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veut, et cela est dit expressément, c'est que les débiteurs dont il se fait des amis, ou plutôt des complices, le reçoivent chez eux, et se laissent plus tard exploiter par lui!

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Que pensez-vous, dites-moi, de cette exégèse? Voilà pourtant comment vos amis, dont vous nous vantez la science et l'exactitude, écrivent l'histoire et font parler l'Ecriture!

Quatrième fragment.

Encore! allez-vous

dire. Rassurez-vous cher collègue, cette lettre est la dernière. Vous m'avez paru désirer la clôture de notre débat, et je m'y range; le débat est clos.

«

Pourquoi donc alors ai-je l'imprudence ou l'indiscrétion de reprendre la plume? Affaire de conscience, oserai-je vous dire. Je n'ignore pas l'étrange abus que l'on fait de ce mot. Veut-on s'abstenir de toute concession à son adversaire, suivre honorablement la pente d'un égoïsme entêté, couvrir quelque idée suspecte d'un pavillon respectable, ou lancer quelque trait mordant à quelqu'un ?... en avant la conscience!

Que voulez-vous ? C'est affaire de conscience... je le regrette, j'en suis désolé, mais je ne puis autrement! - O conscience, peut-on dire avec une variante au mot si vrai de Madame

Roland, ô conscience, que de crimes commis en ton nom!...

«

Vais-je commettre un délit de ce genre? Il se pourrait, hélas! je ne suis pas meilleur que les autres. Mais le fait est que je me reproche de n'avoir jamais abordé dans nos entretiens un sujet sur lequel il me semble qu'en bonne conscience et en toute franchise, je vous dois amicalement quelques mots. Je veux parler de certaines illusions de votre parti, et qui, je le crains, sont aussi les vôtres.

C'est un long chapitre, et peut-être se permet-on à votre adresse certaines exagérations. Voici ce que disait, l'autre jour, devant moi, Pierre Lapointe, à la Société de lecture: Ils s'appellent libres penseurs, quelle illusion! Comme s'il ne fallait pas pour s'arroger ce titre, deux choses qui laissent grandement à désirer chez eux, la pensée et la liberté!... La pensée est généralement pauvre et superficielle; il y a parfois dans leurs discours et dans leurs écrits, je ne le nie pas, du nouveau et du bon; mais le bon n'est pas nouveau, et le nouveau n'est pas bon, il est simplement téméraire jusqu'à l'absurde. Quant à la liberté, je ne vois pas que l'on échappe chez eux, plus qu'ailleurs, à l'influence, à la pression, au mot

d'ordre. D'ailleurs, ils l'aiment tant la liberté qu'ils en laissent peu, le moins possible, à autrui! Le fait est qu'ils ont dans la pratique, d'étranges manières de la servir!

«

Voilà ce que disait Lapointe. Je lui laisse la responsabilité de ses paroles; je crois pourtant qu'il y a là beaucoup de vrai. Quand vous vous donnez, par exemple, pour des hommes de progrès, poussant, pour leur bien, l'humanité et l'Eglise, dans des voies nouvelles, vous me faites l'effet de réchauffer de vieilles erreurs. Vous avez, en tous cas, de nombreux ancêtres, et pour ne citer que ceux-là, les Hyménée, les Philèthe, les Alexandre, tous les rationalistes d'Ephèse!

Mais voici surtout, cher collègue, ce que je tiens à vous dire, en toute conscience: Vous pensez faire du bien et vous vous proposez, je le sais, un noble but. Vous voulez, par une religion plus pure et simplifiée selon vous, retenir et attirer les masses, rendre la religion acceptable à ceux que repoussent les mystères et les dogmes, et faire des recrues pour l'Eglise, chez les incrédules eux-mêmes!... Me trompé-je ? Mais il me semble que c'est là votre plus grave illusion. Soyez sûr d'abord que pour un bien douteux vous faites un mal certain, vous ébranlez la foi de bien des âmes simples et croyantes.

Ensuite ceux que vous prétendez attirer s'imaginent au contraire que c'est vous qui venez à eux, et que si vous n'êtes pas encore dans leur camp, vous y serez bientôt tout à fait...

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Quant aux masses (croyez-moi, c'est de l'histoire), elles préfèreront toujours l'affirmation à la négation, la page écrite à la page blanche, et je dirai même la superstition à l'incrédulité. Les minima ne lui plaisent pas en religion! Est-il vrai, comme on vient de me le dire, que Bâle-Campagne, si renommé pour son libéralisme, est en train d'évincer tous ses pasteurs libéraux ?

«

Voilà, cher ami, ce que je tenais à vous dire. Je m'en faisais un devoir de conscience. Qu'y aurai-je gagné? Je ne m'attends guère à vous avoir persuadé, je crains plutôt que vous ne m'appliquiez le proverbe arabe: « Le chameau ne voit pas sa bosse, il voit celle de son frère ! » Si cela est, ne craignez pas, en revanche, de me montrer la mienne.

III

UN DIMANCHE.

QUELQUES POURQUOI.

UNE DERNIÈRE DOLÉANCE.

Ce qui précède, assez long peut-être pour fatiguer le lecteur, n'épuise pas, et il s'en faut, les doléances de mon ami. On ferait un volume de ce qui reste dans le dossier. Mais il y a peu à prendre et beaucoup à laisser.

Pourquoi revenir, en effet, sur des questions vidées ou sur des doléances qui n'ont plus leur raison d'être dans cette génération du progrès ? Pourquoi encore rappeler des épisodes regrettables de notre histoire ecclésiastique qu'il est temps d'ensevelir dans l'oubli? Pourquoi enfin répéter des choses, excellentes sans doute, mais qui ne sont plus guère aujourd'hui que des lieux communs rebattus? Bornons-nous à un seul fragment. C'est une page du journal de Jacques André, où nous trouvons quelques-unes de ses impressions au sujet du dimanche.

Y a-t-il quelqu'un sur la Liste aujourd'hui, Monsieur Jacques?

- «

Voyez vous-même! ai-je répondu un peu

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