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une opinion sur des bases positives. Toutefois en consultant la raison et la nature même des choses, on acquiert la conviction morale qu'Esdras ne sauroit être ni le fabricateur ni le restaurateur (1) des Ecritures, mais que voulant rétablir dans toute la pureté de la loi mosaïque, le culte déjà relevé par Zorobabel, il jugea à propos de don

à ner, et donna en effet une édition correcte des livres saints dont il avoit éclairci le texte, en en confrontant plusieurs exemplaires. Voici les faits historiques.

Après la destruction de Jérusalem sous Sédécias, le peuple fut transporté en Chaldée et réduit en servitude pendant soixante-dix ans,

ainsi qu'il avoit été prédit. Au bout de ce temps, Cy

roi de Perse, ayant, par un édit solennel, permis aux Juifs de retourner dans leur patrie, il y en eut un grand nombre qui partirent sous la conduite de Zorobabel. Arrivés en Judée, le premier soin qui les occupa, fut la reconstruction

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rus,

2

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(1) Nous n'entendons pas ici, par cette dénomination restaurateur des Ecritures l'homme qui, ayant seulement éclairci des difficultés, corrigé des erreurs ou même rétabli quelques passages altérés, ne pourroit être considéré que comme un simple éditeur, mais bien celui qui , d'après la tradition, auroit refait des livres perdus et recomposé des fragmens entiers détruits par

le temps.

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du temple. Avant même d'en poser les fondemens, ils dressèrent un autel au Dieu d'Israël, pour y sacrifier, selon qu'il est écrit dans la loi de Moïse, l'homme de Dieu. Leur pieuse entreprise fut souvent troublée par la jalousie des peuples voisins; mais lorsque tous les obstacles furent aplanis et, que Darius, fils d'Hystaspes, l'un des successeurs de Cyrus, eût ordonné la continuation des travaux, les Israélites achevèrent le temple et en célébrèrent la dédicace avec de grandes réjouissances (1). Il est à croire que depuis cette époque jusqu'au retour d'Esdras, qui eut lieu environ quatre-vingts ans après, la loi de Moïse fut toujours observée (2). Mais,.comme pendant le séjour à Babylone, l'étude en avoit été négligée, et que d'ailleurs les mours et les institutions des Hébreux s'étoient considérablement altérées par leur mélange avec les nations idolâtres, le culte avoit nécessairement besoin d'une réforme. Ce fut le but que se proposa Esdras ; il étoit d'autant plus propre à l'atteindre, qu'il avoit une profonde connoissance des Ecritures. On en peut juger par les termes mêmes de l'édit du Roi qui lui permet

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(2) L'Ecriture et Joseph ne donnent aucun détail sur ce qui s'est passé depuis Zorobabel jusqu'à Esdras.

toit

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toit de retourner à Jérusalem et d'emmener avec lui tous ceux des Juifs., restés dans le royaume, qui voudroient le suivre. Cet édit porte : Vous étes envoyé par le Roi et par ses sept conseillers pour visiter la Judée et Jérusalem, selon la loi de votre Dieu, dans laquelle vous êtes fort instruit (1)., Esdras après son arrivée s'occupa en effet des affaires de la religion, et s'appliqua surtout à corriger les abus qui s'y étoient introduits (2). Voilà tout ce que nous apprennent les livres canoniques dont le récit concorde avec l'histoire de Joseph (5). Quelles raisons peuvent donc alléguer ceux qui pensent ou qu'Esdras inspiré a refait les Ecritures perdues, ou qu'il en a été le restaurateur? Les premiers s'appuient uniquement sur le rapport du quatrième livre attribué à ce célèbre Israélite; mais, comme nous l'avons dit plus haut, les deux derniers livres publiés sous son nom sont évidemment apocryphes (4); saint Jérôme les re

ch. 7,

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(1) Esd. liv. 1, ch. 7, N. 11.
(2) Ibid. liv. I, 8, 9 et 10.
(3) Jas. Antiq. liv. xl, ch. 1, 2, 3, 4 et 5.

(4) Voy. les Remarques de D. Calmet sur les 3. et 6. livres d'Esdras , et les Prolegomènes de la Bible , par Dupin, liv 1, ch. 1, S. 8.

MOR. DE LA BIB. I.

II

gardoit comme des ouvrages remplis de fictions (1), et l'Eglise latine les a toujours rejetés. Les autres se fondent sur des suppositions purement arbitraires, et ne produisent en leur faveur aucun témoignage certain. Au surplus des théologiens d'une science profonde et d'une critique éclairée (2), ont victorieusement combattu ces divers sentimens et détruit le caractère d'autorité que sembloient leur imprimer les noms des premiers docteurs qui les ont suivis. Quant à l'opinion qui veut qu'Esdras, au retour de la captivité, se soit trouvé seul dépositaire de la loi, outre qu'elle n'est pas plus probable, elle tend aussi à favoriser le systême des modernes qui ne voient dans le réformateur du culte judaïque qu'un imposteur, des mains duquel les crédules Hébreux ont reçu, comme divins, des livres qu'il avoit fabriqués lui-même; systême dont nous allons démontrer l'absurdité.

Quiconque fera de l'histoire sacrée une étude attentive, sentira combien il est déraisonnable

(1) Epit. à Domn., à Rogat. et à Virg., et Pref. des Livres canoniques.

(2) Notamment Bossuet, Disc. sur l'Hist. univ. 2. part. ch. et 28.

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de supposer qu'à aucune époque, depuis Moïse, tous les exemplaires de la loi et des autres livres saints aient pu être anéantis. Les Israélites étoient un peuple essentiellement religieux. Leur gouvernement qui, sous les juges, avoit été purement théocratique, conserva dans les temps qui suivirent, sinon les mêmes formes, du moins le même esprit. Le culte ne cessa jamais d'être pour eux l'objet principal, et ils ne regardèrent, pour ainsi dire, les rois et les grands sacrificateurs que comme les ministres de Dieu, chef suprême de la nation. La religion, la police, toutes les institutions étoient fondées sur la loi de Moise. Il n'y avoit personne, depuis les premiers magistrats jusqu'au dernier citoyen, qui ne fût intéressé à la conservation de ce livre, où les généalogies des familles étoient établies, qui consacroit les priviléges attachés à plusieurs d'entre elles, et dans lequel enfin se trouvoient consignés les témoignages éclatans de la protection particulière que

Dieu avoit accordée au peuple juif, et dont celui-ci s'étoit toujours montré si jaloux. Les livres historiques avoient été rédigés avec un soin infini par les principaux personnages de l'Etat, sous les yeux de la nation entière, et dans les temps

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