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tégorie d'utilité, et celle des floricoles en catégorie d'agrément qui est moins rétribuée. Ainsi opineront les civilisés; n'ayant pas besoin d'attraction industrielle, ni d'harmonie, ils n'en estiment pas les ressorts.

C'est juger au plus mal, et tomber dans double contre-sens; la série des vergers, des fructicoles, quoique infiniment productive, reste dans la catégorie d'agrément; tandis que la série des floricoles qui produit à peine autant qu'elle coûte, passe en catégorie d'utilité: expliquons les motifs de ce classement, déduits des influences de l'attraction.

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Les vergers en harmonie sont des séjours délicieux, leur soin est le plus récréatif de tous les travaux. Les rencontres de cohortes vicinales, et les amours dont je n'ai pas parlé, s'y joignent à mille autres amorces. Tout verger est parsemé d'autels de fleurs, entouré de cordons d'arbustes le travail n'y exige guères de tentes mobiles, parceque les arbres en tiennent lieu. En ajoutant le charme spécial de cette culture, les rivalités émulatives, la réunion des sexes, le repas fort gai servi au castel à la fin de la séance, on pensera que sur 1000 personnes, il doit s'en trouver 990 en attraction pour le soin des vergers, au moins dans quelque branche: ce sera une série infinitesimale ou d'attraction générale, comme celle du poulailler, II, 446.

La secte des fructicoles, abstraction faite de son produit, est donc la dernière en titres au bénéfice, parce qu'elle est la plus forte en dose d'attraction. D'autres sectes recourront aux expédiens pour se renforcer d'attraction; celle-ci ne cherchera qu'à diminuer l'intensité d'appât, et ralentir l'empressement général à s'y enrôler.

Quant à la secte des floricoles, elle est fort mal appréciée en civilisation. Si son produit a du charme, son travail n'en a guères; il exige beaucoup d'assiduité, de connaissances, de soins délicats pour un plaisir de courte durée ; mais il est precieux pour façonner les enfans et les femmes aux exigences de la culture, aux études et aux

raffinemens agronomiques; et c'est pour en faire une école d'agriculture, que la nature donne ce goût des fleurs aux femmes et aux enfans. D'ailleurs le travail des vergers n'est pas en tout sens à portée des enfans, tandis que celui des fleurettes et même des grandes fleurs convient en tout point au bas âge : à ces titres, la série des floricoles sera placée en 2. catégorie, au rang d'utilité.

On peut juger par ce parallèle des fruits et des fleurs, que les harmoniens, en appréciation de travail, se règlent sur des bases fort différentes de celles admises chez les civilisés ; et que la quantité ou valeur réelle du produit, qui serait parmi nous boussole exclusive d'estimation des travaux, ne le sera point dans l'état sociétaire.

Il placera au dernier rang, l'industrie fructicole qui est la plus précieuse peut-être, car deux sexes d'harmoniens, les femmes et les enfans, vivront de fruits, soit crus, soit en compote, soit en marmelade, bien plus que de graminées. Nous en avons l'indice dans le bas prix actuel des sucres cultivés par des indigènes, comme en Indoustan. Le fruit allié au sucre est nourriture essentielle des harmoniens, II, 113: le pain, substance commune, est un mets de civilisé, de goujat, quand il est pris pour base comme chez le peuple, et fabriqué en fa

rines communes.

D'autre part, des fonctions qui nous semblent de pure superfluité, comme L'OPÉRA, seront en harmonie au 2. ordre de nécessité, immédiatement après les répugnantes. « Cependant, diront les civilisés, on peut se pas» ser d'opéra et non de boulangers ni de meuniers. » L'objection est juste quant à l'ordre civilisé, qui n'est pas susceptible d'attraction industrielle; mais on a vu, aux chapitres de l'éducation, que l'opéra est un des plus puissans ressorts pour former l'enfant à la dextérité, à l'unité en fonctions industrielles : sous ce rapport l'opéra est de 1.re nécessité, et rétribué comme tel.

En définitive, le classement des séries est réglé selon les convenances générales, et non selon les produits. Po

sons plus régulièrement le principe: on estime leur priorité de rang, en raison composée des bases suivantes. 1.o En raison directe de leur concours aux liens d'unité, au jeu de la mécanique sociale:

2.o En raison mixte des obstacles répugnans ;

3.o En raison inverse de la dose d'attraction et d'engrenage que peut fournir chaque industrie.

1.° Titre direct: LE CONCOURS A L'UNITÉ. Le but est de soutenir le lien sociétaire dont on obtient tant de richesse et de bonheur; la série la plus précieuse est donc celle qui, productive ou improductive, concourt le plus ef ficacement à serrer le lien sociétaire. Telle est la série des Petites Hordes, sans laquelle tout le mécanisme de fusion des 3 classes et harmonie intentionnelle, serait impraticable. Cette série est donc la 1. en titre direct, en concours direct aux liens d'unité; elle est de même la 1.re en titre mixte.

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2.o. Titre mixte; OBSTACLES RÉPUG NANS. Tel est le travail des mineurs, des infirmistes et des bonnes. L'obstacle purement industriel est souvent un sujet d'amusement, divers athlètes s'en font un jeu; mais on ne peut pas se faire un jeu d'une répugnance qui fatigue les sens, comme serait le curage d'un égoût, la descente dans une mine on peut surmonter cette répugnance par point d'honneur, par esprit religieux, comme le font les Petites Hordes et les infirmistes; elle n'est pas moins lésion sensuelle, tandis que la fatigue simple et sans dégoût, comme celle d'un ouvrier qui monte sur des noyers et cerisiers, peut devenir amusette, plaisir réel. De là vient que l'ordre sociétaire n'estime et n'admet en priorité de rang que les fatigues répugnantes.

3.o. Titre inverse; DOSE D'ATTRACTION. Plus un travail excite d'attraction, moins il a de valeur pécuniaire; dès-lors l'opéra et le soin des vergers devraient être deux séries de 3. classe ou agrément, car il n'est rien de plus attrayant dans les campagnes, que le soin des arbres à fruit; et dans les villes, que le tripot de comédie, les

intrigues de coulisse: tous les gens riches aiment à s'y faufiler, même à titre d'actionnaires, au risque d'y perdre de bonnes sommes.

La série des vergers est renvoyée au 3. rang, à l'agrément, parce qu'elle n'a de mérite qu'en titre inverse, en forte dose d'attraction; elle ne concourt pas plus à l'unité que les autres fonctions agricoles. Quant à la série de l'opéra, elle concourt à l'unité par des services exclusifs, par sa propriété de former l'enfant à toutes les harmonies matérielles. Cette série est donc précieuse à double titre, en direct et en inverse; elle doit prendre place au 1.er rang dans la catégorie de nécessité.

C'est en combinant bien les trois règles ci-dessus, qu'on parvient à classer exactement les rangs de chaque série en prétentions au dividende pécuniaire alloué au travail. Du reste quelques erreurs sur ce point ne seraient pas un préjudice notable pour la phalange d'essai ; elle compensera ce défaut de méthode par la force des accords intentionnels (8. notice), par le noble orgueil de changer la face du monde, et voir accourir les sages de toutes les régions pour admirer le gerine de l'unité universelle. Observons que cette affluence de curieux rendra à la phalange d'essai une somme de 40 à 50 millions, à n'estimer le prix d'admission que cent francs par jour, subsistance aux frais de chacun.

Je dois redire que les erreurs sur le classement des séries ne préjudicieront point à l'accord collectif, car ces débats subalternes seront absorbés dans la passion générale D'UNITÉISME, chap. XXXII, qui n'est pas connue des civilisés, et qui naîtra chez les harmoniens, dès les premiers jours. Nos philosophes, qui croient connaître toutes les passions, sont comparables à des enfans de dix ans, qui, enchantés de leurs globules de marbre, pensent qu'à l'âge de vingt ans ils n'auront point de plaisirs plus séduisans. Juger des passions d'harmonie par les passions civilisées, c'est imiter un paysan qui n'étant jamais sorti de son nid, croit que le clocher de son village est le plus

beau clocher du monde, et que son curé est le plus savant homme de la terre; quand ce paysan aura vu le monde, parcouru les capitales, il trouvera bien à décomp ter en fait de clochers et de savans.

Il en sera de même des passions futures, et surtout du LIBÉRALISME, dont on profane aujourd'hui le nom sans avoir aucune idée de la chose (Voyez Chapitre XXXV). Parmi ces passions à naître, la principale sera l'unitéisme ou philanthropie réelle, fondée sur la plénitude, la réplétion de bonheur, le besoin de répandre autour de soi le charme dont on est pénétré. Nous voyons une ombre de cette passiou dans les événemens qui remplissent de joie une population entière. Lorsque Troie, après dix ans de siége, est enfin délivrée des assaillans, les Troyens sortent en foule, panduntur porta, juvat ire; l'ivresse est telle que les rangs se confondent, on se félicite réciproquement, on se redit les détails du siége. Ici étaient Achille et les Thessaliens; ici étaient les Dolopes. C'est vraiment l'instant de la fraternité rêvée par les moralistes, c'est une ombre de la passion unitéisme, fusion des classes, réplétion de bonheur, qui régnera sans cesse chez les harmoniens, et qui applanira tous les obstacles relatifs aux accords de répartition. D'ailleurs on va se convaincre que, pour établir l'harmonie dans les partages, il suffit, comme je l'ai annoncé, de l'amour des richesses.

CHAP. XXXIV. De l'accord direct en répartition, ou équilibre par la cupidité.

ENFIN nous arrivons à l'objet principal, à l'effrayant problème d'établir une justice éclatante, une pleine harmonie dans le partage des bénéfices et une rétribution satisfaisante pour chacun selon ses trois facultés indus trielles, travail, capital et talent. Ce prodige tient à élever la cupidité du mode simple au mode composé.

Voici le triomphe de la cupidité tant diffamée par les moralistes; Dieu ne nous aurait pas donné cette passion,

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