confufion & le défefpoir de Carma An. 1427. gnole. Mais il montra bien-tôt après FRANÇOIS fi les grands hommes font fujets FOSCARI que, LXV. Doge à faire des fautes, il n'appartient qu'à de Venife. eux de favoir les réparer. Il rassembla vre de Car- les débris de fon armée, qu'il recruta magnole. Belle mancu avec le plus grand foin, & réfolut d'ufer à l'avenir de toute la circonfpection poffible en fe retranchant indifféremment dans toutes fortes de pofitions. Dès qu'il fut en état de tenir la campagne, il fe porta fur l'Oglio,` jetta un pont fur ce fleuve, & alla camper fur les bords du Pô, près de Crémone. Cette manœuvre étoit trèshabile. Par-là il forçoit l'ennemi à renoncer à tout deffein contre la ville de Breffe, en lui donnant de l'inquiétude à lui-même pour la plus importante des places de l'Etat de Milan. Cette inquiétude fut fi vive, que l'armée de Philippe defcendit en grande hâte dans le Crémonois, & que Philippe lui - même s'enferma dans la place pour la défendre. Depuis long-temps on n'avoit vu en Italie de fi nombreuses armées en préfence. Elles montoient les deux à An. 1427. plus de foixante-dix mille hommes. Les Généraux de Philippe, animés par FRANÇOIS la préfence de leur Souverain & par FOSCARI, le fouvenir de leur derniere victoire, LXV. Doge fe difpofoient à livrer bataille. Carmagnole fortement retranché dans fon camp, tenoit toutes chofes prêtes pour fe défendre vigoureufement. On resta quelque temps à s'observer. Enfin l'ennemi ennuyé de cette inaction, attaqua les retranchemens des Vénitiens, & les força. On fe battit dans le camp même, & il y eut d'abord quelque dé fordre mais Carmagnole fit avancer fes corps de réferve. Les Milanois furent fur le point d'être environnés & accablés par le nombre. Ils fe fauverent, en fe faifant jour l'épée à la main & comme ils emmenerent quelques prifonniers, ils fe confolerent des bleffés & des morts qu'ils avoient laiffés en beaucoup plus grand nombre. : Carmagnole qui n'avoit voulu qu'éloigner de Breffe le feu de la guerre, & qui favoit que le Duc de Savoie venoit d'opérer une diverfion du côté de Verceil, décampa le lendemain de cette action. Comme Philippe fur obligé de détacher une partie de fon An. 1427 armée pour l'oppofer au Duc de SaFRANÇOIS voie, ce qui en refta ne fut point afLXV. Doge fez fort pour arrêter la marche du Gé FOSCARI " de Venife. Méfintelli néraux de Philippe. néral Vénitien, qui fe rapprocha de Cafal-Maggior pour recevoir plus aifément fes vivres & fes munitions. La difcorde regnoit parmi les Gé gence des Généraux du Duc de Milan. Sacrifiant la fubordination à leurs rivalités ils prétendoient tous à des préférences dans le commandement, qui nuifoient beaucoup aux affaires de ce Prince. Il n'ignoroit pas ce défordre, & n'y voyoit aucun remede, parce qu'il craignoit d'aliéner les uns en favorifant les autres; car fa politique avoit toujours été de ménager tellement les efprits, qu'il n'y eût aucun de fes ferviteurs qui ne fe crût honoré de fa faveur la plus particuliere. Ce jeu peut avoir fon utilité dans les intrigues de Cour, où il eft bon de maintenir une forte d'équilibre; mais il ne vaut rien dans une armée, où il ne faut qu'un chef & des gens qui obéiffent. Philippe imagina qu'en choififfant un Géné ral fupérieur aux autres par fa naiffan FOSCARI, ce, il rétabliroit plus aifément la fubordination. Il jetta les yeux fur Char- An. 1427 les Malatefta, fils du Seigneur de Pé-FRANÇOIS faro. C'étoit un jeune Seigneur accou- LXV. Doge tumé à un genre de vie voluptueux & de Venise, fans aucune expérience de la guerre. Il parut à la tête de l'armée avec un équipage brillant, & y montra route la préfomption qu'infpire un excès d'ignorance, & qui n'eft propre qu'à · décourager les vrais talens. lan eft entie Carmagnole s'étoit rapproché de L'armée du l'armée ennemie, & cherchoit à pro- Duc de Mifiter des fautes du nouveau Général, rement défaien lui donnant le change par des mou- te. vemens dont l'objet étoit difficile à pénétrer. Malatefta, perpétuellement en crainte d'être attaqué, faifoit chaque jour prendre les armes à toute fon armée, & la tenoit ainfi les journées entieres expofée aux ardeurs d'un Soleil brûlant. Tout-à-coup Carmagnole fit une marche rapide fur le château de Macalo. Un chemin entouré de marais impraticables étoit le feul défilé par où les troupes de Milan puffent paffer pour aller directement au camp Vénitien. Le jeune Malates ta, qui prit la retraite de CarmagnoAn. 1427. le pour un mouvement timide, n'héFRANÇOIS fita point à engager fon armée dans ce LXV. Doge' défilé, malgré les représentations des FOSCARI, de Venife. vieux Officiers, qui vouloient qu'on fit un détour, lequel, en allongeant un peu la marche , l'auroit rendue bien moins périlleufe. Il dit, d'un air menaçant, que fi on refufoit de le fuivre, il iroit feul avec les étendards. : L'armée marcha donc dans ce chemin étroit. Carmagnole, qui avoit prévu l'évenement, avoit diftribué des pelotons de troupes dans des barques & dans divers endroits du marais où il avoit fait jetter des fafcines. II attendit que l'armée ennemie fût engagée bien avant alors il fonna la charge, & cette armée fut en un inftant accablée de traits de toutes parts, fans pouvoir avancer ni reculer. Malatefta fe rendit prifonnier fans combat, tout le reste fut pris, ou préci pité dans les eaux, à la réserve d'un très-petit nombre, qui profita de la confufion pour fe dérober à la vigilance des vainqueurs. On amena à |