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prétend que l'ame est une portion de la divinité qui, après diverses migrations dans d'autres corps, et même dans des végétaux, va se réunir à l'ame universelle (1). Les Stoïciens n'accordent à l'ame qu'une durée égale à celle des corneilles (2). Aristote en parle en termes si obscurs et si ambigus, qu'il est impossible de découvrir son véritable sentiment; d'ailleurs il ne dit pas un mot des peines et des récompenses futures. Quant à Socrate et à Platon, son disciple, quoiqu'ils aient souvent enseigné d'une manière affirmative le dogme de l'immortalité de l'ame, cependant on trouve dans le dernier une foule de passages desquels on peut induire qu'il regardoit cette opinion plutôt comme une probabilité que comme une certitude. Socrate avoue que sans une révélation divine, l'homme ne sauroit parvenir à aucune connoissance positive sur l'union de l'ame et du corps. « Sur cette » matière , dit-il (3), je trouve qu'il est impos»sible, ou du moins très-difficile de connoître » la vérité; et je suis persuadé que ne pas exa» miner ce qu'on en dit, et se rebuter avant que » d'avoir fait tous ses efforts, et que des difficultés

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(1) Diod. Sic. liv. 1. - - Diog. Laer. V'ie de Pythag - Leland, Nouv. Dém. év. 3. part. ch. 4. (a) Cic. Tusc. r.

(3) In Phæd.

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» insurmontables obligent d'y renoncer, c'est le » propre d'un homme mou et lâche. Car il faut » de deux choses l'une, ou apprendre des autres » ce qui en est, ou le trouver soi-même. Que si » l'on n'y peut pas réussir, il faut choisir, entre » toutes les raisons humaines, la meilleure et la » plus forte; puis s'abandonnant à elle, comme à » une nacelle, passer cette mer orageuse, et tâcher

d'échapper à ses tempêtes et à ses écueils ; à » moins que nous ne parvenions à en trouver une

plus sûre et plus ferme, telle, par exemple, » qu'une promesse ou QUELQUE RÉVÉLATION DIVINE, » sur laquelle nous puissions, comme sur un vais» seau qui ne craint aucun danger, achever heu» reusement le voyage de cette vie. J'espère, dit-il » encore, en parlant de la destinée qui l'attend

après la mort, j'espère me trouver au milieu » des gens de bien, mais je n'oserois cependant » l'affirmer ». Les opinions que Platon émet dans ses autres ouvrages, et les discours qu'il prête à Socrate sur l'immortalité de l'ame et sur les peines et les récompenses futures, tendent également à prouver l'incertitude où le maître et le disciple étoient à cet égard. Socrate, entretenant ses amis pour la dernière fois, s'exprime ainsi : « Je vais à » la mort, et vous, vous allez continuer de vivre;

»

- » personne de nous ne peut affirmer lequel de ces » deux chemins sera le meilleur; Dieu seul le sait». Il leur avoit dit auparavant: «ll faut que la mort » soit une privation de sentiment, ou, comme on » le prétend, un passage de l'ame dans un autre » lieu. Si c'est une privation de sentiment, un

paisible sommeil que ne trouble aucun songe, » quel avantage n'est-ce pas de mourir ? Car je » suis persuadé que si un homme, après avoir » passé une nuit tranquille, la comparoit avec » toutes les autres qu'il a passées, et qu'on l'obli» geât de déclarer en conscience combien il a eu » dans toute sa vie de jours et de nuits meilleurs » que cette nuit-là, je suis persuadé, dis-je, » que non-seulement un simple particulier, mais » un roi même en trouveroit un si petit nombre

qu'il lui seroit aisé de les compter. Si donc » la mort est quelque chose de semblable, je

l'appelle avec raison un très - grand gain; car » dans cette hypothèse, tout le temps de la mort » ne seroit qu'une nuit fort longue (1) ».

Cicéron s'énonce à peu près dans les mêmes termes. « Si l'ame est anéantie, dit-il, quel plus

grand avantage que de s'endormir au milieu » de tant de misères, et d'être doucement ense

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(1) Apolog. de Socrate.

veli

» veli dans un sommeil éternel (1). Tant que je » serai, je ne souffrirai point, parce que je n'ai » rien à me reprocher; et si je dois être anéanti, » je n'éprouverai non plus aucune douleur, puis» que je serai insensible (2). Si je quitte la vie, je » n'aurai pas, étant privé de tout sentiment, le » regret d'abandonner la république (3) ». En général, quoique ce philosophe affirme dans certains passages, que l'ame est immortelle, le plus souvent il hésite et semble craindre de s'écarter du scepticisme académique. Voici comment, avant de parler de la mort, il prépare son interlocuteur : « Je vais débrouiller cette matière du mieux » qu'il me sera possible; mais en m'écoutant, ne » croyez pas entendre Apollon sur son trépied, et » ne prenez pas tout ce que je vous dirai pour

des dogmes indubitables. Je ne suis qu'un homme » ordinaire; je cherche à découvrir la vraisem

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(1) Tuscul. 1. Il paroît que l'idée du néant, cette idée si terrible, si désolante, et que la plupart des hommes ne sauroient envisager sans horreur , n'effrayoit pas les philosophes, et qu'ils regardoient même l'anéantissement total de notre être comme un état de repos et de félicité.

(2) Epist. ad Torq. lib. 71, 3. Lactance soupçonnoit Cicéron de ne pas croire à l'imniortalité de l'ame. De vitd beatá, cap. 8.

(3) Epist. 4 ad Torq.

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» blance, mes lumières ne sauroient me conduire

plus loin. Quant à l'évidence et à la vérité, je » les laisse à ceux qui présument qu'elles sont à » la portée de leur intelligence, et qui se donnent » pour des sages de profession..... Dieu seul peut » savoir quelles sont les opinions véritables. Pour » nous autres hommes, nous avons assez de peine » à démêler le vraisemblable. ..... Ne comptons » pas trop sur notre fermété; quelquefois il ne » faut, pour nous renverser, qu’un argument un » peu subtil. Dans les questions mêmes les plus » claires, nous balançons, nous changeons d'avis; » or celle dont il s'agit entre nous (l'immor» talité de l'ame) n'est pas sans quelque obscu» rité (1) ».

Panetius rejette l'immortalité de l'ame par deux raisons assez singulières, 1.° parce que la ressemblance des enfans aux pères, qui se remarque dans les traits et dans l'esprit, pronve invinciblement

que les ames sont engendrées et par conséquent mortelles, tout ce qui est engendré, devant être détruit un jour ; 2. et parce que tout ce qui peut souffrir peut aussi être malade, et que tout ce qui est susceptible de maladie est mortel. Ainsi c'est parce que

les ames

(1) Tuscul. 1.

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