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les lumières des associations aboutiraient à la vertu modeste et pratique de l'homme charitable!

Mais ce résultat admirable, c'est en vain que nous l'attendrions d'une autre source que de l'empire des sentiments religieux. Qui préparera les cœurs aux fonctions touchantes de visiteurs des pauvres et à l'adoption volontaire de l'indigence, si ce n'est la voix auguste d'une religion d'amour et de charité? L'esprit religieux peut seul, en effet, inspirer l'abnégation, le désintéressement, les sacrifices, la charité ardente et persévérante qu'exigent de telles obligations. Il faut donc que la société devienne religieuse avant tout; il faut que le chris

tianisme pénètre dans tous les cœurs, et s'empare surtout de l'enfance, à son début dans la vie, pour le guider dans le reste de son existence. C'est sur cette base que nous avons fondé tout notre système. En effet, si tous les cœurs étaient véritablement chrétiens, quelle misère demeurerait sans secours! où trouverait-on un pauvre abandonné, si l'esprit de charité avait plané sur chaque cabane d'indigents?

Nous terminons ce livre par le tableau des dépenses occassionnées par le nouveau système de secours en faveur des indigents en état de travailler.

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LIVRE SIXIÈME.

DE LA RÉVISION DES LOIS SUR LES PAUVRES.

CHAPITRE PREMIER.

DE LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉVISION DES LOIS SUR LES Pauvres.

Dans l'état actuel de notre législation, tout ce qui concerne le droit des pauvres à l'assistance publique est encore vague, indéterminé et incomplet. Les anciennes ordonnances de nos rois, concernant les secours à donner aux indigents sont tombées en désuétude, plutôt qu'elles n'ont été formellement abrogées. La législation moderne n'est explicite qu'à l'égard des mendiants et des enfants trouvés. Des règlements particuliers ont pourvu, il est vrai, à l'administration des établissements de charité, à la gestion des biens des pauvres, au mode d'organisation des secours publics, à l'acceptation des dons et fondations charitables, à certains prélèvements opérés sur les produits des spectacles et des octrois en faveur des indigents, aux fonds de non valeurs pour couvrir des cotes irrecouvrables, et aux contributions qui pouvaient, en certains cas, être prélevées sur les revenus communaux et départementaux pour des distributions de secours en ateliers de charité, ou sous une autre forme; mais nulle part on ne trouve de solution sur le droit absolu ou relatif des pauvres à l'assistance publique, ni sur l'exercice et la limite de ce droit.

Cependant, indépendamment des institutions spéciales, et dont la destination est déterminée, il existe des hospices et des revenus affectés à la généralité des pauvres d'une ville ou d'un canton. Dans quel ordre, à quelles conditions ces revenus doivent-ils être distribués? à quelle catégorie de pauvres les hospices seront-ils affectés de préférence? Toutes ces questions, demeurées pour la plupart indécises, sont livrées, en quelque sorte, à l'arbitraire des commissions administratives; et comme tous les pauvres dont les droits semblent

Les mœurs sont l'ouvrage des lois, et le bonheur public l'ouvrage des mœurs. (MALESHERBES.)

égaux d'ailleurs ne peuvent à la fois participer à ces secours, il en résulte nécessairement des préférences et des faveurs qui, sans doute, ne sont point injustes et abusives; mais qui pourraient le devenir, puisque rien ne garantit, à cet égard, de la partialité et du caprice des administrateurs.

Puisqu'il existe une charité légale, puisqu'il existe des biens destinés exclusivement aux pauvres, il en résulte nécessairement des droits dont il convient de déterminer la nature et de régler l'exercice. Or, une loi seule peut remplir la lacune que nous signalons.

D'un autre côté, nous avons fait remarquer déjà combien la législation sur les mendiants était vicieuse, et illusoire, depuis la suppression des dépôts de mendicité.

Le système de secours adopté en faveur des enfants trouvés excite également, à juste titre, des plaintes graves et presque universelles. Enfin, la législation actuelle concernant les ouvriers n'offre, à cette classe nombreuse, aucune protection contre la cupidité et le despotisme des entrepreneurs d'industrie; nulle précaution n'est prise pour garantir aux individus employés dans les manufactures la santé, la moralité, l'instruction et la prévoyance.

Toutefois, la société tout entière a un grand intérêt à prévenir toutes les causes immédiates ou éloignées de l'indigence et de la démoralisation. Or, c'est aux pouvoirs qui la représentent à protéger et à défendre cet intérêt, car ils en ont le droit, comme ils en ont le devoir.

De ces considérations dérive la nécessité de reviser, sous divers rapports, la législation actuelle concernant les pauvres et les classes ouvrières et indigentes.

Pour procéder avec fruit à cette révision, nous pensons qu'il conviendrait d'établir, auprès du ministère de la justice, une commission composée de pairs de France, de députés, de conseillers d'état, de magistrats et de citoyens éclairés, laquelle se livrerait à l'examen de la législation ancienne et moderne, provoquerait, s'il y avait lieu, des enquêtes sur l'état actuel des pauvres, des mendiants, des classes ouvrières, etc., et préparerait les pro

jets de lois dont la nécessité, la convenance et l'utilité auraient été démontrées.

C'est à cette commission, dont nous supposons que la formation aurait été adoptée, que nous allons soumettre les observations suggérées par la nature des choses, par l'état actuel de la législation, par l'expérience des faits, et par les écrits de quelques publicistes dont l'autorité ne saurait être dédaignée.

CHAPITRE II.

DES LOIS RELATIVES AU SOULAGEMENT DES PAUVRES.

Res sacra miser.

«La société doit des secours à l'homme privé des moyens de pourvoir à son existence. Mais dans quelles limites ces secours doivent-ils être restreints? suivant quel système doivent-ils être administrés pour ne pas grever la société d'une charge trop pesante, et pour ne pas encourager l'oisiveté? C'est un problème qui, depuis longtemps, a fixé l'attention des hommes d'état, des personnes vouées au bien public, et dont la solution est loin d'être complète.

« Il ne suffit pas, pour la résoudre, d'examiner, en remontant à l'origine de la société, quels sont les droits du pauvre. Des principes vrais en euxmêmes, des théories spécieuses et très-brillantes, peuvent conduire, dans leur application, à des conséquences funestes et à de résultats tout à fait contraires au but proposé.

« L'assemblée constituante avait chargé un de ses comités de lui présenter un plan pour l'extinction de la mendicité et l'administration des secours publics. Les rapports de ces comités, ainsi qu'on a pu en juger par ce que nous avons cité, sont dignes d'intérêt. Ils respirent l'amour de l'humanité.

sait? Le soulagement de l'indigence étant une dette nationale, tous les fonds destinés à secourir les pauvres étaient remis entre les mains de l'état, et l'état devait pourvoir, sur les revenus publics, aux secours nécessaires pour assurer l'existence des enfants, des vieillards et des malades, et pour suppléer, à l'égard des pauvres valides, au manque du travail ou à l'insuffisance de son produit.

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Quelque audacieuse qu'elle ait été dans ses créations, l'assemblée constituante redouta les suites de son système. Ce ne fut que sous la convention que des lois furent rendues sur des bases analogues. Les orages révolutionnaires permirent à peine d'en essayer l'exécution, et bientôt après elles furent rapportées. Mais un semblable système eût-il été adopté dans des temps de tranquillité, que ses résultats en auraient été funestes. On aurait vu peu à peu la charité renoncer à des bienfaits dont elle n'aurait plus eu le pouvoir de déterminer l'application : le pauvre, assuré d'obtenir du gouvernement des moyens d'existence, ne plus les chercher dans l'emploi de ses forces et de son industrie ; le nombre des indigents s'accroître pro

plier dans la même proportion; l'urgence et l'étendue des besoins entraîner le gouvernement malgré lui à augmenter les ressources destinées à y faire face, et enfin cette dépense toujours croissante menacer d'absorber les revenus de l'état et de le conduire à sa ruine.

Ils renferment des documents précieux, de judi-gressivement, les demandes de secours se multicieuses observations, des vues utiles et lumineuses; mais le comité y posa pour premier principe, et comme base de tout son système, que le soulagement de l'indigence était une dette nationale que l'état devait acquitter directement. Ce principe est développé avec éloquence dans les rapports du comité, et il était facile de l'appuyer sur des considérations puisées dans les sentiments les plus nobles et les plus patriotiques. Mais quelles étaient les conséquences que le comité lui-même en dédui

« En Angleterre, on est parti d'un point différent, et les suites n'en ont été pas moins fàcheuses. On a posé en principe que chaque paroisse devait pourvoir aux besoins de ses pauvres. Ce principe

accordés que dans des circonstances rares et tout fait exceptionnelles.

n'avait rien que de juste en soi; mais on en a con-
clu que si les contributions volontaires des parois-à
siens n'étaient pas suffisantes pour subvenir à ces
besoins, il fallait suppléer à cette insuffisance par
une taxe forcée. Les administrateurs des pauvres
ont été chargés d'imposer et de régler cette taxe,
de concert avec le juge de paix. Aucune limite n'a
été fixée, et toutes celles que la prévoyance a pu
poser ont été franchies.»

Ces observations appartiennent au judicieux traducteur des rapports présentés, en 1817 et 1818, à la chambre des communes d'Angleterre par le comité chargé de l'examen des lois relatives aux pauvres (1). On les trouve dans la préface dont il a fait précéder sa traduction, et où il établit le parallèle de l'administration des secours publics en France et en Angleterre.

Pour nous, qui pensons, avec Malthus, que la véritable économie politique n'admet aucun principe absolu et ne vit que de justes proportions, et qui reconnaissons, d'ailleurs, le travail et la charité comme les premières lois sociales de l'univers, nous donnerons sans hésiter, lors même que les résultats ne viendraient pas forcer notre choix, nous donnerons, disons-nous, une juste préférence à la législation française, par cela seul qu'elle nous semble plus conforme aux principes d'une véritable charité. Toutefois, elle est évidemment incomplète dans ses dispositions et abusive dans la pratique. Ce vice tient, selon notre opinion, à ce que l'on n'a pas assez distingué les diverses catégories des pauvres, leurs besoins et le degré auquel ils méritent d'exciter la charité; à ce que l'on a trop accordé à l'esprit de système, et séparé le droit de la nécessité, qui, dans cette matière, constitue le droit. Nous croyons donc qu'un nouveau système, qui serait un moyen terme entre des principes absolus, pourrait être proposé avec confiance et em

Nous regrettons que ce publiciste éclairé, auquel nous avons emprunté des notions précieuses, n'ait pas donné à son travail tout le développement dont il était susceptible. Nous nous sommes efforcés d'y suppléer dans l'exposé historique de la législation française et anglaise sur les pauvres. Nous chercherons à traiter ici les questions qu'il n'a que lé-ployé avec succès. gèrement indiquées.

Il existe en ce moment deux systèmes de secours à l'égard des pauvres.

Le premier admet le droit légal des pauvres à l'assistance publique ; il entraîne la nécessité d'une organisation générale et complète de secours en faveur de tous les individus, sans exception, qui éprouvent les rigueurs de l'indigence. C'est celui que l'on a adopté en Angleterre, et qui s'applique au moyen d'une contribution forcée, prélevée en faveur des pauvres. Le second ne reconnaît qu'une obligation de charité toute volontaire et facultative, qu'il s'agit plutôt d'exciter et de diriger que d'imposer légalement.

Ce système est, en principe, celui qui domine la législation actuelle française. Cependant, il est sensiblement et tacitement modifié, par le fait, dans son application générale, et semble participer, quelques égards, du principe qui forme la base des lois anglaises.

L'économie politique moderne réunit l'un et l'autre système dans une commune réprobation. Écartant les motifs religieux et charitables de cette question, elle n'aperçoit, dans les secours accordés à l'indigence, qu'un encouragement à la population, à l'oisiveté et à l'imprévoyance. Elle veut que, dans l'ordre social, chaque individu fasse lui-même sa destinée, et que des secours ne soient

(1) Rapports sur les lois relatives aux pauvres en Angleterre, traduits de l'anglais. Paris, chez Delaunay, 1818.

La principale question à approfondir est sans doute celle du droit des pauvres à l'assistance légale. La solution de celle-ci doit, en effet, jeter de grandes lumières sur toutes les autres.

Examinons cette question sous ses rapports religieux et civils.

Aux yeux de la religion et de la morale, tout homme est tenu, lorsqu'il en a` la puissance, de pourvoir, par son travail, à sa subsistance et à celle de sa famille. L'ordre et la nature des sociétés comportent la même obligation.

Mais puisque la Providence a permis que certains hommes fussent frappés de l'impuissance de travailler, il fallait à leur égard d'autres lois religieuses et sociales. La loi religieuse s'est révélée dans la charité, dans cette obligation de secours qui doit être donné en premier lieu par le père, le fils, le proche parent, et, à défaut, par le prochain; secours qui doivent, à la vérité, être accordés d'une manière libre, volontaire, fraternelle, pour devenir un mérite devant Dieu, mais qui n'en sont pas moins obligatoires et sacrés devant les hommes.

La loi civile pourrait-elle n'être point d'accord à cet égard avec la loi religieuse? Nous ne le pensons pas.

« A parler rigoureusement, dit M. J.-B, Say, la société ne doit aucun secours, aucun moyen de subsistance à ses membres. En se réunissant à l'association, en lui apportant sa personne, chacun est censé lui apporter ses moyens d'existence. Celui qui se présenterait à elle sans ressources serait

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