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XIV

AUTRES OBJECTIONS QUI NOUS SERONT FAITES.

Bien que nous attachions moins d'importance à toutes les autres difficultés qu'on pourra nous faire, nous avons cependant à cœur d'y répondre.

Objection contre notre exégèse.

On nous reprochera de bouleverser, sinon l'exégèse tout entière, au moins celles des prophéties qui n'ont pas encore eu leur accomplissement. On nous rappellera la célèbre maxime du pape saint Étienne : Nihil innovetur nisi quod traditum est.

Réponse. 1° Oui, notre exégèse sur les prophéties qui se rapportent aux derniers temps, renverse de fond en comble l'exégèse reçue dans l'École. Et pourquoi pas, si elle doit être réformée? Qu'en est-il maintenant de l'exégèse de l'École sur tous les textes qu'elle opposait à Copernic, à Galilée, à Christophe Colomb? Qu'est devenue l'exégèse accréditée, pendant un long cours de siècles, sur les passages scripturaires qui se rapportent à l'origine du monde, aux six jours de la création, à l'étendue des cieux, aux étoiles, aux eaux supérieures, au mouvement des planètes, à la configuration de notre globe, et à mille autres questions que la science moderne a éclaircies et qu'elle a mises en parfaite concordance avec la véracité du texte sacré? Si l'ancienne exégèse sur tous ces points a dû être complétement abandonnée, pourquoi ne le seraitelle pas en ce qui concerne les prophéties sur les der

niers temps, puisque l'Esprit-Saint nous avertit que l'intelligence n'en sera donnée qu'à un temps marqué1? Ah! Il est temps d'en finir avec les commentaires sur tant de textes prophétiques, tels que, par exemple, ceux où l'on nous montre la bienheureuse Vierge Marie dans la femme revêtue du soleil, et couronnée de douze étoiles, etc., ainsi que dans la femme qui a le bonheur de posséder dans son、 sein l'homme par excellence, et de l'environner de son respect et de son amour3. Il est temps d'en finir avec des traductions où l'on épuise toutes les ressources du langage pour mettre le texte sacré en harmonie avec le traditionalisme de l'École. Que d'exemples à citer! Contentonsnous de quelques-uns des textes qui se rapportent à la résurrection première. Dans Daniel, on lit les paroles suivantes... Et plusieurs de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront... et multi de his...*. Tout le contexte de ces paroles nous montre leur concordance avec celles de saint Jean sur la résurrection première; eh bien ! les exégètes ont traduit... Et toute cette multitude de ceux qui dorment, etc. Que dire du mot plusieurs traduit par tous ? Saint Paul exprime le désir d'avoir part à la résurrection d'entre les morts: Occurram ad resurrectionem quæ est EX MORTUIS'. Et les exégètes ont traduit: Afin que je puisse parvenir, en quelque manière que ce soit, à la résurrection des morts! Et ils confondent ainsi ce que l'Écriture distingue si clairement la résurrection DES MORTS et la

1. Dan., XII, 4, 9 et 10.

2. Apoc., XII.

3. Jér., XXXI, 22.

4. Dan., XII, 2.

5. Apoc., xx, 5 et 6.

:

6. Voir Corn. à Lap.; Bible de Vence; Bible de Carrière, etc.

7. Philip., III,

2.

résurrection D'ENTRE LES MORTS'. Oui, il est temps d'en finir avec de telles aberrations, de même qu'il était temps d'en finir avec une exégèse qui attribuait six mille ans d'existence à notre globe, et nous représentait la soi-disant belle image de l'esprit du Seigneur porté sur les eaux, et les couvant, en quelque sorte, pour les féconder, etc., etc..

2o Ce n'est pas nous, certes, qui nous élèverons contre l'axiome théologique : Nihil innovetur, nisi quod traditum est! Qu'on n'innove pas, qu'on s'en tienne à la tradition! Mais il faut comprendre la portée de cette sentence de quoi s'agissait-il lorsqu'elle fut proclamée? Il s'agissait du baptême conféré par les hérétiques. Saint Cyprien le regardait comme nul, et l'Église en reconnaissait la validité : elle fondait cet enseignement sur la tradition universelle et perpétuelle. Il y avait conflit c'est alors que le grand pape saint Étienne monta sur la chaire de Saint-Pierre, et proclama l'axiome célèbre : Nihil innovetur, nisi quod traditum est. Dès ce jour, la paix, un moment troublée, se rétablit. On le voit la question débattue était un dogme; et, non-seulement un dogme auquel tout chrétien doit donner l'adhésion de son esprit par foi, mais de plus, un sacrement dont l'usage revient chaque jour, sacrement qui nous donne droit à tous les biens spirituels de l'Église, nous incorporant à elle et, par elle, à Jésus-Christ. Il était donc absolument nécessaire de savoir à quoi s'en tenir sur le baptême conféré par les hérétiques. La tradition, sur ce point, n'était pas douteuse; et c'est sur elle que s'appuya saint Étienne pour prononcer.

la

1. Confronter ce texte de saint Paul avec les versets qui se trouvent: Matth., XVII, 31. et xx, 35. — I Pet., 1, 3, etc.

2. Gen., I, 2. Voir les commentateurs sur ces passages.

Qu'on n'innove pas, qu'on s'en tienne à la tradition. Cet axiome s'applique à tous les principes de foi et de morale qui ont été définis par l'autorité suprême et infaillible de l'Église, et qui constituent le corps de son enseignement perpétuel et universel. Mais vouloir l'appliquer à des opinions qui ne touchent ni à la foi ni à la morale, qui ont varié dans le cours des âges, et dont la connaissance n'est point nécessaire, ni comme règle de conduite, ni comme moyen de salut, c'est condamner tous les docteurs; car tous émettent librement leurs opinions sur les prophéties qui se rapportent aux derniers temps. Souvent ils se contredisent les uns les autres, et prouvent par ces contradictions que l'erreur se trouve quelque part, et l'incertitude partout. Vouloir imposer, comme tradition de l'Église, le traditionȧlisme de l'École, c'est donner à la maxime de saint Étienne une extension qu'elle n'a pas; c'est attribuer à des docteurs une infaillibilité que le ciel ne leur a pas départie; c'est fermer la porte à toute nouvelle exégèse et supposer que l'exégèse présente a atteint la perfection!

OBJECTION RELATIVE A LA NOUVEAUTÉ DES DOCTRINES.

On nous reprochera la nouveauté de nos doctrines, ou peut-être nous assimilera-t-on aux novateurs, aux hérésiarques.

L'accusation ne pourrait être plus grave, et nous avouons que si elle avait le plus léger fondement, nous n'hésiterions pas à poser la plume; car nous sommes, avant tout, prêtre catholique, et plutôt que de nous séparer de l'Église notre mère, plutôt même que de l'affliger par des opinions téméraires,

nous donnerions mille fois notre vie. Mais il suffira de quelques observations pour faire comprendre que nos doctrines, toutes nouvelles qu'on les suppose, n'attaquent en aucune façon la doctrine de l'Église; et que, si elles blessent les opinions d'un certain nombre de docteurs, il ne suit point de là qu'on ait le droit de nous infliger la note de

novateur.

On ne peut pas, en effet, soutenir que nos doctrines soient nouvelles, car nous avons déjà constaté que la foi au règne millénaire fut, pendant les trois premiers siècles, celle des docteurs les plus célèbres, et, au témoignage de Lactance, la foi des chrétiens. Or, toutes nos doctrines se rattachent plus ou moins à cette croyance et en dérivent par déduction logique; elles n'ont donc pas le caractère de nouveauté.

Mais, fussent-elles, en réalité, de nouvelles doctrines, nous ne pensons pas que ce fût là un motif suffisant pour les rejeter. Ah! quiconque étudie et approfondit les divines Écritures est bien forcé d'admettre qu'on n'a point compris jusqu'ici les prophéties qui concernent les derniers temps. On ne peut donc s'empêcher d'espérer que le jour viendra enfin où elles seront entendues; autrement leur but ne serait pas atteint; et il faudrait dire, ce qui serait un blasphème, que Dieu, en les inspirant, en les livrant aux études et aux recherches des hommes, a fait une chose inutile. Lors donc que ce jour désiré sera venu, une foule de vérités jusqu'alors inconnues se produiront, au grand étonnement de l'univers. Et alors, sera-ce un crime de les divulguer? Est-ce que tout chrétien ne devra pas les accueillir dans la joie de son cœur, en s'écriant avec saint Paul: Les choses an

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