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ses diverses métamorphoses! Ici atôme imperceptible, là masse immense; tantôt substance morte et grossière, tantôt corps organisé, doué de vie, de sentiment et de raison!

Dira-t-on que la matière acquiert le mouvement et la pensée par le rapprochement des parties analogues et similaires, par l'agrégation de molécules organiques combinées de manière à produire ces merveilleux effets? Mais ce n'est pas là résoudre la difficulté, c'est la présenter sous une autre face. Car la disposition de ces parties présuppose non - seulement un changement de situation et par conséquent un mouvement, mais encore un ordre de moyens préparés pour arriver à un but, ou, disons mieux, une intelligence qui se propose une fin. Ainsi, donc étant obligés de recourir à l'intelligence et au mouvement pour faire naître le mouvement et l'intelligence, ́et ayant acquis la certitude que la matière ne renferme pas en soi les facultés de se mouvoir et de penser, nous devons nécessairement reconnoître que ces facultés sont toutes deux produites dans les corps par une cause purement spirituelle et toute-puissante. Hors de là on se perd dans un dédale inextricable, à moins de trancher toutes les difficultés, en prétendant comme Lucrèce,

que

la matière a été orga

que c'est par hasard nisée; que les organes matériels dont nous nous servons dans les opérations des sens, n'étoient pas originairement destinés à cet usage, et qu'enfin l'esprit et l'ame (que ce poète considère comme deux substances distinctes) sont des portions physiques de notre être (1).

Si l'on soutient, sans expliquer par quel moyen la matière parvient à se mouvoir, que c'est le mouvement qui fait éclore en elle la pensée, je répondrai que cette opinion n'est pas mieux fondée que les précédentes. Car la propriété du mouvement est de transporter, d'élever, d'abais

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de diviser, de rapprocher; or comment ces actions, qui ne peuvent s'exercer que sur des corps, produiroient-elles la réflexion et le jugement qui n'ont rien de matériel?

Ne pouvant donc pas attribuer à l'univers une durée infinie, sans cause originale, ni découvrir

en lui-même la nécessité de son existence, ni reconnoître enfin dans ce qu'on nomme hasard, le principe des lois immuables qui gouvernent le monde, je suis forcé par la nature même des choses et par ma propre raison, de recourir à un

(1) De Nat. rer. lib. 111 et 17.

Nécessite d'une cause

supérieure.

Nature de

Dieu incom

premier être, auteur et conservateur de tout ce qui existe, et que j'appelle Dieu.

ni

Je ne rechercherai point quelle est son essence,

préhensible. par quels moyens il imprime le mouvement aux corps prodigieux que nous voyons rouler

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Attributs

divins.

dans les espaces. Ces choses sont trop au-dessus de notre intelligence, il n'a point été donné à l'homme de comprendre l'infini; en vain prétendroit-il sonder ce qui est caché dans le Tout-puissant. O mortel! reconnois ce Dieu de qui les cieux racontent la gloire, et dont le firmament publie les œuvres (1); adore en lui cette bonté souveraine dont tu ressens chaque jour les effets; mais humilie-toi dans un respectueux silence devant les ténèbres mystérieuses où il lui plaît de

se retirer.

Quoique la nature divine soit incompréhensible, Dieu cependant se manifeste avec tant d'éclat, qu'on ne sauroit ni révoquer en doute son existence, ni méconnoître ses attributs. C'est en effet, comme nous allons le voir, par un enchaînement de principes naturels et de conséquences nécessaires, qu'on démontre que l'Etre

(1) Cœli enarrant gloriam Dei, et opera manuum ejus annuntiat firmamentum. Ps. XVIII, 1.

éternel,

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Dieu

existe par

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éternel, créateur et conservateur de l'univers, existe par lui-même; qu'il est unique et tout-puissant;qu'il possède au suprême degré l'intelligence, la liberté, la bonté, la justice, et renferme enfin dans son essence l'immutabilité, l'infinité et toutes les perfections imaginables..

Dieu, disons-nous, existe par lui-même ; autrement il faudroit supposer ou qu'il a été produit

lui-même. par le néant, ce qui est impossible, ou qu'il doit son existence à une cause antérieure. Mais comme ce qui communique l'être est plus noble que ce qui le reçoit, et que le Créateur est plus parfait que la créature, ne lui pouvant rien donner qu'il ne possède lui-même dans un degré bien plus éminent, si Dieu avoit été créé, Dieu seroit inférieur à la cause de laquelle il procéderoit , ou plutôt, Dieu ne seroit plus Dieu, puisqu'il n'auroit rien qui ne fût emprunté, et qu'il seroit sans cesse dominé par une nature plus puissante et plus excellente que la sienne. Cette autre nature seroit Dieu. Nous devons donc conclure que Dieu existe par lui-même, qu'il est celui qui est (1). Rien ne sauroit mieux que cette définition caractériser la plénitude de l'être qui réside en lui. Il est parce qu'il est , parce qu'il (1) Dixit Deus ad Moysen : Ego sum qui sum.... Exod. 111. 14.

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MOR, DE LA BIB. I.

2

Dieu est

unique.

faut nécessairement qu'il soit, parce qu'il a toujours été, parce qu'il sera éternellement.

De ce que nous venons de dire, on doit inférer que Dieu est unique. En effet, comme il ne doit l'être qu'à lui-même, ou plutôt, comme il possède l'être par nécessité de nature, rien ne peut le lui ravir; il est dans une indépendance telle qu'elle exclut toute possibilité d'existence de plusieurs premiers principes. S'il y en avoit deux, par exemple, ou l'un seroit soumis à l'autre, ou chacun d'eux seroit indépendant. Dans la première hypothèse, celui qui domineroit seroit, sans contredit, le plus puissant, puisqu'il auroit l'empire sur l'autre ; et celui-ci ne pourroit plus être considéré comme Dieu. Dans le second cas, c'est-à-dire, en supposant une indépendance absolue propre à chacun, il faudroit accorder en même temps, ou qu'ils sont parfaitement semblables, ou qu'il existe entre eux des différences; s'ils se ressemblent en tout, je demande comment on peut distinguer deux principes divers qui ont les mêmes attributs et les mêmes volontés, qui agissent dans les mêmes vues, font exactement les mêmes choses, et se confondent enfin de telle manière sur tous les points, qu'il est impossible de tracer une ligne qui les sépare. Quant à moi, je

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