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de la loi, et le Talmud dit qu'après sa mort on vit tout l'éclat de la loi s'effacer et s'éteindre1. Exempt des haines jalouses et de l'orgueilleuse affectation ordinaires aux pharisiens, il donna, au sujet des apôtres, un rare exemple de sagesse et de tolérance. Aux pieds de ce maître renommé venait se ranger la foule des étudiants, qu'on appelait le saint peuple 2. Là, certains textes de la Bible étaient pris pour sujets de discussion; les élèves, quel que fût leur âge, exposaient et soutenaient en liberté leur sentiment; la langue adoptée était l'hébreu du temps, ou syro-chaldaïque ; ces débats animés, ces questions souvent subtiles excitaient l'essor des esprits, leur donnaient de la vigueur, de la sagacité, de la souplesse, qualités si éminentes dans saint Paul, et l'on peut voir dans ses Epîtres et ses discours aux Juifs comment on appuyait de l'autorité des textes l'opinion qu'on avait embrassée. D'autres exemples nous sont fournis par la prédication de saint Pierre à Jérusalem et par la défense de saint Etienne au Sanhedrin ; et l'on a remarqué que saint Paul, une fois converti, se servit pour annoncer l'Evangile de la même méthode que saint Etienne, qu'il persécuta, avait employée en sa présence. Ce n'est donc pas l'art grec qui a formé

1 Voyez id., ibid., page 60. On a cru que Siméon, père de Gamaliel, était le Siméon dont parle l'Evangile. On a dit aussi que Gamaliel s'était converti au christianisme; mais nous voyons son fils, nommé Jésus, exercer la grande sacrificature, et il est peu probable que cet honneur eût été accordé au fils après l'apostasie du père (Ant. jud., xx, 8). On peut supposer aussi que Gamaliel était l'un des docteurs qui discutèrent avec Jésus-Christ dans le temple.

Dans les écoles juives, le maître était assis sur une sorte de plateforme, et les élèves se rangeaient en cercle autour de lui, en s'asseyant sur le sol; ou bien encore, le maître, prenait place sur un siége élevé, et les élèves, toujours en cercle, sur des siéges très-bas. Cet usage s'est conservé dans les écoles mahométanes.

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saint Paul, ses ouvrages n'en offrent aucune trace, c'est la science juive et l'enseignement de la synagogue.

Combien de temps resta-t-il à Jérusalem? S'y trou vait-il à la mort du Sauveur? Etait-il revenu à Tarse? Quoi qu'il en soit, nous le retrouvons auprès du grand prêtre, vers l'an 34, animé d'une haine furieuse contre l'Eglise naissante. Il n'est guère raisonnable de supposer qu'avant cette époque il soit retourné dans sa ville natale, pour y apprendre la philosophie et les belleslettres1. Cette conjecture a contre elle les raisons énoncées plus haut, et se concilie mal avec le zèle outré que montra le jeune pharisien dans la première persécution. D'ailleurs, l'étude de la loi suffisait à occuper sa jeunesse et même sa vie entière. Est-il plus vraisemblable qu'il ait puisé le goût de la science grecque à l'école de Gamaliel 2? Ce docteur avait reçu, dit-on, la permission exceptionnelle de cultiver la philosophie païenne; mais apparemment il n'en abusait pas pour mêler un enseignement profane et sacrilége à son enseignement religieux; c'eût été, au jugement du Sanhédrin et de tout le peuple, corrompre la jeunesse et trahir la nation *.

Voici enfin une supposition plus légitime. Saint Paul, après sa conversion qui arriva en l'an 34, se réfugia à Tarse, et y fit un séjour de quelques mois, ou même d'une année. Là, non-seulement il convertit sa famille,

1 C'est l'opinion de MM. Connybear et Howson, t. I, 1. II, fin.

2 Voyez les mêmes auteurs, ibid.

5e partie, ch. xvi.

Voyez aussi M. Fleury, t. II,

3 Ligfood Hor. hebr. ad Act. ap. page 43.

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Nous voyons au contraire que la popularité de Gamaliel était trèsgrande: «Honorabilis universæ plebi. » (Act. v, 34).

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Actes, Ix, 50. D'après le récit des Actes, ce séjour ne fut pas long, car, entre son départ pour Tarse et son retour, le seul fait accompli

mais affranchi des préjugés du judaïsme il put converser plus librement avec les gentils, examiner de plus près leurs opinions et leurs mœurs, discuter avec les philosophes, comme il fit plus tard à Athènes, et se préparer à la mission qui lui était réservée 2. Nous n'éprouvons aucune répugnance à embrasser ce sentiment. Nous ne prétendons pas que saint Paul ait ignoré absolument les systèmes philosophiques qu'il a si sévèrement réprouvés; ce que nous refusons d'admettre, c'est qu'il les ait possédés à fond, qu'il ait été versé dans la connaissance des écrivains grecs, prosateurs et poëtes, et même des auteurs latins, qu'il ait lu Platon, Aristote, les stoïciens, Philon et les alexandrins, Ménandre, Philémon, Callimaque, Tite Live, Ovide; qu'il soit en quelque sorte un philosophe ou un rhéteur converti, comme saint Justin, Arnobe, Lactance et saint Augustin. Ses écrits, nous le répétons, ne laissent pas entrevoir une telle variété de connaissances profanes; ils ne renferment que l'expression réitérée de son mépris absolu pour la science humaine, égarée et impuissante, et quant aux prétendus emprunts qu'il lui a faits, les citations qu'on met en avant sont si peu concluantes que nous jugeons inutile de les discuter ici. Il faut d'autres preuves pour nous persuader que les Epîtres de l'Apôtre sont en plusieurs endroits la traduction de comédies grecques. Selon nous, saint Paul avait certaines notions générales sur les différents systèmes de philosophie, assez pour juger de l'ensemble et des résultats; il avait pu les acquérir à Tarse, après sa conversion, ou, si l'on aime mieux, à Jérusalem auprès de Gama

c'est la conversion de Corneille (ch. x). Wiéseler pense que saint Paul ne resta que six mois à Tarse (Connybear, t. I, ch. 1).

'C'est le sentiment de MM. Connybear et Howson (t. I, ch. m, fin). 2 Voyez tout le chapitre x de M. Fleury, t. II, 3o partie.

liel, qui peut-être entretenait parfois ses disciples de la sagesse grecque, pour les prémunir contre la séduction des talents profanes mais le savoir de l'Apôtre n'allait pas plus loin. Il l'a déclaré lui-même : « Il n'y a aucun art dans mes discours; je ne prêche point l'Evangile suivant les principes du siècle, ni à l'aide des moyens de persuasion inventés par les hommes; je ne sais que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié 1. » Lorsqu'ailleurs il dit : « Si mon langage est méprisable, ma science ne l'est pas ; » il veut parler, sans nul doute, de sa profonde connaissance des livres saints, car il répond à des adversaires juifs. Voilà, en effet, la vraie, l'unique science de saint Paul; c'est l'Ecriture, c'est la doctrine dont il est l'apôtre : il en est pénétré, il l'aime avec transport; elle jaillit par torrents de son esprit et de son cœur; elle anime, elle exalte ses puissantes facultés.

Nous croyons l'avoir démontré : dans saint Paul, l'élément profane est nul, l'élément religieux est tout 2.

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<<< Veni non in sublimitate sermonis aut sapientiæ, annuntians vobis testimonium Christi. Non enim judicavi me scire aliquid inter vos, nisi Jesum Christum, et hunc crucifixum.... et sermo meus et prædicatio mea, non in persuasibilibus humanæ sapientiæ verbis, sed in ostensione spiritus et virtutis (Ir aux Corinthiens, ch. II, 1, 2, 4). · Nam gloria nostra hæc est, testimonium conscientiæ nostræ, quod in simplicitate cordis et sinceritate Dei, et non in sapientia carnali, sed in gratia Dei conversati sumus in hoc mundo (II aux Corinth. ch. 1, 12). — Videte ne quis vos decipiat per philosophiam et inanem fallaciam, secundum traditionem hominum, secundum elementa mundi, et non secundum Christum (aux Coloss. ch. 11, 8). — Quoniam quidem epistolæ, inquiunt, graves sunt et fortes; præsentia autem corporis infirma, et sermo contemptibilis (II aux Corinth. ch. x, 10). Nam etsi imperitus sermone, sed non scientia (Ibid. ch. x1, 6). »

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Voici le sentiment de don Calmet sur le style des Epitres :

Elles n'ont pas la pureté, ni la politesse des auteurs grecs de son

Avant de suivre saint Paul dans ses voyages apostoliques, arrêtons-nous un moment sur le portrait que certains historiens font de sa personne, d'après des indications fournies par l'antiquité. « Saint Paul était petit, courbé et voûté; sa pâle figure portait les marques d'une vieillesse prématurée; son regard cherchait la terre; il avait la tête chauve, les yeux d'une expression douce et gracieuse, les sourcils abaissés, le nez long et aquilin, la barbe longue, épaisse et blanche de bonne heure1. » Les mêmes détails sont donnés par le chroniqueur Malalas, et confirmés par les Actes apocryphes de saint Paul et de Thécla, qui peut-être ont fourni aux deux auteurs précédents les traits de leur description. Dans le Philopatris, ouvrage ancien, qu'il soit de Lucien ou non, il est question du Galiléen à la téte chauve et au

temps. On y trouve quelquefois des expressions rudes, des hébraïsmes presque inévitables aux Hébreux nourris dans la lecture des livres saints. On y remarque quelques fautes de grammaire, quelques renversements d'ordre, de longues parenthèses, des écarts qui détournent le sens, et interrompent le fil du discours, et qui en rendent la lecture difficile et obscure, etc... » — On lit aussi dans M. Glaire : «Saint Paul confond les temps, met le plus-que-parfait pour le prétérit, le prétérit pour le présent, le participe pour le verbe, l'infinitif pour l'impératif; tantôt c'est un cas pour un autre, le substantif pour l'adjectif; tantôt il fait un usage irrégulier des particules qui servent à lier le discours, les prenant selon la signification qu'elles ont en hébreu; ce qui quelquefois jette tant d'obscurité dans son raisonnement, qu'on prendrait l'antécédent pour le conséquent, et les conclusions pour les prémisses, etc. (T. VI, ch. 1, art. 4). — « On n'est pas fondé à affirmer, dit Michaëlis, qu'il fût initié dans la philosophie des écoles célèbres de Tarse.» (ld. ibid. art. 5). — Voyez en outre Fénelon, 5 dialogue sur l'éloquence.

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Nicéphore Calliste, Hist. ecclés., u, 57. Cet auteur vivait au XIVe siècle. C'est un historien sans valeur.

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Jean d'Antioche, dit Malalas, est plus ancien que Nicéphore, mais n'a pas plus d'autorité. Il est du vir ou du 1x siècle. Les Actes apocryphes

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