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il s'en fait une idole, il lui dresse des autels, il lui rend un culte ; et il refuseroit l'intelligence à l'être qui a créé la terre et les cieux! il refuseroit l'intelligente à l'être duquel émane toute intelligence! O déplorable aveuglement ! ô orgueil inconcevable! Réponds, machine pétrie de boue; le Dieu qui t'a tirée du néant, qui a façonné ton argile, qui a animé ton visage du souffle de vie (1), n'est-il pas le même aussi qui t'a douée de connoissance, qui t'a appris à distinguer le bien et le mal, et a fait luire son œil sur ton cœur pour le rendre sensible à ses bienfaits (2); crois-tu qu'il puisse manquer de sagesse et de raison, ou oserois-tu bien parler encore de hasard et de nécessité?

En démontrant que Dieu existe par lui-même, qu'il est unique et tout-puissant, et qu'il possède la souveraine intelligence, nous avons, en quelque sorte, prouvé qu'il est libre. En effet, la puissance intellective étant, comme nous l'avons dit plus haut, une faculté qui ne se manifeste que

(1) Inspiravit in faciem ejus spiraculum vitæ.... Gen. 11, 7.

(2) Creavit illis scientiam spiritûs, et sensu implevit cor illorum, et mala et bona ostendit illis.

Posuit oculum suum super corda illorum, ostendere illis magualia operum suorum. Eccli. xvII, 6, 7.

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par

des actes extérieurs, si l'accord et la beauté des ouvrages du Créateur nous ont fait connoître sa suprême intelligence, nous avons dû en même temps et nécessairement induire de là qu'il agit comme il conçoit, c'est-à-dire, avec une liberté absolue; et que sans être jamais dirigé par aucun conseil, ou dominé par aucune influence, il exécute lui-même, ou par le moyen des causes secondes entièrement subordonnées à ses volontés, les plans qu'a enfantés sa sagesse. Ne seroit-ce pas outrager la majesté du souverain arbitre, et se faire de sa grandeur une idée bien bizarre, que d'enchaîner sa liberté, et de supposer qu'il peut être paralysé dans l'exercice de sa puissance ? La liberté est inséparable de l'éternité, de l'existence par soi-même, de l'unité, de la toute-puissance et de l'intelligence suprême, attributs essentiels de la nature divine; et l'on ne peut, avec aucune apparence de raison, considérer comme un agent subalterne, comme un instrument passif, mu par je ne sais quelle cause appelée hasard, l'être qui conçoit, qui veut, qui ordonne, qui opère ou préside lui-même aux opérations. D'ailleurs, si l'on soutient que tout est l'effet d'une impérieuse et immuable nécessité, il

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le som

la

faut, comme l'a judicieusement observé Clarke (1),
admettre aussi que tout ce qui existe ne sauroit
être différent de ce qu'il est, et qu'il y a même
impossibilité absolue d'imaginer que les choses
pourroient être autrement qu'elles ne sont. Mais
une pareille assertion tombe d'elle-même; rien
ne nous porte à croire, par exemple, que
leil ne pourroit pas être plus gros qu'il n'est ,

taille humaine moins haute, l'oil plus perçant, etc. Il est sou

Les choses ont entre elles des rapports nécesverainement bon et sou

saires dont la connexion produit une harmonie verainement qui flatte et satisfait, parce que c'est la vérité juste.

même; mais lorsque ces rapports sont rompus, il en résulte une discordance qui blesse les convenances naturelles et choque la raison. De là la distinction du bien et du mal; de là les lois de la morale, lois universelles, immuables, antérieures à toutes les institutions positives, et tellement inhérentes aux choses, qu'il faudroit, pour les abolir, détruire les choses elles - mêmes. Aussi voit-on que toutes les législations sont fondées sur des principes communs à tous les peuples, sans qu'il y ait lieu de présumer qu'adoptés par les uns, comme réglemens de police humaine, ces

(1) Traité de l'exist. de Dieu, ch. x, propos. 9.

.

principes se soient insensiblement propagés parmi
les autres ; puisqu'on les trouve, de temps immé-
morial, établis et consacrés chez toutes les na-
tions. C'est ainsi que partout la justice repose
entièrement sur cette maxime si simple et si na-
turelle : Rendez à chacun ce qui lui est ().
Partout aussi c'est un crime d'arracher la vie à
son semblable et de ravir le bien d'autrui. La di-
versité des mours et des climats, la succession des
temps, les vicissitudes de la fortune n'influent
pas plus sur le sentiment que sur la raison; et
l'on ne trouve pas de pays sur la terre où le père
ne chérisse son fils, où le fils n'aime tendrement
son père, sans que pourtant aucun maître ait ja-
mais appris à l'un et à l'autre que cette affection
mutuelle soit un devoir. Il est donc des vérités
qui tiennent à la nature, qui sont indépendantes
du préjugé, de la coutume et de l'éducation, des
vérités qui s'offrent, pour ainsi dire, d'elles-mêmes
et qu'on est forcé de reconnoître. D'où peuvent-
elles dériver, si ce n'est de la source de toute
vérité, de Dieu en un mot, qui a établi entre ses
ouvrages des relations conformes à l'excellence
de sa propre nature? Si l'homme, abusant de sa

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(1) Justitia est constaps et perpetua voluntas, jus suum cuique tribuendi. Instit. lib. 1, tit. .

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liberté, détruit ces relations, ou du moins en trouble l'harmonie, s'il est méchant et injuste, c'est qu'il est foible, aveugle et ignorant; c'est qu'il a des passions fougueuses et violentes qui dominent sa raison. Mais il n'y a rien en Dieu. de tout ce qui, chez les hommes, est la source du mal. Misérables créatures! oserions-nous juger de Dieu d'après nous-mêmes? oserions-nous comparer la lumière aux ténèbres, la grandeur à la bassesse, l'immutabilité au changement, et l'infini à un atôme? Sachons que celui-là ne peut ni se tromper, ni être abusé, qui a tout fait, qui voit et qui connoît les différences et les affinités les plus secrètes des choses, qui d'un seul regard embrasse l'univers et perce les plus sombres abîmes; sachons que l'être qui possède tout, et dont le pouvoir est sans bornes, n'envie rien, ne désire rien; qu'il est inaccessible à l'espérance, à la crainte, à la joie, à la tristesse, à la haine, à la colère, et à toutes les passions qui sont l'apanage de la condition humaine. Concluons donc qu'impassible par sa nature, se suffisant toujours à luimême, et jouissant d'une félicité inaltérable dans la contemplation de ses perfections infinies, Dieu ne peut être que souverainement juste et souverainement bon, et qu'il ne sauroit prendre plaisir

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