, l'instruction était gouvernée en France par les magistrats de l'ordre judiciaire et de l'ordre civil, par les parlemens, par les évêques et les curés, par les universités, et enfin par les congrégations enseignantes dont aucune ne pouvait s'établir dans le royaume sans lettres-patentes, dûment enregistrées.

Charlemagne, Saint-Louis, François Ier, Henri IV et Louis XIV, parmi nos rois, donnèrent une attention spéciale à l'instruction de la jeunesse. Ces deux derniers monarques avaient protégé et fondé, en tout ce qui dépendait du pouvoir civil, un système complet d'enseignement public.

Tous les ordres de l'état s'étaient trouvés constamment d'accord avec nos rois sur les bienfaits et la nécessité de l'instruction.

En 1560, aux états-généraux d'Orléans, la noblesse, loin de craindre que le peuple ne fût instruit et éclairé, voulait (ce sont les termes dont elle se servait): « Pédagogues et gens lettres en toutes villes et villages, pour l'instruction de la pauvre jeunesse du plat pays, en la religion, bonnes mœurs et autres sciences nécessaires. »

Et persuadée qu'il faut souvent faire le bien aux hommes malgré eux; que si telle est la condition des pères de famille vis-à-vis de leurs enfans, telle est à plus forte raison la condition des gouvernemens envers des pères de famille, la noblesse voulait de plus qu'il y eût contrainte et amende contre les pères et mères qui négligeraient d'envoyer leurs enfans aux écoles. »

Henri IV, par une déclaration de 1598, consacra ce vœu qui pouvait paraître sévère, mais qui témoigne du moins de l'opinion que professait au sujet des lumières, un ordre que l'on a si souvent peint comme intéressé et disposé à maintenir le peuple dans l'abrutissement et la servitude.

Louis XV et Louis XVI avaient suivi les traces de leurs glorieux devanciers. Le premier, affectant à l'université

d'honorables revenus, voulut l'enseignement gratuit. Le second, si naturellement généreux et le meilleur ami des Français, voulut l'éducation nationale, comme il voulait la liberté et le bonheur de tous.

Aux états-généraux de 1789, le clergé et la noblesse se montrèrent encore unanimement disposés à seconder les vues paternelles de ce monarque de sainte mémoire. Dans cette assemblée, le clergé avait ainsi rédigé une partie de ses cahiers. « L'éducation publique ayant une influence si marquée sur le sort des empires par les sentimens qu'elle fait germer dans le cœur des citoyens et les mœurs auxquelles elle les forme, le clergé a toujours mis au nombre de ses principaux devoirs l'obligation de s'en occuper essentiellement et de les surveiller. »

« Ce qui doit attirer les soins paternels de sa majesté au moment qu'elle s'occupe de regénérer la nation, c'est l'instruction publique. C'est du sein des états-généraux que doit sortir enfin le plan si universellement désiré d'une éducation salutaire et générale. »

La noblesse s'exprimait en ces termes :

« L'assemblée nationale portera sûrement son attention sur les établissemens d'instruction publique qui, manquant absolument dans plusieurs parties du royaume, y sont presque partout imparfaits. Ces fondations, presque toutes anciennes, ont conservé la routine des siècles qui les ont vues naître. Il serait temps de les faire participer aux lumières acquises, de leur donner un régime plus propre à former des citoyens de tous les états, et surtout de propager jusque dans les campagnes, les moyens d'une instruction suffisante à ceux qui les habitent et qui puisse s'étendre même jusqu'aux pauvres. »

« Que l'éducation publique soit perfectionnée, qu'elle soit étendue à toutes les classes des citoyens; qu'il soit rédigé pour tout le royaume un livre élémentaire contenant sommairement les points principaux de la constitution :

qu'il serve partout à l'instruction de la jeunesse, à la première instruction de l'enfance; et que les Français, en naissant, apprennent à connaître, à respecter et chérir leurs lois. Il sera arrêté des lois invariables retativement à l'éducation nationale, et les états-généraux aviseront aux moyens de trouver les fonds nécessaires pour pourvoir à l'entretien, et récompense des maîtres pour l'éducation des pauvres. »

Le tiers-état demandait également : « Qu'il fût fait un plan d'éducation nationale dont le principal but sera de donner aux élèves une constitution robuste, des sentimens patriotiques, et la connaissance des principes nécessaires à l'homme social et au Français. »

Jusqu'en 1789, les petites écoles ou écoles primaires pour les pauvres avaient été partagées entre diverses congrégations qui étaient plus ou moins soumises à la juridiction de l'ordinaire (l'évêque) dans les différens diocèses, et des maîtres isolés, qui exerçaient leur état avec l'approbation préalable et sous la direction immédiate, soit de l'écolâtre, soit de l'archidiacre, soit du grandchantre (1) ou de son vicaire, soit enfin des curés, sans néanmoins aucun préjudice des droits de ceux à qui une fondation, ou tout autre titre, donnait le droit de nommer aux places de maîtres et de maîtresses d'école.

Cela était conforme aux anciennes lois et notamment à l'édit de 1695 dont le 25e article était conçu en ces termes « Les régens, précepteurs, maîtres et maîtresses d'école des petits villages seront approuvés par les curés des paroisses ou autres ecclésiastiques qui ont le droit de le faire. »

Les archevêques, évêques et archidiacres pouvaient donner l'ordre de les remplacer, si l'on n'était pas satisfaits de leur doctrine et de leurs mœurs (2). »

(1) Dignitaires du chapitre diocésain.

(2) « Que de choses admirables, dit M. le baron Ch. Dupin, dans l'an

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