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Les condamnés qui ont subi leur peine, et qui | charité volontaire. Ayant satisfait à la justice des rentrent dans le monde, doivent peut-être, à certains égards, exciter davantage la sollicitude de la

absolu n'influe trop fortement sur son existence, on introduit le travail dans la prison. Loin d'être une aggravation de peine, il est pour le détenu un véritable bienfait. Le travail réprime l'oisiveté qui l'a conduit au crime, il allége la charge dispendieuse pour la société de la détention du criminel.

« Les prisons d'Auburn, de Singzing, de Wethersfield, de Boston, de Philadelphie, reposent sur ces deux principes réunis, le travail et l'isolement : l'un est inefficace sans l'autre.

«Dans l'ancienne prison d'Auburn, on a essayé l'isolement sans le travail, et les détenus qui ne sont pas devenus fous, ou morts désespérés, ne sont rentrés dans la société que pour y commettre de nouveaux crimes. A Baltimore, on essaie, en ce moment, le système du travail sans l'isolement, et cet essai ne paraît pas heureux.

«Tout en admettant la moitié du principe, on repousse l'autre. Le pénitentiaire de cette ville contient un nombre de cellules égal à celui des détenus qui y sont renfermés pendant la nuit; mais, pendant le jour, ils communiquent ensemble. Assurément, la séparation de la nuit est la plus importante, mais elle ne suffit pas. Les rapports que les criminels ont entre eux sont nécessairement corrupteurs, et ces rapports doivent être évités, si l'on veut préserver les détenus de toute contagion mortelle.

« Bien pénétrés de cette vérité, les fondateurs du nouveau système pénitencier de Philadelphie ont voulu que chaque prisonnier fût renfermé dans une cellule particulière, le jour comme la nuit. Les prisonniers sont dans l'impossibilité matérielle de communiquer ensemble. Nulle part aussi la nécessité du travail n'est plus absolue. On n'y impose pas le travail; on accorde la faveur de travailler.

« Les fondateurs d'Auburn reconnaissent la nécessité de séparer les prisonniers, d'empêcher entre eux toute communication et de les soumettre au travail; mais les détenus ne sont renfermés dans leurs prisons solitaires que pendant la nuit. Durant le jour, ils travaillent ensemble dans des ateliers communs, mais ils sont assujettis au silence le plus rigoureux. En raison de ce silence, cette réunion n'offre aucun inconvénient et présente beaucoup d'avantages. Elle a le mérite d'accoutumer les détenus à l'obéissance; le détenu a le mérite d'obéir et et il acquiert les habitudes de sociabilité.

« Point de tontine, point de récompenses de bonne conduite, point de travaux improductifs. - Difficulté du travail dans les ateliers isolés de Philadelphie. - Absence de tout pécule, excepté à Baltimore. Aucune machine. On n'enseigne que des métiers utiles et capables de faire vivre le détenu rendu à la société, etc. Les femmes soumises également à la loi de silence, succès obtenu à Wethersfield, etc.

« Le système d'Auburn a pour auxiliaire les châtiments corporels. A Wethersfield, on punit par l'isolement absolu; la privation du jour, du lit, la diminution de la nourriture, etc.

Dans les autres prisons, on pense que l'administration serait impossible sans l'auxiliaire du fouet. Ces châtiments ont reçu la sanction de l'autorité judiciaire et de l'opinion publique.

La Pensylvanic a exclu les châtiments corporels du régime des prisons.

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MM. de Beaumont et de Tocqueville pensent que, sans les châtiments corporels, l'administration des pénitenciers serait extrêmement difficile.

Le régime des pénitenciers d'Amérique est sévère. Tandis que la société des Etats-Unis donne l'exemple de la liberté la plus étendue, les prisons offrent le spectacle du plus complet despotisme.

hommes, ils ne sont pas pour cela absous dans l'opinion. Marqués d'un sceau d'ignominie, ils por

Les instructions religieuses, administrées avec un grand zèle, sont très-efficaces.

Les avantages du système pénitentiaire, aux États-Unis, peu

vent se classer ainsi :

1° Impossibilité de corruption pour les détenus dans la prison; 2o Grande possibilité pour eux d'y prendre des habitudes d'obéissance et de travail qui en fassent des citoyens utiles; 30 Possibilité d'une réforme radicale.

Philadelphie a, sur le premier point, l'avantage sur Auburn. Son système, étant également celui qui produit dans l'âme du condamné les impressions les plus profondes, doit obtenir plus de réformes que celui d'Auburn. Peut-être, cependant, ce dernier système, à l'aide de son régime, plus conforme que celui de Philadelphie aux habitudes de l'homme en société, opère-t-il un grand nombre de ces réformes que l'on pourrait appeler légales, parce qu'elles produisent l'accomplissement extérieur des obligations sociales.

S'il en était ainsi, le système de Philadelphie produirait plus d'honnêtes gens; et celui de New-York, plus de citoyens soumis aux lois.

Les détenus en récidive qui, dans les anciennes prisons, étaient, terme moyen, dans la proportion de 1 sur 6, ne sont, dans les nouvelles prisons, que de 1 sur 20.

Le système de Philadelphie est plus dispendieux que celui d'Auburn. Le système pénitentiaire des États-Unis éprouverait en France de grands obstacles. Théoriquement, il est préférable, mais difficile dans la pratique. Les auteurs proposent : 1° d'établir le système cellulaire dans toute nouvelle prison à construire; 2o de séparer les détenus pendant la nuit ; 3° de prescrire le silence; 4° d'employer les peines suivant le système modéré de Wethersfield; 5o de mettre la législation en harmonie avec les principes du système pénitentiaire; 6o d'établir un pénitentiaire modèle construit sur le plan des prisons d'Amérique et gouverné, autant que possible, selon les règles disciplinaires usitées dans ces prisons.

MAISONS DE REFUGE POUR LES JEUNES GENS DE moins de VINGT ANS.

Elles tiennent le milieu entre la prison et le collége. L'établissement a sur les délinquants tous les droits d'un tuteur. Sur 513 enfants détenus dans la maison de New-York, 200 ont abandonné une vie de désordre et de crimes pour une existence régulière.

Ce système pourrait être appliqué aux maisons de correction.

COLONIES PÉNALES.

La déportation paraît aussi mal appropriée à la formation d'une colonie qu'à la répression des crimes dans la métropole. Il précipite, sans doute, sur le sol que l'on veut coloniser, une population qui n'y serait pas venue peut-être toute seule. Mais l'état gagne peu à recueillir ces fruits précoces, et il eût été à désirer qu'on laissât suivre aux choses leur cours naturel.

La déportation peut concourir à peupler rapidement une terre déserte. Elle peut former des colonies libres, mais noa des sociétés fortes et paisibles. Les vices que nous enlevons à l'Europe ne sont pas détruits, ils ne sont que transplantés sur un autre sol; et l'Angleterre ne se décharge d'une partie de ses misères, que pour léguer à ses enfants des terres australes.

Le nombre des condamnés à mort, en Angleterre, est d'environ 60 par an; tandis que dans les colonies australiennes, régies par la même législation et peuplées de 40,000 habitants, on compte, dit-on, de 15 à 20 exécutions à mort chaque année.

tent partout l'épouvante; la défiance les accueille, lors même qu'ils demandent à vivre du travail honnête, et trop souvent l'excès du besoin les pousse de nouveaux vers le crime.

Une association qui chercherait à leur procurer les moyens de prouver leur repentir, d'effacer la

honte de leur vie passée, et de donner de sûres garanties de leur conduite à venir, réaliserait une pensée généreuse et sociale. Nous indiquerons plus tard comment des institutions agricoles, spéciales à cette classe d'indigents, pourraient seconder les efforts d'une société charitable formée en sa faveur.

CHAPITRE XXIV.

DES INSTITUTIONS DE CHarité volontaire pour L'EXTINCTION DE LA MENDICITÉ.

La question de répression de la mendicité embrasse deux classes d'individus qu'il ne faut pas confondre. Les mendiants valides et les mendiants hors d'état de pourvoir à leur subsistance. Les premiers nous paraissent former une catégorie d'exception pour laquelle l'intervention de la législation est nécessaire, et dont nous nous occuperons dans la partie de cet ouvrage consacrée à l'examen des modifications que les lois sur la mendicité seraient susceptibles de recevoir.

A l'égard des mendiants hors d'état de travailler, ou dépourvus de travail, nous devons continuer à invoquer en leur faveur les bienfaits de la charité volontaire. Nous avons exposé déjà les motifs impérieux qui obligent à tolérer la mendicité chez ceux de ces infortunés qui n'ont pu être placés dans des établissements charitables; mais si les lois pénales ne peuvent les atteindre avec justice, la charité peut proscrire leur mendicité, en leur offrant des moyens d'existence qui seraient la condition et le prix de leur changement de profession.

Il est, en effet, au pouvoir de chaque ville et même du plus petit village, d'imiter ce qui s'est fait avec succès dans plusieurs cités considérables du royaume, et ce que quelques propriétaires charitables et riches ont entrepris dans leurs terres. Il suffit pour cela de centraliser et d'utiliser avec intelligence les aumônes faites aux mendiants d'habitude, c'est-à-dire de convertir en travail ou en secours à domicile (appropriés à l'âge, au sexe, aux infirmités, enfin aux véritables besoins physiques et moraux, et donnés à la condition expresse de ne plus mendier), des charités arrachées le plus souvent à l'importunité, dont le véritable emploi demeure inconnu, et sert souvent, dans les villes, nourrir l'oisiveté et la débauche.

Punir par le travail la mendicité volontaire et coupable; secourir par le travail et par la charité la mendicité innocente.

Pour atteindre ce but, on pourrait former dans chaque commune une association bienfaisante à la tête de laquelle se placeraient MM. les ecclésiastiques et des personnes charitables pieuses.

Cette association s'occuperait : 1° d'établir la liste exacte et régulière des mendiants de la paroisse ; 2o de faire prendre à tous ses membres l'engagement de ne plus donner directement au mendiant, et de confier la distribution de leurs aumônes annuelles au comité charitable de la paroisse; 3o de faire un appel à la générosité de tous les autres habitants en sollicitant d'eux des souscriptions annuelles, approximativement égales au montant habituel de leurs aumônes, en leur offrant pour compensation l'abolition de la mendicité; 4o de décider, d'accord avec le comité charitable, qu'aucune famille qui comptera désormais un mendiant parmi ses membres ne participera à aucune distribution de secours.

Si ces moyens simples et faciles s'employaient dans toutes les paroisses, il est indubitable que la mendicité finirait par s'éteindre d'elle-même. Mais il faut, avant tout, un concours de volontés et d'efforts que l'esprit d'association et les progrès de la science de la charité peuvent seuls réaliser. Il faudrait surtout que les ministres de la religion et de la charité voulussent contribuer, par leurs exhortations, à la suppression absolue des aumônes individuelles, dans les rues, aux portes des églises, et à celles des maisons particulières. Il nous semble que la religion ne saurait improuver cette suppression qui serait juste et morale, dès qu'il aurait été pourvu d'une manière assurée et plus efficace aux besoins des mendiants. Ainsi, on verrait disparaître, dans les villes et dans les campagnes, ces troupes de pauvres que l'on voit souvent arriver à jour

fixe pour solliciter une distribution d'argent: usages funestes qui, en donnant aux mendiants la mesure de leur nombre et de leurs forces, leur donnent aussi celle de l'exigence à laquelle ils peuvent se li

vrer.

Quant à l'influence que les grands propriétaires peuvent exercer à cet égard dans les communes rurales, nous citerons ici l'application ingénieuse faite par un de nos meilleurs et plus utiles citoyens, d'un système fondé sur l'observation du cœur humain et des mœurs particulières de la classe indigente; nous le laissons parler lui-même (1).

« La mendicité répugne lorsque la misère commence à peine; l'indigent ne s'y résout que lorsque tout autre secours lui manque, c'est-à-dire lorsqu'il devient assez à charge à sa famille pour être renvoyé par elle à la charité publique.

« La famille, de son côté, n'oublie les sentiments naturels, qui lui commandent de secourir un de ses membres, que lorsque le besoin l'y condamne, c'està-dire lorsque sa propre misère ne lui permet plus de lui donner de secours suffisants. Elle se décide alors à s'en décharger en entier en l'envoyant mendier.

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Cependant (et c'est ici que je crois avoir trouvé le véritable point de la question et l'unique solution du problème) cette même famille est la seule autorité dans le monde qui puisse influencer les actions du mendiant. C'est elle seule qui lui a dit: Va mendier, je ne puis rien pour toi. C'est elle seule qui peut lui dire : « Reviens, j'aurai soin de toi; » elle seule, offrant au mendiant, sous le toit qui l'a vu naître, un asile qu'il connaît et qu'il aime, peut lui faire perdre l'habitude qu'il a contractée.

« Supposez, épuisez toutes combinaisons possibles, et vous reconnaîtrez que la famille seule peut avoir action sur le mendiant, et que c'est au sein de sa famille seulement que la société a marqué sa place quand elle veut qu'il ne mendie plus. »

Pour parvenir à ce que la famille reprit volontairement cette charge, M. de Vindé comprit qu'il fallait lui en fournir les moyens. A cet effet, et sans s'occuper du mendiant, il se borna à donner des secours à sa famille, en lui imposant, pour condition unique, la cessation de la mendicité de la part de celui qui s'y livrerait.

Les secours réguliers consistèrent en distribu

(1) Lettre de M. le comte Morel de Vindé, pair de France, à M. Teissier, de l'Institut. Annales d'agriculture, 1826, no 2, page 85,

tions hebdomadaires et proportionnelles de rations de pain et de pommes de terre, à quelques vêtements pour les enfants et à des soins suffisants en cas de maladie, le tout sur la présentation du maire et du bureau de bienfaisance.

<< En annonçant publiquement ces secours, dit M. de Vindé, on fit connaître qu'ils ne seraient jamais délivrés à aucune famille dont un des membres mendierait.

α

« Un mois ne s'était pas écoulé que les mendiants de la commune ne l'étaient déjà plus, et nul habitant de la même commune n'a mendié depuis vingt ans (de 1804 à 1825).

« Une aussi longue expérience prouve que l'on était parti d'un principe profondément vrai en pensant que, non-seulement la famille avait action sur le mendiant, mais que cette action était toute puissante. La crainte d'être privée de secours certains a subitement déterminé la famille à rappeler son mendiant, et le mendiant a subitement obéi à cet appel.

« Auparavant, la famille endurcie par la misère et l'exemple commun, ne rougissait pas d'abandonner l'aïeul, le vieux père ou le frère infirme, et de l'envoyer mendier. Depuis vingt ans, comme on en a perdu l'habitude, on en a acquis la honte. L'opinion s'est rétablie en faveur du respect filial ou de l'amour fraternel, et la bienveillance de famille a surpassé tout ce qu'on avait osé en attendre. »

Ce remarquable exemple d'une bienfaisance éclairée suffirait pour faire apprécier aux grands propriétaires combien serait noble, utile et politique la résolution de vivre désormais dans leurs terres, pour y répandre autour d'eux l'aisance, les lumières et la pratique des vertus. Éloignés aujourd'hui, en général, des fonctions publiques, qu'ils conservent, du moins, le privilége de la charité et reprennent par elle le rang que la raison et la justice leur assignaient dans la hiérarchie sociale! Qu'ils soient la providence visible des populations. qui les entourent! C'est la véritable destinée des hommes que le sort a investis des richesses de la terre. Elle est bien au-dessus de tout ce que l'ambition et les passions humaines pourraient leur faire espérer ailleurs, et si jamais ils étaient appelés de nouveau à diriger les affaires de l'état, ils auraient puisé, à cette école, l'expérience et les principes qui, seuls, peuvent guider sûrement les hommes condamnés à cette grande responsabilité morale.

CHAPITRE XXV.

RÉSUMÉ DU NOUVEAU SYSTÈME D'ORGANISATION DES SECOURS EN FAVEUR DES INDIGENTS.

Ici s'arrête l'exposé des moyens qui nous paraissent propres à diriger, avec plus d'action, d'harmonie et d'efficacité, les efforts de la charité légale et de la charité volontaire. Jetons un regard sur l'ensemble de ce nouveau système de secours.

Il comprend trois grandes catégories d'indigents:

1o Les pauvres hors d'état de travailler;

2o Les pauvres qui manquent de travail ou d'un salaire suffisant.

3o Les pauvres qui se refusent au travail.

Aux uns, il assigne les hôpitaux, les hospices et les établissements spéciaux; aux autres, des secours libres volontaires, choisis et distribués avec discernement, et sous des conditions justes et réciproques.

L'administration de la charité légale, dans le royaume, est confiée à l'autorité d'un haut fonctionnaire ecclésiastique, investi du titre de grandaumônier de France et entouré d'un conseil composé des hommes les plus éclairés et les plus charitables de la nation. Dans chaque département, dans chaque arrondissement, dans chaque commune, une autorité correspondante et des conseils de charité départementaux, d'arrondissement et communaux. exercent les mêmes attributions, sous la direction de la grande-aumônerie nationale. La gestion des établissements de charité demeure entre les mains de l'autorité civile et des commissions administratives actuellement établies.

Des auditeurs placés près des commissions administratives sont appelés à former une pépinière d'administrateurs charitables éclairés.

Des visiteurs des pauvres, des deux sexes, sont créés pour être partout les ministres de la charité volontaire.

Secours à l'impuissance et au défaut de travail. Travail et charité à tous les indigents.

Enfin, des sociétés libres de charité sont créées pour appliquer les lumières et la force de l'esprit d'association au soulagement matériel et moral de tous les genres d'infortune et d'indigence. Si nous ne nous abusons pas, ce système ne saurait manquer d'appeler la confiance, de réveiller l'esprit de charité, et de parvenir à faire disparaître, autant qu'on peut raisonnablement l'espérer, une partie des causes et des effets de la misère publique; nous disons une partie seulement, car nous ne pouvons nous dissimuler qu'une amélioration complète exigerait la régénération totale de la société humaine. Or, ce triomphe de la charité appartient seulement à la puissance divine qui, sans doute, en a réglé l'époque, comme elle en a choisi d'avance les instruments. Du moins, nous avons la certitude que nos propositions sont conformes aux vérités qu'elle à révélées aux hommes, aux lois sociales qu'elle a établies, aux vertus qu'elle recommande. Nous pouvons donc espérer que notre système, introduiappliqué avec sagesse et persévérance, rait dans le sort des indigents des améliorations qui pourraient successivement s'accroître, se développer et se compléter. Mais tout ne sera consommé que lorsque chaque membre de la société voudra accomplir, autant qu'il est en lui, les deux grandes lois fondamentales de l'ordre social et du christianisme, le travail honnéte et la charité.

« Le mal a été, jusqu'à ce jour, dans nos systèmes économiques, dans notre éducation aride et personnelle, dans nos habitudes anti-sociales, dans notre égoïsme; il dépend de nous de le perpétuer et de l'aggraver. Mais craignons, dans ce cas, des conséquences désastreuses; c'est l'épée de Damoclès suspendue sur nos têtes. Il dépend de nous de le

Des aumôniers ecclésiastiques, dans chaque pa- diminuer, d'en tarir les sources. roisse, dirigent les visiteurs des pauvres.

Le soin des malades, l'enseignement des enfants indigents, sont exclusivement confiés à des congrégations religieuses et charitables.

« Le moyen est simple: le remède, si l'on veut l'employer, est facile; il est le même pour une rue que pour un quartier, pour une ville que pour une province, pour un royaume que pour le monde entier.

Il est à la portée de tous les hommes, sans distinction de rang, de fortune, de profession, d'âge, de culte et d'opinion. Il est indépendant des formes de gouvernement, des temps, des lieux et de événements. Partout où on l'a essayé, il a réussi à diminuer les maux présents; il a prévenu ceux à venir. Ce moyen, le voici :

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Voisin, secourez votre voisin malheureux. Si, comme lui, vous tombez un jour dans la misère, il vous tendra à son tour une main secourable. Parcourez d'abord votre propre maison; si aucune infortune ne sollicite vos pas, allez frapper à la porte voisine. Avant de sortir de la rue que vous habitez, visitez-en toutes les demeures. Puis, si vous en avez le temps et le pouvoir, étendez le cercle de de votre mission; mais, autant que possible, ne dépassez pas votre quartier ; c'est pour trop s'éparpiller, c'est pour vouloir trop embrasser, que les efforts les plus louables demeurent sans résultats. Si vous n'avez pas de fortune, n'importe; il vous reste des consolations et des conseils à donner. N'apportant que votre bon cœur et votre désintéressement, peut-être serez-vous mieux accueilli, peutêtre opérerez-vous plus de véritable bien que si vous aviez la bourse pleine d'or. Si une maladie ou la nature de vos occupations s'opposent impérieusement à ce que vous remplissiez ce devoir, chargez-en vos enfants ou l'un de vos amis.

« Si cette ressource vous manque, adressez-vous à l'une des associations charitables qui ne sont instituées que pour suppléer à l'absence des secours particuliers.

« Ce plan est celui de la nature, celui de la divine Providence qui a placé le faible à côté du puissant, le pauvre à côté du riche, l'infortuné à côté de l'homme heureux, comme elle a placé le chêne à côté du lierre pour lui servir de soutien, le protéger, le garantir contre l'aquilon. »>

Ce passage remarquable, que nous empruntons au Philanthrope de Bruxelles, résume parfaitement le devoir de chaque homme que la Providence appelle en effet à devenir visiteur des pauvres.

Il serait complet, s'il avait donné à la religion chrétienne et à l'esprit d'association la part qui leur reviennent dans l'excitation et dans la pratique efficace de la charité. Oui, sans doute, le devoir de chaque homme est de secourir son semblable, de le visiter et de le consoler. Mais qui lui inspirera la volonté, le besoin et la force de l'accomplir, si ce n'est le sentiment religieux? Et, dans l'accomplissement même de ce devoir, quel appui, quelles lumières ne reçoit-on pas de l'association charitable! Dieu est avec les deux ou trois personnes qui s'assembleront en son nom; c'est une vérité éternelle. De même que la prière commune est plus

vive et plus efficace, de même l'association de la charité sera plus animée et plus puissante. Soyons tous les visiteurs individuels des pauvres, mais réunissons-nous pour pouvoir les soulager tous; ne perdons pas le mérite de la charité privée, mais obtenons les avantages de la charité collective. D'ailleurs, celle-ci n'exclut pas l'autre, il s'en faut. Combien de fois la charité d'association n'aura-telle pas recours à la charité de l'individu!

Ce serait même une pensée heureuse et féconde que celle de faire servir l'esprit d'association à la pratique éclairée de la charité individuelle.

Par exemple, les conseils de charité paroissiaux, les sociétés de bienfaisance, pourraient s'attacher à trouver, pour chaque indigent ou ménage pauvre, une ou deux familles patronesses qui se chargeraient d'exercer à leur égard un ministère de paternité charitable.

A cet effet, on présenterait successivement à chacune des familles riches ou aisées de la paroisse le tableau des ménages pauvres à soulager; on l'inviterait à se charger, ou seule ou de concert avec d'autres familles, de secourir un de ces ménages ou l'un de ses membres, à son choix; on lui remettrait en même temps une instruction sur la nature de ses engagements, sur la direction à donner à sa charité, et sur le compte qu'elle aurait à rendre périodiquement de la situation de la famille indigente qu'elle aurait adoptée pendant un temps déterminé.

<< Oh! quelle belle institution, s'écrie M. Degérando, si l'on parvenait à faire en sorte que chaque famille pauvre eût à côté d'elle une famille aisée, à la protection de laquelle elle se trouvât ainsi confiée, et qui devînt pour elle une providence sensible ! »

Là serait sans doute la complète solution du grand problème de l'extinction de la misère. Mais cette pensée devrait-elle donc être reléguée au rang des illusions et des rêves de l'homme de bien?

Le vertueux philanthrope que nous venons de citer a calculé que les 27,000 ménages d'indigents de Paris pourraient être aisément placés dans les combles de 27,000 maisons habitées par des personnes riches ou aisées de la capitale.

En France, où la proportion des véritables pauvres est de 1 sur 20 habitants, il ne s'agirait donc que de réunir les secours de vingt familles ou ménages riches ou aisés en faveur d'un ménage d'indigents. Quel noble but offert à la charité!

Ainsi une association de bienfaisance, d'abord générale, pourrait se subdiviser en aggrégations de familles, de manière à atteindre chaque infortune tout serait dès lors simplifié. La charité reprendrait son individualité; la force, la sagesse et

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