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scrupules, parce que certains hommes se livrent
à de honteuses débauches, il y auroit aussi de
la folie à opposer aux impressions du sentiment,
aux lumières de la raison, à des vérités de tous
les temps, de tous les lieux, et que semble pro-
clamer la nature entière, les imaginations bizarres
et les spéculations ténébreuses de quelques phi-
losophes qui ne cherchoient qu'à se rendre fa-
meux en pensant autrement que les autres. Au
surplus, ce qui doit rassurer l'honnête homme,
c'est que cet aveuglement de l'esprit tient pres-

'
que toujours à des passions désordonnées. Une
soif ardente de renommée, un orgueil en délire,
des mæurs corrompues, voilà les véritables
sources de l'athéisme.

Il est permis d'aimer la gloire, quand on se
consacre à de nobles, à d'utiles travaux, et lors-
que l'admiration qu'on veut exciter doit être in-
séparable de l'estime. Mais quel autre sentiment
que le mépris peuvent inspirer ces hommes sans
caractère et sans dignité, génies vagabonds et
téméraires , qui , séduits par l'appât d'une vaine
célébrité , attaquent les opinions les plus saintes,
et les institutions les plus respectables, sacrifient
la raison à des théories bizarres, et mettent tou-
jours d'autant plus d'amertume dans la dispute

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qu'ils y apportent moins de franchise ? Tels ont été, pour la plupart, ces chefs de sectes dont les systêmes semblent aujourd'hui si déraisonnables, si monstrueux qu'on a peine à croire non-seulement qu'ils aient jamais eu des disciples sincères, mais encore qu'ils se soient eux-mêmes égarés par conviction. Est-il, en effet, une personne de bon sens à qui l'on puisse persuader que Pyrrhon a poussé le scepticisme jusqu'à douter de sa propre existence (1), et qu'Epicure attribuoit de bonne foi la formation du monde au concours fortuit des atômes, et la naissance des premiers hommes à la fermentation du limon de la terre, échauffé par les rayons du soleil (2) ?

L'homme est quelquefois possédé de vanité au point de ne rien voir dans l'univers, de plus excellent , de plus parfait que l'homme luimême. Il répugne à sa fierté de reconnoître une nature supérieure. L'idée de Dieu l'abaisse et l'humilie ; c'est une lumière dont l'éclat l'importune, et les efforts qu'il fait pour l'éteindre, dé

, truisent nécessairement dans son ame les impressions du sentiment de la vie à venir. O étrange inconséquence! ce qui tend à le dégrader, ce (1) Diog. Laer. Vie de Pyrrhon. (2) Lucret. de Nat. rerum,

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lib.,x.

1

qui devroit l'affliger jusqu'au désespoir est précisément ce dont il semble se glorifier et se réjouir. Mais ne nous abusons pas ,

c'est

presque toujours pour s'assurer une triste et misérable indépendance qu'il renonce ainsi à l'immortalité; c'est pour secouer le joug d'une discipline sévère et gênante, qu'il aime à se persuader que le monde a été produit par le hasard , et qu'à la mort il sera lui-même anéanti.

Il existe, dit-on, des hommes qui n'ont aucune foi religieuse, et qui paroissent pleins d'honneur et d'équité. Je n'en ai point encore vu; mais je doute, s'il en est, qu'ils soient inébranlables et à l'épreuve de toutes les séductions. Car qu'est-ce qu’une probité qui n'est pas fondée sur des principes d'un ordre surnaturel, et qu'on ne pratique que par ostentation ? c'est un fantôme toujours prêt à s'évanouir, c'est un roseau que brisera le moindre effort (1). Pour moi, je ne saurois avoir confiance en ces honnêtes gens de théâtre, qui ,

et

(1) ....« La vertu, dit Abbadie, ne sera qu'un corps mort, si v on lui ôte le rapport essentiel qu'elle a avec la divinité.... » les hommes qui se vantent d'aimer la vertu pour la vertu » même, ne font que se rendre coupables d'une belle idolà» trie ». Traité de la verit. de la relig. chrét. 3.° section, ch. 11. Voy. ce qui est dit à ce sujet au ch. lxxix du Voyage d'Anacharsis, intitulé des Opinions religieuses.

que les

sans jamais penser au Dieu qui scrute les cœurs et voit dans les ténèbres, ne redoutent censures, et n'ambitionnent que les suffrages des hommes. Tel qu'on vante pour sa droiture et sa bonne foi est un lâche hypocrite dont la vertu consiste dans la crainte des châtimens humains, et qui s'approprieroit le dépôt que lui a confié l'amitié, s'il étoit sûr que son crime, enseveli dans le silence, dût rester impuni. Concluons donc avec Montesquieu (1), qu'une religion, même fausse, est le meilleur garant que les hommes puissent avoir de la probité des hommes.

Quant à ceux chez lesquels l'athéisme est un effet de la dépravation des mœurs, ils forment, sans contredit, la plus triste espèce. L'être parvenu à ce degré de corruption est perdu sans retour; son cœur est une source empoisonnée d'où il ne sort rien que d'impur. Ce qui console les malheureux, ce qui soutient l'espérance de la vertu, devient pour lui un sujet d'épouvante; il nie l'existence de Dieu parce qu'il craint sa justice; et la vie à venir ne lui offrant qu'une affreuse perspective de tourmens, il se plaît à regarder comme des fables tout ce qu'en croit le commun des hommes; enfin son ame désespérée (1) Esp. des lois, liv. 24, ch. 11.

Preuves de l'existence de Dien.

se jette dans le néant comme dans un asile; mais elle n'aura pas ce déplorable partage; tout annonce, tout publie qu'il est un Dieu, et que l'ame est immortelle; le méchant seul peut en douter, parce que seul, le méchant doit le craindre.

Les preuves de l'existence de Dieu et de l'immortalité de l'ame, que tant de grands hommes ont exposées dans des ouvrages où semblent avoir été épuisées toutes les ressources de l'éloquence et de la dialectique, viennent d'ailleurs se présenter en foule à quiconque les cherche de bonne foi et dans la simplicité de son cœur. Essayons d'en reproduire ici quelques-unes, et commençons par nous placer dans cet état de doute raisonnable et méthodique, regardé par les philosophes comme le point de départ dans la recherche de la vérité (1).

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font apercevoir les objets qui m'environnent, et

(1) Voy. Descartes, 1.te médit. sur l'exist. de Dieu, et Fénélon, Traité de l'exist. de Dieu, 2o part. ch. 1, où il examine le doute universel.

(2) Fameuse conclusion de Descartes, 2. medit. sur l'exist. de Dieu. Saint Augustin avoit dit à peu près la même chose: Si je me trompe je suis, puisqu'on ne peut pas se tromper si l'on n'est pas. Cité de Dieu, liv. ch. 26.

XI,

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