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pas seulement le Pentateuque qu'Esdras auroit eu à reproduire, « Il lui eût fallu, en même temps, » dit Bossuet (1), composer tous les prophètes an» ciens et nouveaux, c'est-à-dire, ceux qui » avoient écrit devant et durant la captivité, ceux » que le peuple avoit vu écrire aussi bien que » ceux dont il conservoit la mémoire, mais en» core les livres de Salomon, les Psaumes de » David et tous les livres d'histoires..... où tout » parle de Moïse, et est fondé sur la loi, etc. ». Un seul homme eût-il pu prendre tant de tons, de caractères et de styles différens ? Cette hypothèse se réfute d'elle-même. On possède encore aujourd'hui un monument Pentater

que samariqui atteste l'authenticité du Pentateuque et son

tain. existence bien antérieure au retour de la captivité; je veux parler de l'exemplaire samaritain (2).

(1) Disc. sur l'Hist. univ. 2.° partie, ch. 17. J'engage les lecteurs à revoir les chap. 17 et 18 de cette seconde partie du chef-d'ouvre de Bossuet. C'est là, comme il le disoit lui-même, que se trouve la force de tout l'ouvrage, c'est-à-dire la preuve complète de la vérité de la religion, et de la certitude de la révélation des livres saints contre les libertins , etc. Voy. l'Hist. de Bossuet , par M. de Bausset, ancien évêque d'Alais, liv. 17. (2) Les schismatiques samaritains furent ainsi appelés à cause

à de Samarie, ville bâtie par Amri, roi d'Israël, qui en fit la capitale de ses Etats.

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Il n'est pas inutile d'entrer à ce sujet dans quelques détails, puisque l'antiquité de ce monument prouve d'une manière incontestable que le livre de la loi, non-seulement existoit, mais encore étoit intact dans le temps d'Esdras.

Lorsque Roboam, fils de Salomon, fut monté sur le trône, il exaspéra tellement les peuples par sa tyrannie, que dix tribus s'étant révoltées, élurent Jeroboam pour roi, et formèrent un Etat séparé qui prit le nom de royaume d'Israël. Benjamin et Juda demeurèrent seuls fidèles. Cette division des Israélites fut suivie d'un schisme dans la religion. Comme le temple de Jérusalem étoit le seul lieu où, d'après la loi, il fût permis d'offrir des sacrifices, le nouveau monarque craignit que la vue de ces murailles sacrées ne réveillât dans le cœur de ses sujets, des sentimens mal éteints, et que les insinuations des habitans, avec lesquels ils n'avoient pendant si long-temps formé qu'une même famille, ne les engageassent à rentrer sous la domination de Roboam. C'est pourquoi dans la vue de les détourner de leurs pieux voyages, il fit fondre et sculpter des idoles à qui il éleva des autels à Béthel et à Dan, et en l'honneur desquelles il institua des fêtes solen

nelles (1). Sous le règne d'Osée, Salmanasar, roi des Assyriens, prit Samarie, détruisit le royaume d'Israël, et en transporta les habitans au-delà de l'Euphrate. Un de ses successeurs envoya, pour repeupler le pays, des colonies tirées de Babylone, de Cutha, d'Ava et de Sépharvaïm. Ces · peuples idolâtres étoient plongés dans la corruption la plus profonde. A peine furent-ils établis, que des lions en dévorèrent un nombre considérable, ou, comme le rapporte Joseph (2), qu'une grande peste exerça parmi eux d'horribles ravages. Attribuant ce fléau à la colère du dieu du pays, ils résolurent, pour le faire cesser, d'abandonner leur culte, et d'embrasser la religion autrefois suivie dans ces contrées. Ils députèrent en conséquence vers le roi d'Assyrie, pour le supplier de leur envoyer quelques-uns des sacrificateurs hébreux, restés esclaves dans ses Etats. Asarraddon permit qu'un prêtre israélite se transportât chez les nouveaux habitans de Samarie, pour leur apprendre à servir le Dieu d'Israël. Ce prêtre en effet les instruisit dans la loi de Moïse, à laquelle cependant ils mêlèrent le culte des idoles (3). Au retour de la captivité, les Samaritains, soit jalousie, soit dépit causé par le

(1) Rois, liv. 11, ch. 12. - Jos. Antiq. liv. vin, ch. 3.

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(2) Antiq. liv. IX,

ch. 14.

(3) Rois, liv. 11, ch. 17.

refus que fit Zorobabel de les laisser concourir à la reconstruction du temple, cherchèrent à troubler les Juifs dans leurs travaux, et parvinrent même, par leurs intrigues auprès du roi de Perse, à en faire ordonner la suspension. De là cette haine implacable qui depuis a toujours divisé les deux peuples (1), et dont la violence s'est perpétuée au point d'empêcher qu'il ne s'établit jamais entre eux aucun commerce. En effet, quoique les Samaritains aient fini par abandonner l'idolâtrie pour s'attacher uniquement au culte du yrai Dieu, ils n'en ont pas moins continué à vivre entièrement séparés des Juifs. Le temple qu'ils bâtirent sur le mont Garizim, pour l'opposer à celui de Jérusalem, et qu'ils considéroient comme le siége de la religion, subsista avec éclat jusqu'à l'époque où Jean Hircan, après avoir pris Samarie, le détruisit de fond en comble. Depuis ils ont toujours sacrifié à l'endroit où avoit été ce .temple, et aujourd'hui même ils le regardent encore comme un lieu sanctifié (2).

rc

(1) Voy. Prideaux, Hist. des Juifs, 1. "e part. liv. VI.

(3) Il se trouve encore beaucoup de Samaritains en Orient, et particulièrement à Naplouse , ville de Palestine, bâtie sur les ruines de l'ancienne Sichem. Voy. le Voyage de Pietro della Vallée, lett. xul, et l'Hist. des Juifs, par Basnage , liv. vin,

ch. 2.

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On voit par ce récit que la loi de Moïse, depuis la séparation des dix tribus, n'a pas cessé d'être en vigueur parmi les Israelites, et qu'ils la conservèrent dans leur exil, ainsi

que

le

prouve le fait du prêtre envoyé par Asarraddon pour l'enseigner aux Cuthéens. D'ailleurs long-temps avant l'invasion de Salmanasar, il s'éleva successivement en Israël plusieurs prophètes , qui rappelèrent le peuple au culte légitime (1). Elie, après les vains efforts des prêtres de Baal, pour faire descendre le feu du ciel, dit en offrant l'holocauste : « Sei» gneur, Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, » prouvez aujourd'hui que vous êtes le Dieu d'I» sraël, que je suis votre serviteur, et que c'est » par votre volonté que j'accomplis toutes ces » choses; exaucez-moi, Seigneur, exaucez-moi, » afin que ce peuple voie que vous êtes le Sei» gneur Dieu, et que vous avez de nouveau con» verti leur coeur (2) ». Le prophète ne se fût point exprimé en ces termes devant des hommes à qui le Dieu d'Israël eût été inconnu. On sait aussi qu'un nombre considérable d'habitans de Samarie, restés fidèles à la loi, se rendoient tous

et Bossuet, Disc.

(1) Rois , liv. III, ch. 13, 14, 16, 18, etc., sur l'Hist. univ. 2. part. ch. r.

liv. II, ch.

(2) Rois,

19.

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