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XIV

PROSTITUTION

BABYLONE.

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Toutes les femmes, sans exception, étaient tenues de

se prostituer une fois dans leur vie.

LYDIENS.

Les filles n'avaient le droit de se marier qu'après avoir gagné leur dot par la prostitution.

GRÈCE. C'est Solon qui, le premier, institua régulièrement des lieux de débauche et érigea un temple à Vénus populaire.

TURQUIE.

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Il n'existe pas à Constantinople de lieux de prostitution: cela s'explique par le précepte du Coran, qui prescrit aux hommes d'employer leurs biens à DOTER les femmes.

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ÉGYPTE. Dix-neuvième siècle. « Les almées ne se recrutent pas seulement parmi les femmes répudiées; d'horribles spéculateurs élèvent de jeunes esclaves pour ce métier; des mères y vouent leurs filles... Parmi les danseuses qui étaient réunies autour de nous, à Kafr-Saya, il y en avait une de quatorze à quinze ans qui ne prit aucune part à la fête; la pauvre créature, encore tout endormie, bâillait et se frottait les yeux. Quand il s'agit de partager l'aumône commune que nous leur laissions, elle témoigna la même indifférence; mais sa mère, qui l'avait envoyée et suivie, montra une hideuse rapacité. » (VICTOR SCHŒLCher. L'Egypte en 1845, p. 170 et 171.)

ITALIE. Rome. Moyen âge. « La perception d'un droit sur un certain nombre d'entre les filles publiques s'accordait aux prélats comme un bénéfice ecclésiastique; le peuple disait librement : Celui-ci a deux bénéfices de vingt écus; celui-là un prieuré de quarante ducats, et trois..... qui lui rendent chaque semaine vingt jules. Il avait cependant été défendu en 1353, par une bulle, à tous les em

....

ployés pontificaux, de permettre pour de l'argent que l'on jouàt aux dés et d'exiger un tribut des filles publiques... » (DE POTTER. Histoire du christianisme, époque 1, part. i, liv. vi, ch. v, note. Les Filles de joie et l'Église romaine.)

« Clément VII (1525) accorda le droit de tester à toutes les courtisanes qui légueraient un quart de leurs gains illicites et déshonnêtes au couvent des Repenties les testaments des autres étaient nuls de plein droit, excepté pour ce qui revenait à leurs enfants procréés en légitime mariage, et tout ce qu'elles avaient laissé passait aux religieuses. Il ordonna à tous les fidèles de révéler ce qui parviendrait à leur connaissance, relativement à l'héritage des filles publiques, et aux notaires de dénoncer leurs dispositions authentiques... » (CLEMENT. VII, stit. 14, cum ex corpore, in Bull., t. IV, part. 1.)

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« On peut se faire quelque idée du nombre des Filles publiques enregistrées à Rome sous le pontificat de Sixte IV, par le relevé qui en fut fait sous Paul III, c'est-à-dire environ soixante ans après, lorsque, comme il est dit, ce nombre était considérablement diminué il y en avait encore alors d'inscrites quarante-cinq mille...» (DE POTTER. Histoire du christianisme, époque 1, partie 1, liv. vii, ch. v, note supplémentaire.)

« Les femmes publiques, à cause de leur genre de vie distingué, jouissent depuis plusieurs siècles et continuent à jouir (1660) d'un lieu distingué également affecté à leur sépulture. C'était un très-petit espace de terrain près de la porte Flaminia ou du Peuple, hors et sous le mur penché, appelé Muro torto. Il est même étonnant que l'on parvienne à y déposer tant de milliers de ces femmes...» (CANCELLIERI. Lettera al dottor Koreff, p. 57.)

FRANCE. Moyen âge. Gynécées. «Sous les empereurs romains, on donna le nom de gynécées à des ateliers publics où étaient tissées, apprêtées et façonnées toutes sortes d'étoffes; quoiqu'on employàt aussi des hommes dans ces établissements, c'est néanmoins de femmes qu'ils étaient composés principalement. Les rois de France et les seigneurs entretenaient aussi dans leurs domaines des fabriques de ce genre, qui sont ordinairement appelés genicia pendant le moyen âge. Ces établissements ayant été déshonorés par la débauche, le nom en fut bientôt avili et servit à désigner des lieux de prostitution. Les femmes qui les habitaient furent regardées et traitées comme des courtisanes. (DUCANGE. Vo Gynæceum.)

Outre les ouvrages exécutés dans les gynécées au profit du maître, on y en faisait d'autres pour l'entretien et le service des femmes mêmes qui les habitaient... Dans l'acte de donation fait, en 728, en faveur du

monastère de Morbach, par le comte Eberhard, fils du duc Adalbert, on remarque la mention d'ouvrières au nombre de quarante, plus ou moins, qu'il avait dans un gynécée. Le gynécée de la terre de Stephanswest, du fisc de Charlemagne, renfermait vingt-quatre femmes occupées à fabriquer des vêtements de serge et de toile, et des bandelettes pour lier autour des jambes... On a souvent appelé indifféremment gynécées et poėles les ateliers des femmes pour la fabrication des fils et des tissus. (IRMINON. Polyptique. Prolégomènes de GUERARD, § 337.)

Le concile de Meaux, de l'an 845, parle avec mépris des femmes des gynécées. Il déclare que si les laïques possèdent des chapelles, il est contraire à la raison comme à la loi ecclésiastique qu'ils perçoivent les dimes et s'en servent pour nourrir des chiens ou les femmes de leurs gynécées, c'est-à-dire leurs courtisanes. (Concil. Meld., ann. 845, can. 75.)

L'empereur Lothaire défend d'enfermer dans un gynécée, comme on l'avait fait jusqu'alors, la religieuse surprise en adultère, dans la crainte, dit-il, qu'après avoir eu commerce avec un homme, elle n'ait l'occasion de se prostituer à plusieurs. (Leg. Longob. Lotharii, 88.)

Lorsque les serfs attachés au service du palais y recélaient des criminels ou des filles publiques, ils étaient tenus de les porter sur leur cou jusqu'à la prison; et s'ils refusaient, on les fouettait au milieu du marché, avec les personnes qu'ils avaient indûment accueillies. (Capit. de Minist. Palat., cap. III.)

Quatorzième siècle.

Statuts de l'abbaye d'Avignon donnés par la reine Jeanne Ire. « L'an mil tres cent quarante et set, au huict du >> mois d'avous, nostro bono reino Jano a permes lou bourdeou dins » Avignon; et vol que toudos los fremos debauchados non se tingon >> dins la ciutat, mai que sian fermados dins lou bourdeou et que per » estre couneigoudos, que porton uno agullietto rougeou sur l'espallou » de la manescairo, etc. » Suivent les articles, dont le quatrième ordonne à l'abbesse de surveiller scrupuleusement l'état de santé des filles, et prépose un chirurgien pour les visiter; le cinquième prescrit de grands soins pour les femmes enceintes et les enfants qui naissaient dans la maison; le sixième défend de recevoir les hommes et de livrer les filles à l'exercice de leur profession le vendredi saint, la veille de Pâques et le jour de cette fête; le neuvième exclut sévèrement les juifs du nombre de ceux à qui l'abbesse pouvait ouvrir les portes de l'établissement, sous peine, pour ceux qui s'y glisseraient inconnus, d'être publiquement fouettés par la ville. L'abbesse, ou la baillive, avait seule les clefs de la maison, et personne n'y entrait sans son consentement; elle était élue chaque année par les consuls. (PAPON. Histoire générale de la Provence, liv. vi, no 44.)

<< Dans les villes où les magistrats ne s'étaient pas bornés à forcer les filles de joie à habiter une rue déterminée, appelée la rue Chaude, la maison de prostitution par eux instituée et gouvernée, et qui leur payait une redevance fixe, s'appelait abbaye, et la femme qu'ils y préposaient comme supérieure, abbesse. Cela était ainsi à Narbonne, Toulouse, Beaucaire, Avignon, etc. Dès le douzième siècle nous trouvons Guillaume IX, duc d'Aquitaine, comte de Poitiers et de Toulouse, qui fait bâtir tout exprès un couvent de ce genre. Il se réserva la nomination aux dignités du lieu, qu'il n'avait bien soin de n'accorder qu'au mérite requis pour les remplir: l'abbesse était la femme la plus débauchée et la plus dévergondée de ses États. On continua depuis lors à appeler les filles prostituées: filles de la grande abbaye de Toulouse, comme s'exprima Charles VI (1389) dans les lettres de sauvegarde qu'il leur octroya...» (DE POTTER. Histoire du christianisme, époque 1, part. 1, liv. vi, chap. v. Note supplémentaire.)

Dix-neuvième siècle. - «Elles (les prostituées) connaissent toute leur abjection, et en ont, à ce qu'il paraît, une idée bien profonde; elles sont à elles-mêmes un sujet d'horreur; le mépris qu'elles ont pour elles dépasse souvent celui que leur portent toutes les personnes vertueuses; elles regrettent d'être déchues; elles font des projets et même des efforts pour sortir de leur état; mais tous ces efforts sont infructueux, et ce qui les désespère, c'est de savoir qu'elles passent dans l'esprit de tout le monde pour la fange de la société...

» Celui qui a fait quelques réflexions sur les penchants du cœur de l'homme comprendra facilement combien doit être pénible un pareil état; il n'y a rien de si naturel à l'homme que le désir d'être aimé des autres. Qui pourrait souffrir sans effroi, sans trouble et sans abattement, l'oubli général des hommes, et, à plus forte raison, leur haine, leur mépris et leur universel dédain! La seule pensée de cet état a fait tomber plusieurs prostituées dans l'aliénation mentale. Il n'y a pas longtemps que M. Pariset m'en a fait remarquer une à l'hospice de la Salpêtrière. Cette fille ne dit rien au public; mais, lorsqu'elle se croit seule, elle répète sans cesse : « Que je suis malheureuse d'avoir aban» donné la vertu! Comment supporter le mépris général? comment >> vivre dans l'humiliation? » (PARENT-DUCHATELET. De la Prostitution dans la ville de Paris.)

ANGLETERRE. Londres. « Les filles publiques, à Londres, sont si nombreuses, qu'à toute heure on en voit partout; elles affluent dans toutes les rues; mais, à certaines époques de la journée, elles se rendent, des quartiers éloignés où la plupart demeurent, dans les rues où la foule se rencontre, aux promenades et aux théâtres. - Il est rare qu'elles reçoivent les hommes chez elles : les propriétaires des maisons presque toujours s'y opposent, et puis les logements qu'elles occupent

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sont trop mesquinement meublés. Les filles amènent leurs captures dans des maisons destinées à leur métier; maisons qui existent de distance en distance dans tous les quartiers, sans exception, et sont, d'après ce que rapporte M. le docteur Ryan, aussi nombreuses que les boutiques de gin.

» Dans cette ville d'intempérance, la vie des filles publiques de toutes les classes est de courte durée. Qu'elle en ait envie ou non, la prostituée est obligée de boire des boissons alcooliques. Quel tempérament pourrait tenir à de continuels excès! Aussi, trois ou quatre ans sont la période d'existence de la moitié des prostituées de la ville de Londres; il en est qui résistent sept ou huit ans, mais c'est le terme extrême que peu atteignent et que seulement de très-rares exceptions dépassent. Beaucoup meurent de mauvaises maladies ou de fluxions de poitrine dans les hôpitaux; et quand elles n'y peuvent être admises, elles succombent à leurs maux dans d'affreux réduits, éprouvant la privation d'aliments, de remèdes, de soins, enfin de toutes choses.

>> Le chien rencontre en mourant le regard de son maître, tandis que la prostituée finit au coin d'une borne sans que personne jette sur elle un regard de pitié!

» M. Talbot pense, d'après le résultat de ses recherches, qu'il existe à Londres cinq mille mauvaises maisons... - M. Ryan évalue qu'à Londres il y a cinq mille individus, hommes ou femmes, employés à pourvoir de filles les mauvaises maisons, et quatre ou cinq cents, qu'il désigne sous le nom de trapanners (tendeurs d'embûches, de piéges). Il évalue que quatre cent mille personnes sont intéressées, directement ou indirectement, dans la prostitution, et que 8,000,000 de livres sterling (200,000,000 de francs) sont annuellement dépensées à Londres pour ce vice. » (FLORA TRISTAN. Promenades dans Londres, p. 71 et 72, 2° édition.)

« Les nombreux artifices usités pour attirer dans le tourbillon de misère les enfants (des deux sexes) sans expérience sont si compliqués, si variés, qu'il serait impossible de les détailler; c'est pourquoi nous parlerons seulement du traitement qu'éprouvent ces créatures infortunées quand elles sont tombées dans le piége. Aussitôt que la jeune enfant est entrée dans une de ces cavernes, on la dépouille de ses vêtements, dont s'emparent le maître ou la maîtresse de l'établissement; on la pare d'habits d'éclat, qui ont fait la toilette des femmes riches, et que la friperie fournit. Les habitués sont avertis; et lorsqu'elle n'attire plus de monde dans la maison, son maître l'envoie parcourir les rues, où il la fait veiller de telle sorte qu'il lui est impossible d'échapper; si elle le tente, l'espion, mâle ou femelle, qui la suit, l'accuse de voler au maître de la maison les habillements qu'elle porte; alors le policeman l'arrête, quelquefois il l'emmène à sa station, mais plus

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