Page images
PDF
EPUB

RÉSUMÉ DE LA THÉORIE EXPOSÉE.

Plus le sujet est neuf et éblouissant, plus il est nécessaire d'aider le lecteur par de fréquentes récapitulations, et de l'affermir sur les principes qu'il oublie facilement pour se ralliér aux préjugés moraux dont il est imbu.

On a vu qu'en fait de principes ma théorie est UNE, et invariable dans tous les cas; quelque problème qui se présente sur l'accord des passions, je donne toujours la même solution; former des séries des groupes libres, les développer selon les 3 règles d'échelle compacte, exercice parcellaire et courtes séances, (chap. VI) afin de donner cours aux trois passions, CABALISTE, COMPOSITE et PAPILLONNE qui doivent diriger toute Série passionnée. (chap. V).

Voilà la règle bien précise pour la formation et le développement des séries; quant à leur but, j'ai dit qu'elles doivent établir partout la coucurrence des sexes et des instincts; j'ai appliqué cette méthode aux divers âges de l'enfance, et aux fonctionnaires de l'enfance, depuis le berceau jusqu'à la puberté.

Telle est ma réponse aux détracteurs qui accusent ma théorie d'obscurité, en disant: on ne conçoit pas comment marcheront toutes ces séries; la règle est UNE pour toutes, et quand nous en viendrons au problème le plus important, qui est la répartition satisfaisante aux 3 facultés de chacun, capital, travail, talent, je suivrai constamment le même procédé, l'emploi de séries passionnées conformes aux règles précitées.

J'ai dû appliquer ma théorie à l'enfance, parce qu'elle ne connaît pas les deux passions amour et paternité', (affectives mineures), qui dans le cours des 1 et 2o géné rations seront moins susceptibles d'harmonie, et ne s'y ployeront que par degrés. Le lecteur est choqué à l'idée de liberté amoureuse d'où résulterait un mélange d'enfans de diverses branches; pour le désabuser sur ses pré

ventions à cet égard, il faudrait une théorie très-étendue que je ne veux pas effleurer; elle prouvera que le régime civilisé engendre tous les vices qu'on redoute de la liberté d'amours, et que cette liberté appliquée à une phalange de Séries pass., sera le préservatif de tous les désordres qu'elle produirait en civilisation.

On a vu que les dix autres passions s'harmonisent chez les enfans par la pleine liberté, jointe au développement par séries de groupes libres; si les 2 passions amour et paternité n'étaient pas applicables à ce régime de libre essor en série, il y aurait duplicité dans le système de Dieu; il aurait destiné dix passions à jouir de la liberté dont deux seraient exclues, et il commettrait le contre-sens d'appliquer la liberté aux enfans, et l'oppression aux pères, aux ages pubères.

J'ai dit que la méthode civilisée 'conduit à tous les écueils qu'elle veut éviter en relations d'amour et de famille; appliquons la thèse aux 4 âges, en nous bornant à signaler pour chaque âge un écueil entre cent.

1. Age impubère. Il est privé de la garantie de paternité. La statistique de Paris nous présente un tiers des hommes reniant et abandonnant leurs enfans; sur 27000 naissances, on compte au-delà de g9000 bâtards délaissés ; et cependant Paris est le centre des lumières morales et des perfectibilités perfectibilisantes. S'il existait partout autant de perfectibilité qu'à Paris, on verrait partout le tiers des enfans condamné à l'abandon.

2.° Age adolescent. L'ordre civilisé le rend victime des maladies syphilitiques; fléau qui cesserait au bout de 4 à 5 ans de quarantaine générale dont l'ordre sociétaire est seul susceptible. Les coutumes civilisées habituent tellement la jeunesse à la fausseté, qu'elle se fait un jeu de répandre ces maladies dont le danger oblige toute personne prudente à s'isoler du monde galant.

3.o Age viril. Il est trompé à son tour sur la fidélité des femmes qu'il a trompées précédemment; elles usent de représailles et si dans Paris, foyer de la morale, on

voit chaque année 9000 pères abandonner leurs enfans, la vengeance des mères doit être en même rapport, et sur 27000 naissances, 9000 femmes adjugeront au mari ou à l'amant un enfant qui ne sera pas de lui: c'est réciprocité de lésion pour les enfans, les pères et les mères. Le résultat présente :

9000 enfans frustrés de l'appui paternel,

9000 mères frustrées de l'appui marital,

9000 pères frustrés de la réalité de progéniture et chargés des enfans d'autrui, après abandon des leurs.

4. Age avancé. Les vieillards après l'age d'amour conçoivent le plaisant projet de se concentrer dans les affections familiales, au sein de leurs tendres enfans et neveux élevés selon les saines doctrines; ils ne trouvent en ce genre d'affection que duperie et simulacre de réciprocité. C'est leur fortune qu'on considère et non pas eux. Pour s'en convaincre, il faudrait qu'ils parvinssent à s'introduire dans les réunions secrètes où les amans et maîtresses glosent sur les parens; ils s'y verraient traités comme des Harpagons ridicules ou des Argus incommodes; ils entendraient le comité galant accélérer par ses vœux l'instant où on pourra jouir d'une fortune dont ils ne savent pas jouir, si l'on en croit la jeunesse.

On va répondre que les familles honorables sont à l'abri de ces orgies secrètes; oui, tant que la contrainte y règne; mais dès que les pères et les Argus sont morts ou absens, l'orgie s'établit à l'instant, et souvent même du vivant des pères; car les jeunes gens persuadent au père qu'ils ne viennent point pour séduire les demoiselles, qu'ils sont de vrais amis de la charte et de la morale ; d'autre part ils persuadent à la mère qu'elle est aussi jeune que ses filles, cela est quelquefois vrai; à l'appui de ces deux argumens, ils organisent dans la maison une orgie masquée. Le père entrevoit la manigance, il essaie de regimber, mais sa femme lui prouve qu'il n'a pas le sens commun, il finit par se taire.

Et lors même que les pères savent éviter ce trébuchet,

ne tombent-ils pas dans vingt autres disgrâces, dans un cercle vicieux de sottises morales? ici c'est une fille obéissante, une victime qui tombe malade et meurt par besoin d'un lien que la nature exige: là c'est un enlèvement ou une grossesse qui déjoue tous les calculs des parens; ailleurs c'est une séquelle de filles sans dot, que le père porte sur les épaules; pour s'en débarrasser, il ferme les yeux sur les allures de plus belles, afin qu'elles en finissent de lui demander de l'argent pour leurs chiffons; il jette les moins belles dans une prison perpétuelle en leur disant qu'elles seront bienheureuses, qu'elles se-ront avec Dieu. Plus loin c'est un mariage d'attrape qui ramène à la charge du père, une fille et sa jeune famille ruinée; il croyait avoir placé un enfant, c'est tout le contraire, il en a une demi douzaine de plus.

On citerait par centaines ces disgraces paternelles et conjugales, (voyez II, 369 et 398,) auxquelles la morale toujours gasconne, oppose quelques exceptions, quelques ménages heureux qui servent à prouver que le bonheur pourrait exister, mais que l'immense majorité des ménages en est privée dans l'état civilisé : les pères comme les enfans y sont en fausse position, le bon ordre n'y repose que sur une contrainte plus ou moins masquée; or la contrainte étouffe les affections; elle les réduit à un simulacre de lien. Les pères n'obtiendront la réalité que dans un ordre conforme au vœu de la nature dont les moralistes n'ont jamais voulu faire aucune étude enamour; voici un exemple récent de leurs bévues sur cette passion. On vantait beaucoup un pensionnat d'Yverdun en Suisse, dont on promettait des merveilles,' parcequ'il était dirigé par le célèbre PESTALOZZI aidé du célèbré KRUSI et du célèbre Buss, qui élevaient les jeunes gens d'un et d'autre sexe selon la méthode intuitive. Il arriva que cette jeunesse peu satisfaite de la méthode intuitive, y joignit en secret la méthode sensitive; de là résulta un galimatias épouvantable, quantité de demoiselles enceintes du fait des maîtres d'études où des jeunes élèves,

au grand désappointement des trois maîtres célèbres qui, dans leurs subtilités intuitives, avaient oublié de porter en compte les intuitions amoureuses. Ainsi les passions que la philosophie croit supprimer, viennent inopinément supprimer les systèmes de la pauvre philosophie.

Les demoiselles qui n'étaient pas enceintes n'en furent pas moins suspectées d'avoir essayé la méthode sensitive, plus prudemment que leurs camarades; il fallut congédier toute cette orgie de nouvelles Héloïses amoureuses de leurs précepteurs. Dès qu'on veut se rapprocher de la liberté, soit en amour, soit en autre passion, l'on tombe dans un abîme de sottises, parce que la liberté n'est faite que pour le régime des séries passionnées, dont la morale n'a aucune notion. Assurément la liberté est destin du genre humain, mais avant d'en faire aucun essai, ni en ménage ni en éducation, il faut connaître le mécanisme des contrepoids à opposer aux abus de liberté. Jusque-là l'esprit humain est dans les ténèbres, ses novateurs tombent de Charybde en Scylla; et cela est assez prouvé par les essais politiques des révolutionnaires, et les essais moraux des Pestalozzi, des Owen et autres cassecou en libertés politiques ou amoureuses. Si l'on veut établir une liberté réelle en exercice d'ambition, ou d'amour, ou d'autres passions, la méthode à suivre est bien invariable; je la résume dans la règle suivante imposant neuf conditions sur le dispositif, je donnerai celles de mécanique générale en 5 section.

'Je ne connaissais pas ce dénoûment en 1822, lorsque j'écrivis le Traité que je cite parfois. Je voyais alors les esprits engoués de la méthode intuitive de Pestalozzi qu'on prônait dans les journaux ; et je crus servir les lecteurs à leur goût, en disposant mes deux premiers volumes selon la méthode intuitive. Il s'agissait d'enseigner la distribution des Séries contrastées, je disposai le 1. tome en Série composée ou mesurée, et le 2.o en Série simple. Les lecteurs ont été effarouchés de cette innovation intuitive que je ne voulais pas continuer dans les volumes suivans, et que j'essayais croyant satisfaire leur prédilection pour la méthode intuitive.

er

« PreviousContinue »