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» toute dans la contemplation de la vérité, et

qu'elle voit que la vérité, éternelle par elle» même, doit mesurer une telle vie par l'éternité » qui lui est propre (1) ». Mais combien il est facile à l'homme de se convaincre alors que ce n'est pas par caprice et sans dessein, que Dieu l'a fait si différent de tous les êtres animés. C'est en vain qu'abdiquant sa dignité, il se relègue au rang des bêtes et se voue au néant; jamais il n'effacera l'empreinte du sceau divin dont l'a marqué le Créateur. Tout proclame la noblesse de son origine et la grandeur de sa destination ; ; son immortalité se montre en dépit de lui-même. La puissance de ses facultés intellectuelles éclate au dehors; la grâce imposante de sa structure, la majesté de ses traits, la fierté de ses regards annoncent le dominateur de la terre. S'il se meut, sa démarche indique toujours un plan médité, une action réfléchie ; et lors même qu'il est immobile, le caractère de sa physionomie découvre en lui l'activité de la pensée. Des signes muets, des cris sauvages font connoître les appétits et les besoins des animaux ; c'est par des sons distinctement articulés, par des 'accens tour à tour nobles, touchans et passionnés, que l'homme ex

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(1) Bossuet, Traité de la connoiss. de Dieu et de soi-même, ch.r.

prime ses idées, ses jugemens, ses émotions, et qu'à l'instant même où il parle, il retrace, comme par enchantement, à l'esprit de ceux qui l'écoutent, l'image de tout ce qui se passe dans son ame (1).

Il est foible, à la vérité, il est exposé, selon le corps, à l'action de tout ce qui l'environne ; un grain de sable le fait chanceler, un souffle le renverse; mais qu'il est grand, puisqu'il connoît sa fragilité et sa dépendance, puisqu'il raisonne sur tout ce qu'il voit, sur lui-même, sur sa propre nature (2)! C'est à son intelligence en effet, c'est aux nobles inspirations de son génie, aux sublimes découvertes de sa raison, qu'on reconnoît dans l'homme la créature de prédilection, celle que Dieu semble avoir pris plaisir à combler de bienfaits, qu'il a revêtue des plus glorieux priviléges, qu'il a éclairée d'un rayon de sa face, et à laquelle il a remis le sceptre pour régner sur toutes les autres (3). Par quelles conquêtes l'homme

(1) Voy. dans Buffon, Hist. nat. disc. sur l'homme, l'admirable passage commençant par ces mots : L'homme a la force, etc. et où se trouve peinte en termes si nobles l'excellence de la nature humaine qui perce à travers les organes matériels.

(2) Voy. les Pensées de Pascal, ch. xxIII.

(3)....Et dedit (Deus) illi (homini) potestatem eorum quæ sunt super terram. Eccli. xvii. 3.

il en

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n'a-t-il point ici-bas signalé sa puissance? Il a dompté les animaux les plus féroces, et apprivoisé les plus sauvages ;, il s'est frayé des chemins dans le sein ténébreux de la terre , pour s'en approprier les trésors; par d'immenses travaux , a changé la surface et embelli le séjour ; il a inventé et perfectionné les arts , pour multiplier les commodités de la vie, et fournir aux délicatesses du luxe et des plaisirs. La nature a été, en quelque sorte, vaincue par lui, puisqu'il produit souvent des ouvrages où brillent des beautés qu'on appelle idéales, parce que la nature même n'en offre pas de modèles. Par d'étonnantes inventions, ila, pour ainsi dire, contraint les astres à s'abaisser vers lui, et à lui rendre compte de leurs mouvemens. Les écueils et les tempêtes de l'Océan n'ont point arrêté son audace, il parcourt sur un frêle vaisseau l'immensité de ses solitudes, et cet élément terrible, qui sembloit devoir être entre les nations une barrière éternelle, est devenu pour elles une voie de correspondance et de réunion. Enfin on l'a vu s'élancer entre la terre et les cieux, franchir d'un vol rapide les vastes régions de l'air , sans point d'appui, sans gouvernail, n'ayant pour guide que le souffle impétueux des vents, et laissant l'homme lui

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même non moins effrayé de sa témérité qu'étonné de ce nouveau prodige.

C'est donc par la force et l'activité de ses conceptions, et par la hardiesse réfléchie de ses entreprises, que l'homme borné, comme les autres animaux, dans ses facultés physiques, s'élève, domine et étend partout son empire. Les arts, les sciences, les belles-lettres, la philosophie offrent une foule de monumens qui consacreront à jamais la puissance de son génie, et l'on peut dire que cette puissance qui s'annonce avec tant de majesté dans des ouvrages sensibles, tels que les chefs-d'œuvre des Phidias (1), des Raphaël (2), des Bramante (3) et des Bernin (4), éclate encore avec plus de grandeur dans les admirables pro

(1) Fameux sculpteur grec, auteur de la statue de Jupiter qu'on voyoit dans le temple d'Olympie, et qui passoit pour une des sept merveilles du monde.

(2) Raphaël Sanzio, le plus grand des peintres, florissoit sous Jules II et Léon X.

(3) Architecte célèbre, auquel on doit le projet de l'amphithéâtre du Vatican, et les premiers plans de la basilique de Saint-Pierre de Rome, qui fut même élevée jusqu'à l'entable

ment avant sa mort.

(4) Bernini, plus connu sous le nom de chevalier Bernin, étoit à la fois peintre, sculpteur et architecte; il a produit une grande quantité d'ouvrages, tous admirés des connoisseurs.

ductions où l'esprit s'exerce par des opérations purement intellectuelles. Quoi de plus aimable et de plus séduisant que les brillantes peintures et les fictions ingénieuses de la poésie? Cette divine enchanteresse anime, colore, embellit tout: elle ravit, elle transporte l'imagination; et telle est la magie de son pinceau, qu'elle fait souvent trouver dans les illusions et le mensonge, des attraits que n'offre pas la vérité même. Quels miracles n'opère pas l'éloquence? Quels secrets, quels mystères la philosophie n'a-t-elle pas forcé la nature à lui révéler? L'orateur, sans autre appui que sa conviction, sans autre arme que la parole, attaque et combat à la fois les intérêts, les passions et les préjugés de la multitude, agit puissamment sur les ames, y produit les changemens les plus soudains, et leur communique, par des traits rapides et pénétrans, tous les sentimens dont il est lui-même agité. Le philosophe, avide de connoître, porte fièrement ses regards par tout l'univers; pour découvrir la vérité, il s'élève jusqu'aux cieux, il sonde les abîmes de la terre ; il recherche, il examine, il scrute les causes; il les rapproche, les compare, les enchaîne, et s'en fait, pour ainsi dire, un fil à l'aide duquel il remonte jusqu'au principe de toutes choses;

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