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SUR

LE DESSEIN ET L'USAGE

DE

CE CATECHISME.

CEUX qui ont quelque expérience des fonctions ecclésiastiques et quelque èle pour le salut des ames, sont sensiblement touchés de l'ignorance de la plupart des Chrétiens. Ce ne sont point seulement les paysans, les ouvriers, les gens grossiers, sans esprit, sans éducation, ce sont les gens du monde, polis et éclairés d'ailleurs, souvent même les gens de lettres, que l'on trouve fort mal instruits, et des mystères et des règles de morale. On voit des personnes dévotes qui ont lu beaucoup de livres spirituels, et savent grand nombre de pratiques de piété, mais qui n'ont pas encore bien compris l'essentiel de la religion. On voit, qui le pourroit croire? des religieux, des prêtres et des théologiens, à qui l'écriture sainte n'est pas familière, et qui ne se sont pas assez appliqués à entendre le corps de la doctrine chrétienne, et la suite des desseins de Dieu sur

nous.

Cette ignorance est une des principales sources de la corruption des mœurs. Rarement la dépravation du cœur est-elle si grande, que l'on résiste ouvertement à la lumière de la vérité et de la justice: mais on ne peut

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faire que par hasard le bien que l'on ne connoît pas. La dévotion ne peut jamais être que superficielle, quand elle n'est point fondée sur des principes solides, et sur ane pleine conviction de l'excellence de la loi de Dieu; et un théologien qui ne s'attache qu'aux questions particulières que l'on agite dans les écoles, et au détail de la pratique présente, ne sera jamais capable de bien instruire les enfants de l'église, ni de bien combattre ses ennemis.

Le libertinage même et le mépris de la religion ne viennent que d'ignorance; car il est impossible de connaître la doctrine chrétienne telle qu'elle est, sans l'admirer et l'aimer. La plupart des libertins le sont sans connoissance de cause, par emportement ou par préoccupation; et si quelques-uns ont de l'étude, ce sera de la philosophie purement humaine, ou la lecture de qquelque auteur extravagant, qui combatte toutes les maximes établies. Mais il n'y en a point qui ait examiné les preuves avant les objections, et qui se soit donné la patience de sonder les fondements de la religion, et d'en considérer attentivement toute la suite.

Il ne faut pas chercher bien loin la cause de cette ignorance. L'ignorance naît avec nous, et c'est une des suites de la corruption de la nature. Ce n'est pas de ces maux auxquels on puisse remédier une fois pour une longue suite d'années, puisque tous les jours des enfants viennent au monde, et y viennent entièrement - ignorants. Il leur sert peu de naître dans le sein de l'église et de parents éclairés, si l'on ne prend grand soin de les instruire chacun en particulier, et si de leur côté ils ne s'affectionnent aux instructions; mais la corruption du cœur humain résiste à l'un et à l'autre. A

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moins que la grâce m'opère puissamment, nous ne dsommes point touchés des choses de l'autre vie, parce qu'elles ne frappent point nos sens; toute notre application se porte aux choses temporelles. Avec combien de soin, de travail et de patience les hommes les plus grossiers s'appliquent-ils à apprendre des métiers pour subsister? Combien donne-t-on à l'étude de la jurispru dence, de la médecine, des mathématiques et des autres connaissances utiles au commerce de la vie? Il n'y a point de financier, de marchand, de riche bourgeois, qui n'étudie soigneusement ses comptes et ses papiers, qui n'ait de la pénétration dans ses affaires, et n'y raisonne juste. Il n'y a paysan si grossier, qui, sans savoir lire ni écrire, ne suppute exactement ce qui lui est dû, ce qui lui doit venir d'un tel travail, ce qu'il doit gagner sur une telle marchandise. Chacun a de la curiosité, de l'ouverture d'esprit, de la mémoire pour l'objet de ses passions, soit le plaisir, soit l'intérêt. Il n'y a que morale et la religion que tout le monde trouve difficile à comprendre et à retenir; on n'aime pas à en parler; on prend tout autre sujet de conversation.

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la

La plupart même ne croient pas avoir besoin de s'en instruire. Je sais plus de bien que je n'en veux faire, dira l'un; je me contente de mon catéchisme, dira l'autre. Je veux croire, dira celui-ci, sans approfondir: les vérités de la religion doivent être respectées ; il est dangereux de raisonner en ces matières (a). Vous diriez qu'ils craignent de trouver le foible de leur religion, s'ils s'en instruisoient plus à fond. Mais tous ces discours ne sont que de vains prétextes dont se couvrent

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l'ignorance et la paresse. La vraie religion ne craint
point d'être connue; elle n'enseigne rien qui ne se sou-
tienne au plus grand jour (a). La même écriture qui
nous ordonne de recevoir avec soumission les vérités
révélées de Dieu, de captiver notre entendement,
d'obéir à la foi; nous commande expressément de mé-
diter sa loi jour et nuit, de nous appliquer de toutes
nos forces à l'étude de la science et de la sagesse, et de
travailler toute notre vie à connoître la volonté de Dieu
le plus distinctement qu'il est possible.

En effet, quoique le catéchisme contienne ce qui
est le plus nécessaire à savoir, il en est comme de tous
les autres abrégés, que l'on ne sait jamais bien, si l'on
n'étudie rien au-delà. Pour entendre et retenir ce peu que
contient ce catéchisme, il faut en peser toutes les paroles,
et pénétrer chacun selon sa portée la profondeur de la
doctrine qu'elles renferment. Quant aux vérités de
morale, il est vrai que la meilleure manière de les étu-
dier est la pratique, et que nous ne savons comme il
faut, que celles que nous observons; mais il ne s'ensuit
pas que nous ne devions les apprendre, qu'à mesure
que nous les mettons en œuvre. Les occasions d'agir
ne se présentent pas par ordre, et si j'attends que j'aie
exécuté tous les commandements de Dieu pour con-
noître les conseils, je ne les connoîtrai peut-être de ma
vie, quoiqu'ils soient donnés pour faciliter l'observa-
tion des commandements. La négligence à garder les
préceptes que nous savons déja, ne nous donne donc

(a) Deut. IV. 2. etc. 2. Pet. 1.
21. 1. Th. 11. 13. Rom. xvI. 16.
2. Cor. x.5. Deut. vi. 6. 18. Ps. 1.

2. CXVIII. etc. Prov. 1. II. III.

etc. Rom. XII. 2. Ephes. v. 17.
Coloss. 1. 9. 10.

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