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sans autel, toujours en butte à la haine et au mépris des nations, et soupirant en vain après un libérateur. Tels sont les Juifs, peuple marqué d'un sceau de réprobation, et qui semble porter la peine de quelque grand crime (1).

Outre tant de caractères qui le distinguent, ce peuple offre encore des singularités remarquables. Il est le seul qui, faisant remonter son antiquité au berceau du monde, produise des titres certains de son origine. Seul aussi, il n'a point professé le polythéisme et l'idolâtrie, avant de reconnoître l'unité de Dieu; il a, dès le commencement, adoré l'Etre unique, auteur et bienfaiteur de l'univers. Sa doctrine religieuse, née avec les premiers hommes, s'est perpétuée par tradition, dans toute la suite de ses ancêtres, jusqu'au temps où il a eu une loi écrite. Depuis cette époque, jusqu'à sa dispersion totale, il n'a, pour ainsi dire, formé qu'une même famille au milieu de laquelle le culte s'est conservé sans interruption (1). Ce culte, c'est de Dieu même qu'il prétend l'avoir reçu; de Dieu, objet constant de ses pensées et de ses affections. Le livre qui renferme ses dogmes, sa police et ses lois primitives, débute par l'histoire de la création. L'auteur, dans un style d'une admirable simplicité, rapporte comment Dieu, par sa parole, tira le ciel et la terre du néant. Il raconte ensuite la formation de l'homme et de la femme, leur ingratitude, leur châtiment; la propagation de leur race, dont la corruption et la malice appellent la vengeance céleste; un déluge universel qui détruit l'espèce humaine, à

Singularités qui le caractérisent.

(1) « L'état où l'on voit les Juifs, dit Pascal, est encore une » grande preuve de la religion. Car c'est une chose éton» nante de voir ce peuple subsister depuis tant d'années, » et de le voir toujours misérable ; étant nécessaire pour la » preuve de Jésus-Christ, et qu'ils subsistent pour le prou» ver, et qu'ils soient misérables puisqu'ils l'ont crucifié. Et » quoiqu'il soit contraire d'être misérable et de subsister, » il subsiste néanmoins toujours malgré sa misère ». Pensées , ch. 16.

formé

à l'exception du pieux Noé et de ses enfans destinés à la reproduire ; l'établissement des sociétés sous le gouvernement patriarcal ; la dispersion des peuples; la fondation des empires; la vocation d'Abraham, à la postérité duquel doit être confié le précieux dépôt de la connoissance du vrai Dieu; le voyage en Egypte de Jacob, son petit-fils; la multiplication prodigieuse de ses descendans; leur asservissement sous les Pharaons; leur délivrance

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(1) Nous prouverons bientôt que pendant la captivité de Babylone, ni à aucune autre époque , la religion n'a pu être ens tièrement détruite.

MOR, DE LA BIB. I.

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Examcn du Pentatcuque.

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miraculeuse par le ministère de Moïse, enfin la législation de ce grand homme. Telle est la matière du livre appelé Pentateuque (1).

Ce livre extraordinaire nous représente la Divinité en des termes et sous des images propres à en imprimer dans l'ame les plus saintes et les plus nobles idées. « Dieu, y est-il dit, est le Sei» gneur des seigneurs, l'arbitre des puissances, » le Dieu grand, fort et terrible, qui ne fait » point acception des personnes, qu'on ne séduit » pas avec des présens; le Dieu juste qui défend

l'orphelin et la veuve, qui protège le foible et » pourvoit à ses besoins (2); le Dieu unique qui » frappe de mort et ressuscite, qui blesse et qui » guérit, et au pouvoir duquel nul ne peut se » soustraire (3) ».

Nous y lisons aussi que ce Dieu, empruntant la parole humaine, dit, en se mani

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et

(1) Ce mot dérive du grec xerre cinq, TEUXos

volume. Le Pentateuque renferme en effet cinq livres, qui sont : la Genèse. l'Exode, le Lévitique, les Nombres , et le Deuteronome. La Genèse est le récit de la création et des premiers âges du 'monde. L'Exode contient l'histoire de la sortie d'Egypte; le. Lévitique décrit les cérémonies du culte divin, etc. Dans les Nombres se trouvent les dénombremens des Hébreux. Enfin le Deuteronome est une répétition des lois comprises dans les livres précédens. (2) Deut. x, 17, 18.

(3) Ibid. xxi, 39. /

.

festant à Moïse: Je suis celui qui est, ego sum qui sum (1), admirable définition qui désigne la source même de la vie, et peint avec bien plus d'énergie, que ne le sauroit faire notre vaine éloquence, la plénitude et la majesté de l'Etre divin. Le même livre, où il est recommandé d'aimer Dieu de tout son cœur, de toute son ame, de toutes ses forces (2), de le craindre, et de ne servir que lui seul (3), nous apprend qu'il a créé l'homme à son image (4); qu'il a animé sa face du souffle de la vie (5); qu'il a soumis la terre à sa domination, et lui a donné l'empire sur tous les animaux (6); que dès le commencement, il a consacré la sainte union du mariage (7); qu'il n'a pas dé

(1) Exod. 111, 14.

(2) Diliges Dominum Deum tuum ex toto corde tuo, et ex totâ animâ tuâ, et ex totâ fortitudine tuâ. Deut. vi, 5.

(3) ....Dominum Deum tuum timebis et illi soli servies.... Ibid. 13.

(4) Et creavit Deus hominem ad imaginem suam, Gen. 1, 27. (5) .....Inspiravit in faciem ejus spiraculum vitæ, et factus est homo in animam viventem. Gen. 11, 7.

(6) Benedixitque illis Deus et ait: Crescite et multiplicamini, et replete terram, et subjicite illam, et dominamini piscibus maris et volatilibus cœli, et universis animantibus quæ moventur super terram. Gen. 1, 28.

(7) Gen. 11, 20, 21, 22, 23 et 24.

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daigné de s'abaisser jusqu'à la créature, pour lui prescrire des devoirs conformes à la dignité de son origine et à la grandeur de sa fin, et que, dans un petit nombre de préceptes (1), il a tracé tous les élémens de la doctrine des meurs. C'est là aussi que nous trouvons dans la chute du premier homme et dans la punition infligée à sa race, la source de nos vices et de nos misères, et l'explication des contrariétés bizarres qu'offre notre nature.

Où irons-nous puiser des notions plus satisfaisantes sur les attributs divins, sur la formation de l'univers, sur l'origine de l'homme? Est-ce dans l'Edda des Scandinaves, dans le Védam des Indiens, remplis l'un et l'autre d'absurdités choquantes, ou dans les systemes des anciens philosophes, fondés presque tous sur les hypothèses les plus monstrueuses (2). Quelle différence entre cet amas de fables insipides, de suppositions idéales, de vaines spéculations, et l'ouvrage de l'historien israélite! Comme son récit est simple et touchant ! Comme sa morale est pure et sublime ! S'il n'est pas l'interprète de la Divinité même, où

(1) Voy. le Décalogue. Exod. ch. xx. (2) Voy. Lucret. de Nat. rerum;

Cic. de Nat. Deorum; et Diogène Laerce, Vies des anciens Philosophes.

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