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LIBRAIRIE D'ADRIEN LE CLERE,

RUE CASSETTE, 29, PRÈS SAINT-SULPICE.

1854.


AVERTISSEMENT.

De toutes les œuvres de M. de Bonald, voici celles qui semblaient destinées à l'oubli le plus prompt, les plus fugitives, comme on disait il y a trente ans : discours politiques, brochures, articles de revues, œuvres de circonstance en un mot. Depuis ce temps-là, combien de gros livres, combien de savants traités de politique ou de philosophie avons-nous vus tomber dans l'oubli ! Les œuvres fugitives de M. de Bonald sont restées sans que l'auteur ni l'éditeur lui-même, il doit l'avouer en les réunissant ici pour la première fois, aient rien fait pour cela. C'est le public qui a retenu ces petits livres, ces feuilles volantes, et qui a composé avant nous cette seconde partie des Mélanges littéraires, politiques et philosophiques de M. de Bonald. Mais ces recueils, fruits de tant de soins, de tant de longues et patientes recherches, demeuraient toujours incomplets, car les articles publiés dans le Conservateur et dans le Défenseur n'avaient point été imprimés séparément, et plusieurs brochures étaient devenues fort rares; les autres ne formaient qu'une collection disparate et incommode. Il n'est pas d'ailleurs au pouvoir de tout le monde de composer soi-même les Mélanges d'un auteur, et surtout d'un auteur aussi peu soucieux des intérêts de sa gloire que le fut M. de Bonald: la patience manque au plus grand nombre pour ces recherches, et le temps manque souvent aux plus patients: Av le temps et la patience, il faut encore les occasions, et on ne les rencontre, guère qu'à Paris. Nous ne parlons pas de la dépense deux ou trois des brochures que nous réunissons ici coûtent, quand on peut les trouver, plus que ce volume.

Tels sont les motifs qui ont décidé l'éditeur à réunir et à publier cette seconde partie des Mélanges de M. de Bonald. Il l'aurait fait plus tôt s'il n'avait eu besoin, lui aussi, pour composer cette collection, de l'une des conditions dont nous parlions tout à l'heure, le temps. Le jour où cette pensée lui est venue, il n'avait pas entre les mains tous les morceaux dont il offre aujourd'hui la réunion au public. Il fallut les chercher, et ses premières recherches n'ont pas toujours été couronnées de succès. L'ordre dans lequel il les reproduit ici pourra être critiqué, il le sait bien, et ce n'est pas toujours l'ordre qu'il leur aurait assigné; mais lorsqu'il a enfin pu trouver deux ou trois brochures que depuis longtemps il demandait de tous les côtés, déjà une partie du volume était imprimée.

Il espère que ce volume n'encourra pas d'autre reproche, qu'on ne le trouvera ni incomplet ni grossi par l'inutile reproduction de morceaux qui auraient aujourd'hui perdu tout leur intérêt. Ce n'est pas

l'éditeur qui rappelle l'attention publique sur les œuvres oubliées de M. de Bonald, c'est le goût public fixé, malgré tant d'obstacles, sur ces œuvres de circonstance qui les a recommandées à la sollicitude de l'éditeur. OEuvres de circonstance, en effet; mais la circonstance a-t-elle changé? Ces brochures, ces discours, ces articles du Conservateur et du Défenseur qui traitent de la liberté de la presse, de la noblesse, du droit d'aînesse, de la constitution de la Famille, de l'éducation publique, des jésuites, de l'économie politique, de la mendicité, traitent-ils d'autre chose que de la révolution française, de ses causes et de ses conséquences? L'autre lui-même de M. de Bonald, dont le nom est toujours associé à celui de l'auteur de la Législation primitive dans la haine des révolutionnaires, dans la reconnaissance des honnêtes gens et dans l'admiration de tous, qui écrivait à M. de Bonald : « Vos ouvrages sont faits pour les lecteurs de mon espèce. >> On les ouvre où l'on veut; on les lit, on pense, on vous aime. » Arrive un suppliant avec ses papiers, il faut bien l'écouter; mais >> il s'en va enfin. Où en étais-je donc? Ma foi, je n'en sais rien. >> Ouvrons ailleurs: on lit, on pense et on vous aime (1),»- le grand théocrate qui se reconnaissait dans M. de Bonald comme M. de Bonald se reconnaissait en lui, quoiqu'ils ne se soient jamais vus ici bas, n'a-t-il pas dit que « la révolution, que nous avons longtemps >> prise pour un événement, est une époque (2)? » Les questions traitées par M. de Bonald dans ce volume et dans toute la collection de ses œuvres, sont, à l'heure présente autant qu'il y a trente ans, à l'ordre du jour, car l'époque dure encore.et nul ne saurait en assigner le terme avec quelque certitude. On peut déjà le prévoir cependant, on peut en saluer l'heureux présage dans ce progrès des esprits auquel M. de Bonald lui-même n'a pas eu le bonheur d'assister, quoiqu'il ait survéçu quinze ans à son ami, progrès dû à leurs communs efforts, et dont nous treuyons, un témoignage qui n'est pas douteux dans la sympathie respectueuse avec laquelle on lit aujourd'hui ces livres qu'on lisait il y a trente ans avec moins de sympathie que de curiosité.

Ce volume va encore accroître l'autorité de M. de Bonald, qui grandit tous les jours. Par les idées qu'il va répandre, par les principes qu'il va rétablir dans des esprits égarés, par les convictions naissantes qu'il va fortifier, il hâtera cette reconnaissance des droits de Dieu, qui doit, selon l'heureuse parole de notre auteur, marquer le terme de la révolution française, comme la proclamation des droits de l'homme en a marqué le commencement. Le Discours sur la vie de Jésus-Christ, qui ferme ce recueil, semble placé là pour répondre à cette belle pensée du philosophe chrétien dont il rappelle la piété autant que le génie.

(1) Lettres et opuscules, troisième édition, tome I, page 516.

(2) Discours à madame la marquise de Costa su la vie et la mort de son fils. Lettres et opuscules, troisième édition, tome II, page 159.

TABLE DES MATIÈRES.

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