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n'étoit pas encore venue: rentré dans le sein de sa famille, il y mène une vie obscure et retirée, préludant toutefois à son divin ministère en donnant chaque jour aux siens des exemples de la plus parfaite vertu (1). Cependant les temps s'écoulent, et le moment arrive enfin où le Messie va se manifester. Déjà l'on entend dans le désert la voix du Précurseur qu'avoit annoncé Isaïe (2), et qui appelle les peuples à la pénitence, parce que

le

royaume des cieux est proche. Aussitôt les habitans de Jérusalem , de la Judée et de tout

du Jourdain accourent vers lui, confessent leurs péchés et reçoivent le Baptême. Edifiés de ses vertus, ils le prennent pour le Christ qu'ils attendent, mais il les désabuse en leur disant : « Il en est un autre au milieu de vous, que vous » ne connoissez pas, qui doit venir après moi, » et qu'on m'a préféré. Je ne suis pas digne de » dénouer les cordons de ses souliers. Je vous

baptise dans l'eau; pour lui, il vous baptisera » dans l'Esprit saint (3) ».

le pays

»

(1) Proficiebat sapientiâ, et ætate, et gratià , apud Deum et homines. Luc il, 52.

(2) Vox clamantis in deserto : Parate viam Domini , rectas facite in solitudine semitas Dei nostri. Is. XL, 3. (3) Matt. ill. Marc.'1.- Luc ill.

Jean 1.

14 MOR. DE LA BIB. I.

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Alors se montre Jésus-Christ. Il n'est point environné de cet appareil de grandeur et de puissance qui éblouit le commun des hommes; sa pompe, d'un ordre tout différent, est invisible aux yeux de la chair, et n'a d'éclat que pour ceux qui recherchent les trésors de la sagesse. Son front n'est point orné du diadême, et le glaive ne brille

pas

dans ses mains : le Fils de l'homme ne vient pas pour être servi, mais

pour servir, et pour opérer, par l'effusion de son sang, la rédemption de plusieurs (1). Ce roi de justice et de bonté est pauvre, nu, misérable, sans appui , sans autorité et sans crédit : en butte à la malice des hommes, il essuie leurs contradictions, leurs mépris, leurs outrages. Ne nous scandalisons pas de cette bassesse apparente qui confond d'abord notre raison ; car si Jésus-Christ est foible selon le corps,

s'il n'a pas reçu en partage les biens du siècle, qu'il paroît fort selon l'esprit, et qu'il est riche, qu'il est puissant en miséricorde, en indulgence et en charité! Descendu sur la terre pour apprendre aux hommes à secouer le joug de leurs passions, il ne se borne pas à leur prêcher la vertu, il leur en offre encore la pratique,

(1) Sicut Filius hominis non venit ministrari, sed ministrare, et

28. dare, animam suam, redemptionem pro multis. Matt. xx,

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il est à la fois leur docteur et leur modèle, et ses exemples n'ont pas moins d'efficacité que ses préceptes. Qui pourroit lire sans attendrissement l'histoire admirable de la vie du Sauveur? Quel être, s'il n'est pas tout-à-fait dépravé, pourroit contempler tant de perfections, sans faire un retour sur lui-même? En effet le désintéressement et la pauvreté de Jésus-Christ n'accusent-ils pas notre affection désordonnée pour les richesses? Sa tempérance et sa chasteté ne sont-elles

pas

la censure de nos débauches ? N'est-ce pas surtout par sa douceur et sa patience qu'il réprouve nos emportemens et nos murmures, par son humilité qu'il terrasse notre orgueil, et enfin par

la

pureté de son innocence qu'il condamne tous nos désordres? Lorsqu'il instruit la multitude, il ne cherche point à captiver sa bienveillance par

les grâces et la délicatesse du langage : les vérités qu'il enseigne, toutes-puissantes par elles-mêmes, n'ont pas besoin du secours de l'éloquence; il parle sans art, mais avec autorité, et tout se soumet à l'ascendant de sa parole; une vertu secrète agit sur ceux qui l'écoutent; sa morale, d'une hauteur qui étonne les sages et les habiles, est en même temps d'une simplicité touchante qui pénètre et persuade les esprits les plus grossiers.

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Moïse ayant à gouverner un peuple infirme et

à charnel, lui promettoit pour prix de ses travaux et de sa fidélité, de longues années, d'abondantes moissons, une postérité nombreuse. Ce ne sont plus des biens fragiles et passagers qu’annonce le pontife de la nouvelle alliance, c'est un bonheur sans mélange et une couronne de gloire éternelle. Mais s'il propose de grandes récompenses, il commande aussi de grands sacrifices, de grandes vertus; car le royaume des cieux ne peut se prendre que par force; il n'y a que les violens qui l'emportent (1). Or voici comment il enseignoit (2):

« Bienheureux les pauvres d'esprit (3) ; bien

(1) „Regnum coelorum vim patitur et violenti rapiunt illud,

C'est un royaume, dit S. Irénée, qu'on ne peut conquérir que l'épée à la main. Trait. cont. les Hérés. liv. iv,

Matt. XI,

12.

7

>

ch. 42.

(2) Voulant offrir dans un seul discours l'abrégé de la morale de Jésus-Christ, et ordonner la matière, selon l'analogie des idées, je ne me suis point astreint à suivre exactement l'ordre où les préceptes se trouvent dans les évangiles. Les mots et les passages qui sont en lettres italiques ont été ajoutés pour lier les phrases et faciliter les transitions.

(3) Bossuet explique ainsi cette première béatitude : « Bien,» heureux les pauvres d'esprit, dit-il, c'est-à-dire non-seulei ment ces pauvres volontaires qui ont tout quitté pour le suivre » (Jésus-Christ), et à qui il a promis le centuple dans cette vie,

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» heureux ceux qui sont doux; bienheureux ceux

qui pleurent; bienheureux ceux qui sont affa» més de justice, ceux qui sont miséricordieux, » ceux qui ont le coeur pur, ceux qui aiment la

paix, ceux qu'on persécute pour la justice, » parce que le royaume des cieux leur appar» tient (1). Mais malheur à vous riches! parce que

.) » vous avez votre consolation dans ce monde : » malheur à vous qui êtes rassasiés ! parce que » vous aurez faim un jour: malheur à vous qui » riez maintenant ! parce qu'un jour vous serez » abreuvés de larmes (2). Qu'il est difficile à ceux » qui mettent tout leur appui dans les richesses de » gagner le royaume du ciel! Ilseroit plus aisé à un » chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à

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» et dans la vie future, la vie éternelle : mais encore tous ceux •» qui ont l'esprit détaché des biens de la terre : ceux qui sont » effectivement dans la pauvreté, sans murmure et sans impa» lience; qui n'ont pas l'esprit des richesses, le faste, l'or» gueil, l'injustice, l'avidité insatiable de tout tirer à soi. La » félicité éternelle leur appartient sous le titre majestueux de » royaume, parce que le mal de la pauvreté sur la terre, c'est » de rendre méprisable, foible, impuissant. La félicité leur » est donnée comme un remède à cette bassesse, sous le titre » le plus auguste, qui est celui de royaume ». Médit. sur l’Erang. 2.° jour. (1) Matt. v, 3, 4, etc.

(2) Luc, r1, 24, 25.

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