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n'aperçois qu'un seul Dieu dans ce concours, ou plutôt dans cet accord d'opérations. Pourquoi vouloir ainsi partager ce qui ne sauroit souffrir de partage ? de quelle nécessité multiplier la Divinité par elle-même, pour retrouver toujours la même unité? Si, en admettant deux principes, on suppose qu'ils diffèrent sous quelques rapports, il faut nécessairement accorder que l'un est supérieur à l'autre; car la perfection qui tient à l'essence divine étant une, indivisible et immuable, si l'un des deux principes la renferme dans sa nature, l'autre ne lui ressemblant pas, ne peut que jouir des mêmes attributs dans un degré bien moins parfait, ou doit en posséder d'autres d'une espèce inférieure, et alors il n'est pas Dieu. Si l'on prétend que les attributs divins sont partagés entre les deux principes dans des proportions égales, comment concilier cette division de la souveraine puissance avec la merveilleuse harmonie qu'on voit régner partout dans la constitution de l'univers, et qui annonce une unité si parfaite de plan et d'exécution ? Dira-t-on que les deux principes correspondent, qu'ils se consultent, que de leur conseil émanent les mêmes volontés, les mêmes projets , et qu'il en résulte les mêmes actes ? Mais je ne vois pas la nécessité de

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ces délibérations et de cet immuable concert: rien ne me porte à croire que deux êtres tout-puissans et absolument indépendans l'un de l'autre, aient toujours les mêmes pensées, les mêmes intentions, qu'ils travaillent continuellement sur le même dessin, et combinent toujours leurs moyens pour arriver au même but, sans qu'il s'élève jamais entre eux de contradiction. Reconnoître avec les anciens Mages (1), ou comme les disciples de Manès (2), deux principes, l'un auteur du bien, et l'autre auteur du mal, c'est partager l'empire du monde entre deux puissances ennemies qu'il faut nécessairement supposer dans un état de guerre perpétuel, et dont les chocs répétés doivent infailliblement replonger un jour la nature dans le chaos, systême absurde qui détruit jusqu'à l'idée même de la création. Comment concevoir en effet que deux causes si différentes et si

(1) La religion des Mages ou adorateurs du feu, admettoit deux principes, l'un bon, l'autre mauvais, et tous deux absolument indépendans. Zoroastre reforma ce systême, en soumettant les deux principes à un Dieu suprême dont ils n'étoient, selon lui, que les agens. Voy. Thom. Hyde, Hist. relig. veter. Pers.; et Prideaux, Hist. des Juifs, 1.re part. liv. 111 et 1v.

(2) Fleury, Hist. eccl. liv. VIII. On peut, pour la réfutation du manichéisme consulter Bossuet, Hist. des Variat. des Eglises protest. liv. xi.

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l'être qui

opposées aient pu concourir à un ouvrage d'une régularité aussi parfaite? Quant à l'hypothèse dans laquelle on admettroit un plus grand nombre de premiers principes, je ne la discuterai pas, parce qu'alors les dieux pouvant être multipliés à l'infini, le problême n'en deviendroit que plus difficile à résoudre. Après avoir prouvé un Dieu créateur, éternel, Il est tout

puissant. existant par lui-même, unique et indépendant, nous ne pourrions que nous répéter en cherchant à démontrer sa toute-puissance, attribut qui se l'attache nécessairement à ceux dont nous venons de parler. On doit croire en effet

que a tiré l'univers du néant par une parole, par une parole aussi pourroit bien l'anéantir; que l'être qui est unique et éternel, et qui existe par luimême, ne sauroit ni dépendre d'aucune cause antérieure, ni éprouver d'opposition dans l'exercice de sa puissance. Je ne combattrai

pas

le raisonnement si grossièrement subtil de ceux qui prétendent que Dieu n'est pas infiniment puissant, parce qu'il ne sauroit faire qu'une chose soit et ne soit point en même temps. Je me contenterai de dire que toute idée qui implique contradiction, et renferme en soi l'exclusion de l'objet même qu'elle doit représen

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Il possède l'intelligence suprême.

ter, telle que l'idée de l'existence (1) simultanée de l'être et du néant dans un même sujet, est fausse; qu'elle est elle-même un néant, et ne peut conséquemment pas se rencontrer en Dieu qui est la vérité par essence. J'ajouterai qu'il est également absurde de supposer que Dieu puisse être l'auteur du mal, parce que le mal est incompatible avec les perfections de sa nature. C'est ce que je démontrerai ailleurs en parlant de la bonté et de la justice divine.

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L'Etre éternel, existant par lui-même, unique et tout-puissant, en qui et par qui tout subsiste, le Créateur et le Législateur de l'univers enfin, seroit-il privé d'intelligence? Je ne crois pas qu'on puisse proposer de bonne foi une pareille question; mais s'il se rencontroit un homme assez insensé pour la discuter sérieusement, le monde entier ne s'éleveroit-il pas pour le confondre? et la voix de sa propre conscience ne se feroit-elle pas entendre l'accuser de folie? Si le specpour tacle de cet univers nous conduit naturellement à la connoissance de son auteur, les lois immuables qui le gouvernent, l'ordre et la beauté qui

(1) Je me sers ici du mot existence, en parlant du néant, quoique le néant soit l'absence de l'être; mais je n'ai pas trouvé d'autre terme pour exprimer ma pensée.

y règnent ne doivent-ils pas nécessairement aussi nous faire supposer des desseins de la plus profonde sagesse (1)? Passons des preuves qui nous environnent aux preuves qui sont en nous! considérons les merveilleuses facultés de notre ame (2)! D'où viennent la pensée et la réflexion, choses bien plus étonnantes, bien plus admirables encore que la matière, quelqu'ingénieuse qu'en soit l'organisation? D'où viennent-elles, puisque le néant ne sauroit les produire, et qu'elles ne sortent pas du sein de la matière même ? S'il n'existe point une raison souveraine, source originale de toute raison, où l'homme a-t-il puisé la sienne? à quel flambeau s'est allumée cette lampe divine qui l'éclaire et le guide? Quoi! l'homme admire les œuvres de l'homme, il consacre à l'immortalité le génie qui les conçoit et les enfante; que dis-je?

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(1) Voy. Nieuwentyt, Exist. de Dieu prouvée par les merveilles de la création. - Ray, Existence et sagesse de Dieu, manifestées dans les œuvres de la création. Fénélon, Traité de l'exist. de Dieu, Ire part. Et Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature. Le jeune littérateur à qui l'on doit la publication de ce dernier ouvrage, a placé à la tête, sous le titre modeste de préambule, une introduction fort bien écrite, et qui fait autant d'honneur à ses principes qu'à son talent.

(2) Voy. ce que nous disons plus loin, en parlant de la dignité de l'homme et des puissances de l'ame,

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