An 1438. FRANÇOIS LXV. Doge de Venile. forces de fon parti fi abattues, qu'il avoit perdu en arrivant toute espéFOSCARI, rance de le relever. Les troupes d'Arragon occupoient prefque, toutes les places de ce Royaume, & menaçoient la capitale. L'arrivée de Sforce rendit la confiance au parti Angevin. René raffembla fes troupes, & alla au-devant de cet auxiliaire; mais comme ils étoient fur le point d'exécuter leur jonction, Sforce reçut un courier de Philippe, qui lui enjoignoit très-expreffément de s'abftenir de toute hoftilité contre fon ami Alfonfe, de ne donner aucun fecours à René fon ennemi, & de rétrograder fur le champ dans la Marche d'Ancone. Ces ordres avoient été follicités par le Roi d'Arragon, qui, craignant les fuites du fecours amené par Sforce, avoit donné au Duc de Milan de nouvelles allarmes, fur l'établissement d'un Prince de France en Italie, foutenu par le Pape qui le haïffoit, & lié par conféquent aux Vénitiens, fes plus mortels ennemis. Philippe ne s'en tint pas là; il exigea des Florentins qu'ils rappellaffent Sforce qui FOSCARI, de Venife. étoit à leur folde, & qu'ils lui ôtasfent fes appointemens, s'il ne revenoit An. 1438. pas, les menaçant de leur faire la FRANÇOIS guerre, s'ils n'avoient pas pour lui LXV. Doge cette complaifance. En même-temps il fit paffer Pichinin avec une armée dans la Romagne, feignant de vouloir l'envoyer dans l'Abruzze pour joindre les troupes d'Alfonfe; mais fon véritable deffein étoit d'enlever au Pape des places, & d'avoir des troupes à portée de la Tofcane, pour donner de l'inquiétude aux Florentins. Pichinin prit la ville de Forli; delà il fe porta fur Ravenne, d'où il chaffa les Vénitiens, & contraignit Hostase de Polenta, qui en étoit Seigneur, de renoncer à leur protection & à leur alliance : enfuite il revint à Imola, qu'il foumit fans aucune peine, & marcha à Bologne, dont la faction des Bentivo, glio le rendit maître. Le Confeil de Florence fut effrayé de ces rapides progrès; il écrivit à Sforce de quitter promptement le royaume de Naples, l'avertiffant que, s'i ln'obéiffoit pas, on feroit obligé de lui ôter fes appoin temens, pour ne pas s'expofer à la An. 1438. FRANÇOIS FOSCARI, de Venife. vengeance dont Philippe les menaçoit. Sforce céda malgré lui à des follici LXV. Doge tations fi preffantes. Il étoit forcé d'ufer de ménagement envers les Florentins qui foudoyoient fes troupes, & envers le Duc de Milan, dont la fille, fon unique héritiere, lui étoit promife il obéit, & ramena fon armée dans la Marche. Ouverture gne contre les Vénitiens. : Toutes ces chofes fe pafferent pende la campa- dant l'hiver de cette année. On ne favoit point encore à Venife la défection du Marquis de Mantoue, & on comptoit fur lui pour commander l'armée au printemps. Il prétexta diverfes raifons pour s'en défendre. Ses excufes firent naître les foupçons. On lui envoya fucceffivement André Morofini & Ambroife Badouer pour pénétrer les véritables intentions. Il fut les diffimuler, & n'oppofa que fa mauvaife fanté aux inftances qu'on lui faifoit pour le déterminer à reprendre le commandement. Une difficulté fi vaine augmenta les foupçons. Le Sénat les communiqua aux Recteurs des villes voilines, qui les rejetterent An. 1438. FRANÇOIS de Venife. vahillent le comme les fruits d'une vaine terreur. Jean-François de Gonzague attendoit que Pichinin fût à portée de le FOSCARI, joindre pour fe déclarer ouvertement. LXV. Doge Ce Général s'étoit rapproché du Pô, Les troupes & ouvrit la campagne par le fiége de de Milan en. Cafal-Maggior. Il foumit d'abord tou- Crémonois tes les petites places du Crémonois Vénitien. Vénitien, & Cafal-Maggior, qui en étoit la capitale, fe rendit à lui par capitulation après une courte réfiftance. Pichinin marcha fur les bords de l'Oglio, vis-à-vis de l'endroit où Gatta-Melata avoit pofté l'armée Vénitienne, forte de neuf mille chevaux & de fix mille hommes d'infanterie. Il feignit de vouloir forcer le paffage en cet endroit, afin que le Général Vénitien y tint fes troupes réunies tandis que le Marquis de Mantoue lui préparoit plus bas trois ponts fur lefquels il paffa quelques jours après. fe déclare Au moment de ce paffage André Mo- Le Marquis rofini & Ambroife Badouer étoient de Mantous encore à la Cour du Marquis, & le pour le Duc preffoient de fe rendre aux vœux de la de Milan. République. Alors il leur fignifia que, fon accord étoit fait avec le Duc de Milan, & que loin de commander An. 1438. l'armée des Vénitiens, il feroit déforFRANÇOIS mais leur ennemi. Le Sénat fe plaignit FOSCARI, de Venife. LXV. Doge hautement de cette perfidie. Il faut convenir que toutes les apparences étoient contre Jean-François de Gonzague. Sa maifon, perfécutée par les Vifcontis, étoit l'une des plus anciennes alliées des Vénitiens, & avoit trouvé chez eux, dans tous les temps, de l'appui contre fes ennemis. Le Sénat lui avoit donné à lui-même une marque finguliere de fa confiance, en le nommant fon Capitaine-Général. Il étoit bien extraordinaire, qu'après avoir jufques-là cultivé foigneusement l'amitié des Vénitiens, après n'avoir reçu d'eux que des honneurs & des récompenfes, il ofât fe joindre contre eux au Duc Philippe, fans autre vue que de profiter de leur foibleffe & de s'aggrandir à leurs dépens. Les Princes infideles à ce point font rougir l'humanité des refpects attribués à leur Le Marquis de Ferrare de rang. Heureusement le Marquis de Fer meure fidele rare n'imita point ce mauvais exemple. Il avoit déja employé fes bons aux Véni tiens. |