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après son ascension, ne s'est-il pas montré à Paul du haut des cieux? Et si cela n'était, comment quelques-uns de ceux qui accompagnaient Paul n'auraient-ils pas découvert l'imposture, eux qui n'allaient avec lui à Damas que pour persécuter les chrétiens? Trois jours après, Paul prêcha l'Evangile dans cette grande ville, et il confondit les Juifs en présence de ceux qui l'avaient suivi. Ceux-ci ne pouvaient-ils pas le confondre lui-même, s'il n'avait été qu'un faux témoin? Mais les miracles que faisait Paul devant tout le peuple de Damas, mettait le fait au-dessus de tous les doutes.

Considérez que les témoins de la résurrection de Jésus sont Juifs, et qu'il n'y en a même point d'autres. Comme Jésus n'a annoncé son Evangile qu'aux Juifs jusqu'à sa mort, aussi après sa résurrection il ne s'est montré qu'à eux. C'est des Juifs que nous Gentils avons eu la connaissance de sa résurrection et de son Evangile. Cet Evangile n'est qu'une tradition des Juifs, comme je vous l'ai déjà dit : tradition qui nous a été transmise par une postérité de Juifs bien plus nombreuse, que ne sont aujourd'hui les Juifs qui s'opposent à l'Evangile. Ceux-ci rejettent la tradition de leurs pères, cette même tradition de la plus saine partie qu'ils nous disent être la plus grande preuve de la religion de Moïse, et qu'ils opposent néanmoins à tout ce qui a converti les Gentils. Ce ne sont point les chrétiens qui ont produit leur Messie; ce ne sont point eux qui l'ont choisi, mais c'est lui qui les a choisis. Ils ignoraient qu'il fût le Messie, jusqu'à ce qu'ils fussent témoins d'un grand nombre de ses miracles. Ils savaient aussi pcu la nature de son règne, et

c'est lui qui a changé leurs idées, en leur apprenant à souffrir sur la terre, au lieu des belles espérances qu'ils avaient conçues.

Ce sont donc ceux-là d'entre vos pères qui vous doivent être les moins suspects. Les autres ne peuvent que vous tromper dans l'attente du Messie, comme ils se sont trompés eux-mêmes en suivant de faux messies, qui ont tant de fois causé leur ruine. Si vous désirez être puissants sur la terre et y être en honneur, il n'y en a point de moyen plus certain que d'embrasser la religion chrétienne. Alors Jésus ne sera pas seulement lo lumière des Gentils, il sera aussi la gloire de son peuple d'Israël. Mais par-dessus tout, vous devez songer à assurer votre état éternel, touchant lequel vous n'attendez rien du Messie que vous vous figurez, quoique vous ne puissiez nous dire comment vous pouvez faire l'expiation de vos péchés. Je parle des grands péchés que les sacrifices de la loi n'expiaient point, comme vous en convenez. Il n'y avait point d'expiation pour ceux qui se retiraient dans les villes de refuge. Rien ne les en délivrait que la mort du grand prétre, ce qui était un type manifeste de la mort de notre grand prêtre Jésus, qui nous purifie et nous met en liberté.

Je désire comme vous la gloire temporelle d'Israël; et plût à Dieu que vous fussiez bientôt les restaurateurs de la maison d'Israël, afin que les cœurs des enfants étant retournés à leurs pères qui ont cru à l'Evangile, vous soyez vous-mêmes les premiers instruments de la conversion du monde entier, qui a été annoncée par vos prophètes, comme elle l'est aussi par l'Evangile.

AVERTISSEMENT

SUR LE TRAITÉ DU JUGEMENT PARTICULIER ET DE L'AUTORITÉ.

La question du jugement particulier et de l'autorité qui a donné lieu à de grandes controverses s'éclaircit aisément, pourvu qu'on veuille bien s'entendre. Les protestants et les catholiques conviennent que chacun a droit d'examiner les fondements de sa croyance. Or cet examen enferme un jugement particulier. Chez la plupart des protestants, c'est un jugement du fond des dogmes pour savoir s'ils sont conformes à notre raison, et si l'Eglise ne s'est pas trompée dans le témoignage qu'elle en a rendu. Chez les catholiques, on n'examine point si le dogme s'accorde avec notre raison, on se contente de vérifier le fait du témoignage de l'Eglise, parce qu'on est bien persuadé que ce témoignage ne peut nous tromper. Voilà donc un jugement particulier des deux côtés. Mais dans l'un on n'a pour guide que sa raison; dans l'autre on s'en rapporte au témoignage de l'Eglise après qu'on l'a bien constaté. Ainsi dans une communion qui ne reçoit pas l'autorité de

l'Eglise, on est obligé d'examiner avant de croire, et si on ne le fait pas, on sera justement accusé d'être chrétien comme les Turcs sont Turcs; au lieu que dans une communion où l'autorité de l'Eglise est reconnue, si l'on juge du fond des dogmes, ce n'est qu'après les avoir reçus de la main de l'Eglise, qui en a rendu témoignage et qui use de son autorité pour les faire accepter. M. Lesley prouve fort bien qu'on a droit d'examiner les fondements de la foi chrétienne, mais il fait d'inutiles efforts pour prouver que dans cet examen on doit mettre à l'écart l'autorité de l'Eglise, et en même temps il détruit, sans le vouloir, ce qu'il avait avancé dans sa lettre à un déiste converti (Art. 12), qu'une doctrine qui a été enseignée semper et ubique et ab omnibus, est une doctrine chrétienne. Enfin, il accuse à tort les catholiques de renoncer à leur raison, à leur propre jugement, de marcher les yeux bandés, lorsqu'ils se soumettent à l'autorité de l'Eglise, car, dans cu

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cas même, on fait usage de sa raison, puisqu'on juge qu'il est raisonnable de se soumettre. Les catholiques ne blâment le jugement particulier que lorsqu'on lui veut sou

mettre, ou des mystères qui passent notre raison, ou des décisions de l'Eglise sur des objets dont la tradition remonte jusqu'aux apôtres.

DU JUGEMENT PARTICULIER,
ET DE L'AUTORITÉ EN MATIÈRE DE FOI.

I. Toutes les religions et toutes les sectes du monde sont fondées sur la décision d'un de ces deux points; savoir, si en matière de foi et de religion on se doit gouverner par son jugement particulier, ou si l'on doit être déterminé par l'autorité des autres.

II. Les effets du jugement particulier sont une grande multitude de sectes et d'opinions, des querelles perpétuelles sans arbitres ni juge de controverse, d'où naissent les préjugés qui s'enracinent dans chaque secte, et qu'on ne peut plus détruire, des animosités, des combats, des jalousies et toutes les guerres de religion qui troublent la paix du monde et qui servent de prétexte aux guerres civiles des nations contre elles-mêmes et des royaumes contre les royaumes. Quelques-uns ont pensé que, pour remédier à tous ces maux, il n'y a pas d'autre moyen que d'avoir un tribunal fixe pour juger les controverses, auquel on puisse appeler, et dont la décision mette fin à toutes les disputes de religion; qu'on établirait ainsi dans l'Eglise et dans le monde une paix extérieure, et en même temps une croyance intérieure et unanime des points de foi; car comment, disent-ils, chaque particulier pourrait-il autrement se déterminer sur les articles de la foi. La plus grande partie des hommes sont ignorants, et par conséquent sont obligés de s'en rapporter au jugement d'autrui. Mais quelle confusion ne causerait-on pas, en permettant aux hommes, aux femmes, aux enfants, de tirer leur foi du fond de leur propre raison, ou de l'Ecriture, s'il y en a une parmi nous. N'aurions-nous pas bientôt autant de religions et d'articles de foi qu'il y a d'hommes, de femmes, elc. En supposant que l'Ecriture est une règle infaillible de la foi, comment s'accordera-t-on sur la manière de l'interpréter? Ne voyonsnous pas que toutes les sectes citent l'Ecriture, et que chacune l'interprète selon ses intérêts. Ce n'est donc point là un moyen de terminer les disputes de religion, et il faut renoncer au jugement particulier?

III. Mais on ne rencontre pas moins de difficultés si l'on prend le parti de soumettre à l'autorité' son jugement particulier. D'abord on ne peut ôter au jugement particulier la liberté de choisir l'autorité à laquelle il faudra se soumettre (1); sans cette liberté,

(1) Aussi ne l'ôte-t-on point dans la communion romaine. On y choisit l'autorité pour se soumettre à

comment un homme déterminera-t-il s'il doit être chrétien, ou juif, ou mahométan, ou païen, car il n'y a point de juge qui ait autorité sur toutes ces religions. Voilà cependant la plus importante démarche que I'on puisse faire en choisissant une religion. Or, si en faisant cette démarche, l'homme ne peut avoir d'autre guide que son propre jugement, pourquoi ce même jugement ne le pourra-t-il point conduire au milieu des sectes qui partagent chacune de ces religions? Si je puis me fier à mon jugement dans le point le plus essentiel, pourquoi m'obligera-t-on d'y renoncer dans les décisions moins importantes? Que dis-je ? la croyance d'un Dieu, qui est le grand article de toutes les religions, se forme en nous par notre jugement particulier; l'autorité n'y entre pour rien. Ce serait un blasphème de faire dépen dre cette croyance d'une autorité humaine, etc., ce serait mettre l'homme au-dessus de Dieu (1). Si je crois Jacques sur la parole de Jean, c'est parce que je me fie plus à Jean qu'à Jacques, à celui qui sert de recommandation qu'à celui qui est recommandé. Si donc je ne croyais un Dieu que sur l'autorité de quelque église, il s'ensuivrait certainement que j'aurais plus de confiance en cette église qu'en Dieu. Pour admettre l'autorité d'une église, j'ai suivi uniquement le jugement que j'ai porté des preuves qu'on m'a alléguées. Ainsi jusque-là tout a dépendu de mon jugement particulier. Et en effet il est impossible qu'il se trouve quelque chose dont je sois plus assuré que de la certitude de mon propre jugement. Je ne puis pas être plus assuré de l'existence de

la plus grande. Le choix se fait par l'examen des faits sur lesquels la plus grande autorité est fondée. L'examen des faits est de la compétence de notre raison. Il n'en est pas de même de l'examen du fond de nos mystères.

(1) Il est vrai, comme dit notre auteur, que si je ne crois Jacques que sur la caution de Jean, je mets le témoignage de Jean au-dessus de celui de Jacques. Mais si je ne croyais l'existence de Dieu que sur une autorité humaine, ce serait mettre cette autorité, non pas au-dessus de Dieu, mais seulement au-dessus de ma raison, dont je me défierais. Il n'y a donc point là de blasphème; il n'y a qu'une raison qui se défie d'elle-même. L'autorité d'un homme n'est pas humaine, si elle vient de Dieu. Un paysan grossier, qui croit qu'il y a un Dieu parce qu'on le lui enseigne, ne croit pas sur une autorité humaine, mais sur celle de l'Eglise qu'il regarde comme divine, et qui est d'accord avec la raison naturelle.

Dieu que je le suis des raisons qui m'ont persuadé de la croire. Toutes les raisons qu'on peut m'avoir données pour me déterminer à soumettre mon propre jugement à une autorité supposent la vérité de mon jugement, et c'est à lui qu'elles en appellent. Autrement comment un homme pourrait-il persuader un autre homme? Le jugement particulier ne peut pas se tromper d'une manière plus fâcheuse qu'en choisissant mal l'autorité. Dans toutes les autres méprises, on peut se redresser soi-même par des raisons plus fortes qui nous peuvent venir d'un autre côté. Mais lorsqu'un homme a renoncé à sa propre raison pour la soumettre à l'autorité, il ne peut plus revenir sur ses pas (1) s'il s'est trompé dans le choix du guide qu'il regarde comme infaillible. Alors il doit suivre le guide dans tous ses égarements, il ne peut plus examiner; son principe est de marcher les yeux fermés, il se les a crevés pour ne plus rien voir.

Il resterait à examiner lequel des deux a plus fait de tort aux hommes, de suivre leur jugement particulier ou de se soumettre à l'autorité. Mais de quelque manière que l'on tourne la question, il n'est pas au pouvoir de l'homme, tant qu'il est homme, d'abandonner son propre jugement. Il y en a qui le défigurent tellement qu'on ne le reconnaît plus mais il est impossible de le détruire

entièrement.

Quand même il se trouverait que le jugement particulier a fait plus de tort que l'autorité, cela ne ferait pas une légitime décision contre lui, à moins qu'on ne décide aussi que l'homme doit renoncer à sa liberté, parce qu'elle lui a toujours fait plus de mai que de bien. Nous ne pouvons point changer notre nature. Apparemment que les hommes font de leurs bras plus de mal que de bien, lorsqu'ils se pillent et se font la guerre ; mais ce serait une fort mauvaise conséquence de dire qu'il faut couper les bras à nos enfants dès qu'ils sont nés. Ce serait encore pis d'entreprendre d'affaiblir ou de détruire leur entendement, parce que leur propre jugement ne sert souvent qu'à les égarer.

Quoi qu'il en soit, entrons dans la comparaison de l'autorité et du jugement particulier. Tous les chrétiens savent que les païens s'égaraient en suivant l'autorité, car ils marchaient tous sur les traces de leurs pères, sans examiner sur quoi leur religion était fondée.

C'est pour avoir suivi l'autorité que les Juifs sont toujours demeurés incrédules,

(1) Il le peut, s'il peut s'apercevoir qu'il a mal choisi; car il ne tient qu'à lui de revenir sur les raisons qu'il a eues de choisir. On n'a jamais les yeux tout-à-fait fermés ni sur les qualités d'une autorité divine, ni sur la nature des choses qu'elle commande. M. Lesley convient qu'il y a une autorité dans l'Eglise, et il dira bientôt que la soumission à cette autorité ne s'accorde que parce qu'on juge qu'il est raisonnable de l'accorder; ainsi il ne doit point supposer que dans l'Eglise romaine on est obligé de marcher les yeux fermés.

parce que leur église rejetait l'Evangile (1). C'est aussi l'autorité qui arrête l'Eglise de Rome dans ses erreurs, et qui rend chez elle la réformation impossible. Et en effet je ne vois pas comment on pourrait convertir les Juifs sur ce principe qui leur est commun avec l'Eglise de Rome. C'est ce qui paraîtra davantage en les faisant parler ensemble et en écoutant leurs défenses. Dans cette controverse, je ferai entrer un anglican qui nous apprendra quelle est l'autorité que Dieu a déléguée à son Eglise; car elle en a une qui est très-grande; ensuite paraîtra un nonconformiste qui plaidera pour le jugement particulier contre l'autorité. C'est, comme je pense, le meilleur moyen de bien éclaircir

cette matière.

IV. Le Juif. Vous, qui êtes catholique romain, ne posez-vous pas pour principe que la bonté de Dieu ne lui permet point de laisser l'homme sans guide sur les matières de foi (2), ni de souffrir que ce guide nous égare, au danger de perdre notre âme.

Le catholique romain. Oui, c'est notre principe, et je suppose que c'est aussi le vôtre. Le Juif. Ce l'est en effet, et nous croyons que ce guide est l'Eglise. C'est pour cela que nous rejetons votre Messie, parce que l'Eglise l'a rejeté, et certainement notre église était alors la seule église de Dieu qu'il y eût dans le monde. L'Eglise de Rome prétend

(1) L'auteur suppose que l'autorité de l'Eglise était du côté de ceux qui rejetaient l'Evangile, supposition qui n'est point vraie. Ce n'était pas comme assis sur la chaire de Moise, que les docteurs de la loi ne voulaient point d'autre législateur que Moise, puisque Moise lui-même avait averti qu'il viendrait un législateur à qui il faudrait obéir. Le temps de la venue du Messie prédit par Daniel avertissait aussi d'examiner si Jésus n'était pas le Messie. La Synagogue avait droit de faire cet examen, et l'examen, étant bien fait, elle eût agi comme revêtue de l'autorité de l'Eglise, si elle eût décidé qu'il fallait croire en JésusChrist. L'autorité n'est point donnée aux pasteurs de l'Eglise pour détruire. Ainsi, lorsque des pasteurs prennent un faux parti sur des matières de foi, ils ne aisé de voir que les docteurs opposés à Jésus-Christ sont plus censés agir par l'autorité de l'Eglise. Il était prenaient un faux parti. Tout les condamnait : les promesses, les prophéties, les œuvres de Jésus-Christ, sa doctrine, ses miracles. Tout cela formait une persuasion à laquelle l'autorité de la Synagogue ne pouvait rien opposer. Il n'y avait point encore d'autorité, ni de chaire chrétienne établie pour ordonner de croire en Jésus-Christ. Il fallait user de discernement. Aussi était-ce pour aider ce discernement que Jésus-Christ donnait des preuves si éclatantes de sa mission. Nous aurons bientôt lieu de prouver que co n'est point l'autorité qui arrête l'Eglise de Rome dans ce que M. Lesley appelle ses erreurs.

(2) Le catholique romain accorde cette proposition qui n'est pourtant qu'un sentiment de quelques théologiens. Dieu n'a point laissé l'homme, (c'est-à-dire le genre humain) sans guide, parce que la révélation est venue du ciel d'abord après le péché; mais Dieu peut laisser tels hommes, telle nation, telle partie du monde, sans guide, de l'aveu de S. Paul, qui a dit, Dimisit gentes ingredi vias suas, et qui a par conséquent supposé que la bonté de Dieu lui permettait de faire ce qu'il a fait. Le catholique romain paraîtra bien faible dans ce dialogue, mais c'est un protestant qui le fait parler.

aujourd'hui être la seule, mais c'est ce que les autres églises chrétiennes ne lui accordent pas.

Le catholique romain. Depuis le commencement du monde, il n'y a eu qu'une seule Eglise chrétienne, quoique sous diverses économies. La vôtre a été sous une de ces économies, et elle a cessé, lorsque le Messie est venu. Alors l'Eglise était dans lui, et séparée de la synagogue (1).

Le Juif. Est-ce qu'alors Dieu a oublié son Eglise, pour en choisir une autre ? Vous dites tous à présent que le Christ n'est pas l'Eglise, mais qu'il est venu pour racheter l'Eglise, et non pour se racheter lui-même. Vous appelez l'Eglise son corps; ainsi lorsqu'il est venu, il n'avait point cette espèce de corps, à moins que ce ne fût notre Eglise. Lui-même, tant qu'il a vécu, est convenu que nous étions l'Eglise. Il a ordonné à ses disciples de lui obéir, comme étant assise sur la chaire de Moïse. Les apôtres l'ont aussi reconnue pour telle. Mais lui, comment a-t-il prouvé qu'il était le Messie?

Le catholique romain. Il l'a prouvé évidemment par ses miracles, par sa doctrine toute céleste, et par les prophéties qui l'ont annoncé dans vos propres Ecritures.

Le Juif. Et néanmoins dans ces trois chefs l'Eglise s'est déclarée contre lui, et a prononcé qu'il faisait des miracles par Béelsébuth (2), et qu'il n'était pas le Messie dont parle l'Ecriture. Mais dites-moi, je vous prie, à qui il appartient d'interpréter l'Ecriture. Est-ce à l'Eglise ou au jugement particulier? Eh bien! sachez que les Juifs qui se sont faits chrétiens, ont tous préféré leur propre jugement à l'autorité de l'Eglise, et qu'au contraire ceux qui sont demeurés attachés à l'Eglise, comme à un guide infaillible, et qui lui ont laissé le droit d'interpréter l'Ecriture (3), ont tous rejeté votre Christ, comme ils le rejettent encore aujourd'hui. Nous nous

(1) Les catholiques romains ne disent point que Jésus-Christ étant sur la terre, l'Eglise était dans lui. Ils savent bien que Jésus-Christ a parlé d'une chaire de Moïse qui subsistait encore, et à laquelle il fallait obéir. Alors l'Eglise chrétienne n'était point formée, et à mesure qu'elle se formait, elle se entait sur la Synagogue, loin de s'en séparer; c'est l'idée que saint Paul nous en donne dans la comparaison de l'olivier franc avec l'olivier sauvage.

(2) M. Lesley suppose toujours que c'est la synagogue en corps qui a condamné Jésus-Christ. Mais un sanedrin, juge des causes civiles et criminelles, n'était pas toute la synagogue. On ne voit point dans l'Evangile que les accusateurs de Jésus-Christ fussent des délégués ni de la synagogue, ni de la nation; on y voit bien plutôt une cabale forcenée réduite à chercher de faux témoins qui eux-mêmes n'étaient point d'accord.

(3) La synagogue ne pouvait trouver dans l'Ecriture que ce qui y était. Ainsi le droit qu'elle avait d'interpréter l'Ecriture, était le droit d'expliquer au peuple l'Ecriture dans son sens naturel, et conformément à la tradition. Or c'est ce que ne faisaient point ceux d'entre les docteurs de la loi qui étaient opposés à Jésus-Christ. Ceux-là n'entendaient point les prophéties et ne prenaient nul soin de les entendre, comme Jésus-Christ le leur reproche, en leur disant: Scrutamini Scripturas. Ainsi le peuple qui croyait DEMONST. EVANG IV.

fondons sur les promesses que Dieu a faites à son Eglise, qui était la nôtre; savoir, que. Les lèvres du prêtre seront les dépositaires de la science, et que c'est de sa bouche qu'on recevra la connaissance de sa loi, parce qu'il est l'ange du Seigneur des armées (Mal., 11, 7). Et dans Isaïe:Voici l'alliance que je ferai avec eux: mon esprit qui est en vous, et mes paroles que j'ai mises en votre bouche, ne sortiront point de votre bouche, ni de la bouche de vos enfants, depuis le temps présent, et pour toujours. Cette manière d'écouter l'Eglise est appelée la voie de la sainteté, la voie unie, afin que ceux qui voyagent ne s'égarent point, quoiqu'ils ne la connaissent pas (Is., LIX, 21). Nous avons beaucoup d'autres passages sur le même sujet.

Le catholique romain. Ces passages se doivent entendre de l'Eglise chrétienne, qui était encore dans l'avenir.

Le Juif. Mais c'est à notre Eglise que ces promesses ont été adressées, et si elles ne la regardaient point, il faudra dire que, depuis qu'elles ont été faites, nous n'avons point eu de guides dans nos controverses (1), et qu'ainsi la bonté de Dieu nous a manqué, quoique vous disiez, ainsi que nous, que Dieu est obligé, comme bon, de ne pas laisser les hommes sans guide.

Le catholique romain. Si vous aviez écouté vos prophètes, ils vous auraient sûrement conduits à notre Christ; car ils ont parlé de lui.

Le Juif. C'est la question, de savoir si votre Christ est véritablement le Messie. Mais permettez-moi de vous demander si nous ne sommes pas obligés de nous conformer toujours aux jugements que l'Eglise prononce dans le siècle où nous vivons, ou bien, s'il nous est permis, en suivant notre propre jugement (2), d'en appeler aux décisions de

en Jésus-Christ n'interprétait point l'Ecriture par un jugement qui lui fût particulier, mais comme la synagogue devait l'interpréter elle-même, et comme firent ceux de Berée (Act. XVII, 11), lorsqu'ils voulurent vérifier par les livres saints ce que S. Paul leur enseignait Le Juif dit, comme a un guide infaillible. C'est une qualité qu'on ne pouvait refuser à la synagogue, en tant qu'assise sur la chaire de Moise. Le faux ne pouvait pas entrer dans son interprétation, lorsqu'elle était universelle. Mais la synagogue se taisant, les Juifs devenant chrétiens, se sont rendus à la plus grande autorité visible, à celle de la doctrine, de la prophétie et des miracles.

(1) De ce qu'une prophétie d'Isaïe doit s'entendre de l'Eglise chrétienne il ne suit pas que la synagogue n'a point eu de guide depuis Isaïe jusqu'au temps de l'accomplissement de sa prophétie. La synagogue servait de guide, puisqu'elle pouvait expliquer le sens des prophéties les plus importantes et les plus claires. S'il y avait des prophéties obscures, et que l'événement seul pouvait éclaircir, alors on n'avait pas besoin de guide, on se contentait d'attendre l'événement, comme nous faisons à présent au sujet des prophétics de l'Apocalypse.

(2) Le Juif ne veut pas qu'on en appelle d'un jugement présent de l'Eglise à un jugement qu'elle aurait prononcé autrefois, parce qu'il suppose que le jugement de l'Eglise est le même dans tous les temps, et qu'ainsi, lorsqu'on appelle à une primitive Eglise, (Trente-deux.)

la primitive Eglise? L'Eglise n'a-t-elle pas de notre temps autant d'autorité qu'elle en avait dans les siècles précédents? La commission qu'elle a reçue ne doit-elle pas durer toujours? Par conséquent l'Eglise qui existait du temps de votre Christ était le seul juge à qui l'on devait s'adresser, et c'était elle seule qui pouvait donner des interprétations authentiques de l'Ecriture. C'est ma nation qui a reçu les promesses de perpétuité et d'infaillibilité. Ces promesses ne vous regardaient point, vous Gentils. Pouvez-vous nous persuader que nous n'entendons pas bien notre loi, nous qui y sommes nés, qui l'avons reçue de nos pères; de nos pères, dis-je, qui l'étudiaient nuit et jour. Comment donc prétendez-vous nous exclure, et oscz-vous nous dire que vous entendez notre loi mieux que nous-mêmes, et que c'est vous qui êtes l'objet des prophéties ? Si c'est vous qui êtes leur dernier objet, certainement ce n'est pas selon un sens aussi littéral que nous, qui sommes nommés (1), et qui en avons eu la première possession; je veux bien qu'elles descendent de nous à vous; mais le sens primitif, qui nous regarde, ne doit pas être négligé. Si ce n'est pas chez nous que les promesses ont été accomplies, vous n'y avez aucun droit, puisque vous ne pouvez en hériter qu'après nous. Les enfants peuvent-ils hériter plus que leur père ne leur a laissé? Si le frère aîné a été déshérité pour faire place au cadet, comme vous dites ordinairement, le cadet ne doit pourtant succéder qu'aux apanages qu'a eus l'aîné (2).

c'est une marque que l'on suit son jugement parti culier. Mais c'est peut-être aussi une marque que ce qu'on appelle jugement présent n'est pas un jugement de l'Eglise, mais seulement de quelques docteurs. C'était le cas de cette prétendue Eglise qui rejetait la mission du Sauveur. On devait, selon le Juif, s'en rapporter au jugement présent de cette Eglise, qui n'était qu'une poignée d'hommes corrompus qui, loin d'assembler les autres docteurs répandus dans les villes de la Judée, ne prenaient eux-mêmes aucune mesure pour se bien décider sur la mission du Sau

veur.

(1) Le Juif confond ici plusieurs choses. Il y avait un seus littéral des promesses temporelles, et de même un sens littéral des promesses spirituelles. Les premières furent adressées nommément aux Juifs, pour qui était l'alliance temporelle, et elles n'avaient point de sens littéral pour l'Eglise future des Gentils. Les dernières étaient adressées, dans leur sens littéral, aux Gentils comme aux Juifs, c'est-à dire à tous ceux qui auraient dans la suite la foi d'Abraham. Il n'y avait sur cette promesse, ni première, ni dernière possession.

(2) Dans l'effet de la promesse temporelle, Esau, l'aîné, n'a jamais eu l'apanage qui fut donné à Jacob. Les deux frères ont eu séparément chacun le leur, et ce n'a été qu'après plusieurs siècles que Jacob est entré, par droit de conquête, dans l'ancien héritage d'Esau. Il n'en est pas de même dans l'effet de la promesse spirituelle. Dans celle-ci il n'y avait ni siné, ni cadet. Tout homme, Juif ou Gentil, qui était enfant d'Abraham par la foi, recevait l'effet des promesses. Le corps des Gentils n'a été le cadet que par l'événement, et il n'est point vrai qu'aucun Gentil ne dût hériter qu'après les Juifs, comme un fils berite de son père. L'héritage des promesses spirituelles a

Ainsi les promesses qui nous ont été adressées comme aux aînés ne peuvent vous regarder, vous qui êtes le cadet, à moins qu'elles ne nous aient appartenu auparavant, autrement elles n'auraient appartenu à personne pendant plusieurs siècles.

V. L'anglican. Vous voilà tous les deux aux prises sur l'autorité de l'Eglise, et vous ne pouvez avoir raison tous les deux en-semble; mais le Juifa de l'avantage en ce que vous reconnaissez tous les deux que son église a été la seule dans le monde pendant plusieurs siècles; au lieu que le Juif ne convient point que l'Eglise romaine ait jamais été la véritable Eglise, et que l'on doive Y être pour obtenir le salut.

Le catholique romain. Vous voulez rétorquer l'argument que nous faisons contre votre Eglise anglicane; vous ne disconvenez pas que notre Eglise n'ait été vraie et orthodoxe. Or je vous demande en quel temps elle a cessé de l'être. Nous, nous disons que l'Eglise ne peut point manquer, et qu'on ne peut faire son salut qu'avec nous.

L'anglican. J'ai fait venir cet argument pour vous montrer que vous trompez notre petit peuple lorsque vous l'attirez à vous par ce raisonnement populaire, que l'Eglise anglicane avoue qu'on peut se sauver dans l'Eglise romaine, mais que l'Eglise romaine nie qu'on se sauve dans l'Eglise anglicane; qu'ainsi, de l'aveu des deux côtés, il est plus sûr d'être de l'Eglise romaine que de l'Eglise anglicane.

Če raisonnement est d'une belle apparence au premier coup d'œil. Mais si ceux que vous gagnez viennent à remarquer qu'il est favorable aux Juifs et qu'il donne le tort aux chrétiens (1), j'espère qu'ils approfondiront davantage et qu'ils verront que c'est ici la même erreur qui a trompé le Juif; savoir, qu'il faut renoncer au jugement particulier et se rendre à une autorité absolue et irrévocable, à celle de l'Eglise.

Le non-conformiste. Vous me donnez beau champ contre vous, monsieur, soumis comme vous êtes à l'autorité de l'Eglise anglicane, car nous mettons le jugement particulier au-dessus de l'autorité de votre Eglise.

toujours é é offert aux Gentils qui avaient conservé ehez eux la vrai religion et la tradition des promesses. Le Jaif demande si les enfants peuvent hériter de leur père plus qu'il ne leur a laissé. Ils le peuvent. Les Gentils chrétiens ont eu une foi plus explicite que les anciens patriarches. Ceux-ci pouvaient l'avoir plus grande, et elle était d'autant plus admirable, que les objets en étaient moins développés.

(4) Il est favorable aux Juifs et il doit l'être, puisque la véritable Eglise était chez les Juifs: Salus es Judais. Mais il ne donne point le tort aux chrétiens vis-à-vis des Juifs, puisque les chrétiens sont devenus membres de la mêine Eglise, dont les Juifs étaien!, et soumis à la même autorité, à celle de l'Eglise qui a toujours été la même dans l'ancienne et dans la nouvelle alliance. Les Juifs incrédules ne trouveront rien de favorable dans ce raisonnement. Ils n'ont point suivi la plus grande autorité, lorsqu'ils ont rejeté l'Evangile. Ils ont renoncé aux promesses et à tous les avantages de l'Eglise judaïque.

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