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CHAPITRE IV.

DE LA RÉVISION DES LOIS RELATIVES A L'INFANTICIDE, A L'EXPOSITION DES ENFANTS, ET AUX ENFANTS TROUVÉS.

Les lois relatives à l'infanticide et à l'exposition des enfants se rattachent trop essentiellement à celles qui concernent les enfants trouvés, pour qu'on puisse les séparer dans un examen approfondi.

Évidemment l'intention de prévenir l'infanticide et l'exposition domine toute la législation française sur les enfants trouvés. Ce but est charitable, religieux, digne d'éloges. La question est de savoir s'il a été complétement atteint, et si les moyens adoptés n'ont pas fait naître un surcroît de maux et de crimes que l'on aurait à déplorer amèrement.

Nous avons donné des notions étendues sur les institutions relatives aux enfants trouvés et sur la législation dont ils sont l'objet (1). Nous nous bornerons à retracer ici quelques considérations qui leur servent de complément.

Un sentiment de honte, poussé jusqu'à l'exaltation, paraît être, en général, le seul mobile qui puisse porter une mère à détruire l'être qu'elle a ́conçu ou qu'elle vient de mettre au monde. La

vité, pour la France, depuis les nombreuses coalitions qui se sont formées dans la capitale et dans les provinces, dans le courant de l'année 1833. De toutes parts on a senti combien l'absence des institutions qui jadis protégeaient le sort des ouvriers, en régularisant l'expression de leurs besoins et de leurs vœux, est devenue funeste et exige des remèdes appropriés à la situation actuelle.

Nous avons vu avec intérêt plusieurs écrivains partager nos idées sur cet objet important, et la presse périodique réclamer avec nous une amélioration devenue urgente. Nous citerons un extrait du Journal du Commerce, du 27 novembre 1833:

« M. L. D., dans un article remarquable, propose aux fabricants et aux maîtres: 1° d'accorder à leurs ouvriers un supplément de salaire, à la charge de le mettre en réserve dans une caisse d'épargnes, et à la condition que chaque ouvrier prendra, dans sa journée de travail, une réserve au moins égale, versée dans la même caisse, et que cette double ré

A leur naissance, incertains d'un berceau, D'une goutte de lait, d'un abri, d'un lambeau Qui de leurs membres nus écarte la froidure! Ah! que la pitié parle où se tait la nature ! Conquérez à l'état ces enfants malheureux; Que l'école des arts soit ouverte pour eux. (DELILLE.)

crainte de l'opprobre et de l'infamie l'emporte alors sur une des lois les plus sacrées de la nature. Aussi, comme on l'a remarqué, ce sont précisément les pays où les lois sur la chasteté sont le plus sévères, et où le déshonneur suit de près leur infraction, qui fournissent les exemples les plus nombreux de l'infanticide ou de la destruction de l'enfant avant sa naissance.

Quelquefois l'extrême misère s'unit à la honte pour étouffer à ce point le sentiment maternel et religieux; mais la misère seule ne semble pas suffire pour porter à l'infanticide.

Il est néanmoins des faits dans l'histoire des peuples qui, au premier abord, sembleraient en quelque sorte contredire cette opinion et justifier l'idée révoltante que la destruction de son propre enfant tiendrait uniquement à une dépravation du cœur humain. Plusieurs voyageurs assurent que ce crime est très-commun chez divers peuples de sauvages, même parmi les femmes mariées.

Platon et Aristote recommandent de faire servir

serve, placée en rentes sur l'état, ne soit aliénable que dans des cas appréciés par le tuteur officieux, le maître ou l'entrepreneur ;

a 2o D'offrir à leurs ouvriers une tutelle officieuse;

« 3o De se réunir pour examiner quelles sont les institutions qu'il faudrait créer pour protéger partout les travailleurs et prévenir, soit le défaut de travail, qui a fait naître l'absurde taxe des pauvres, soit la trop grande baisse de cette matière première qui fait que l'ouvrier trouve à peine, dans le prix de la journée, à satisfaire les besoins d'un jour. »

Ces vues sont fort sages; mais, pour pouvoir les réaliser avec succès, il faudrait, avant tout, que le salaire de l'ouvrier fût assez élevé pour pouvoir permettre le prélèvement destiné à l'épargne. Or, nous avons démontré qu'en général le salaire des ouvriers attachés aux grandes entreprises industrielles suffisait à peine au strict nécessaire.

(1) Voir les chapitres XI du livre III, et VI du livre IV.

ce moyen au maintien d'un juste équilibre de la population. Juvénal se plaint en ces termes d'une odieuse coutume des dames romaines:

«Sed jacet aureato vix ulla puerpera lecto,
Tantum artes hujus, tantum medicamina possunt,
Quæ steriles facit, atque homines in ventre necandos.

Les peuples guerriers et républicains, considérant comme nuisible un grand accroissement de population, regardaient l'infanticide comme un mal nécessaire. Aristote prétend que, dans une république, on doit fixer le nombre des citoyens et empêcher qu'on n'élève des citoyens faibles ou contrefaits. Lycurgue avait transformé en loi cet horrible précepte. Strabon rapporte que les habitants de Cathéa soumettaient, à l'âge de deux mois, leurs enfants à l'inspection d'un magistrat qui choisissait les plus robustes et condamnait les autres à périr. Les Celtes plaçaient leurs nouveaux-nés sur un bouclier qu'ils exposaient au courant d'un fleuve, et ne regardaient comme légitimes que ceux respectés par les flots.

Ces usages cruels et ces maximes d'une politique barbare cédèrent à l'influence du christianisme. Déjà Alexandre-Sévère avait limité, chez les Romains, le droit de vie et de mort que les parents s'arrogeaient sur leurs enfants. Constantin-leGrand fit plus, il ordonna aux villes d'Italie et d'Afrique de secourir les parents qui déclareraient ne pas pouvoir nourrir leurs enfants et établit des peines capitales contre l'infanticide. Vers la même époque, le concile d'Elvire exclut à jamais de la participation aux sacrements les mères convaincues d'avoir, avec préméditation, détruit leur enfant avant sa naissance. Le concile d'Elvire, en 314, et celui de Lérida, en 524, décrétèrent contre ce crime, l'un une pénitence de dix années, et l'autre une pénitence de sept ans avec interdiction des sacrements. Le concile de Constantinople, en 592, assimila ce crime à l'homicide. Enfin, le concile de Mayence, en 847, confirma les canons d'Elvire et de Lérida. Sixte-Quint, par une bulle du 16 novembre 1588, et Grégoire XIV, par une bulle du 9 juillet 1591, veulent que la peine capitale soit appliquée aux coupables. Le premier de ces pontifes prononce l'irrégularité éternelle contre tout prêtre, et l'excommunication contre tout laïque, complices du crime. Sixte-Quint s'était réservé, à lui seul, le droit de l'absolution; Grégoire XIV, au contraire, avait accordé ce pouvoir à tout ecclésiastique.

Telle est, sur ce point, la jurisprudence religieuse. Quant à la législation civile, elle a été réglée en France, jusqu'à la révolution de 1789, par l'édit de Henri II, de 1556, qui condamnait au dernier

supplice toute fille convaincue d'avoir celé sa grossesse et donné la mort à son enfant. Cet édit avait été confirmé par les ordonnances de Henri III, en 1586; de Louis XIV, du 25 février 1708; de Louis XV, du 16 mars 1731, et du 27 avril 1735. I était enjoint à tous les curés de les publier au prône, tous les trois mois. Pour en assurer l'exécution, lorsque la clameur publique accusait une femme de célation de grossesse, les autorités croyaient devoir s'assurer du fait en soumettant la prévenue à une visite de gens de l'art.

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La législation actuelle les a fait disparaître. Nous avons fait connaître précédemment (1) les dispositions principales qu'elle consacre dans le code pénal.

La loi ne punissant point les expositions à la porte des hospices et dans les lieux non solitaires, les hospices d'enfants trouvés étant extrêmement multipliés en France, et un grand nombre de médecins et d'accoucheuses recevant, d'ailleurs, chez eux les femmes qui désirent accoucher secrètement, il en résulte que la plus grande facilité est accordée aujourd'hui aux victimes de la séduction, pour cacher leur honte et les conséquences de leur faiblesse. On a dû naturellement supposer que les infanticides, provenant de la crainte de l'opprobre et de la misère, deviendraient infiniment rares, et qu'il faudrait une réunion de circonstances bien malheureuses, un état d'abandon complet, ou un égarement soudain, pour porter une jeune personne séduite à sacrifier elle-même son enfant.

Mais ce résultat devait nécessairement être acheté au prix de très-grands sacrifices aux yeux de la morale et de l'économie politique. Il n'est pas douteux que la facilité excessive de cacher la honte et les suites d'une union réprouvée par la morale et la religion, n'aient extrêmement multiplié la séduction et les faiblesses, La crainte de l'opprobre et d'un surcroît de misère étant le seul frein assez puissant pour contenir des passions violentes dans des cœurs où la religion n'exerce pas une entière influence, il devait nécessairement arriver, lorsque l'empire des sentiments religieux est plus ou moins méconnu, affaibli ou détruit dans les différentes classes de la société, que l'augmentation des enfants illégitimes serait en rapport avec la facilité de cacher leur origine et de se décharger de leur entretien, et que cette augmentation serait également en rapport avec les progrès de la population, de l'immoralité et de la misère. Ces conséquences étaient inévitables aussi a-t-on vu doubler, dans

(1) Voir le chapitre VI du liv. IV.

l'espace de dix ans (de 1811 à 1821), le nombre des enfants trouvés admis dans les hospices.

D'un autre côté, si la misère, isolée de la honte, ne produit pas l'infanticide, elle porte du moins à l'exposition or, l'exposition étant tolérée, et autorisée (lorsqu'elle n'a pas lieu dans des endroits solitaires), et d'ailleurs facilitée extrêmement par l'établissement multiplié des hospices et des tours, il était immanquable que non- seulement tous les enfants illégitimes seraient apportés aux hospices, mais encore beaucoup d'enfants légitimes appartenant à des parents misérables ou dépravés et le -plus souvent l'un et l'autre.

Si l'intention du législateur était d'abord de prévenir l'infanticide, elle s'appliquait secondairement à la conservation d'un plus grand nombre d'enfants. Elle voulait, à la fois, préserver la mère de la culpabilité d'un crime atroce, et protéger l'enfant contre l'égarement et le désespoir.

Or, non-seulement il meurt plus d'enfants trouvés, parce qu'il en naît davantage; mais les enfants exposés et admis dans les hospices meurent dans une proportion beaucoup plus grande que les enfants soignés dans leur famille. En France, la mortalité des enfants trouvés est à peu près d'un tiers plus forte que celle de l'enfance ordinaire.

L'économie politique moderne n'aperçoit, dans ce résultat, qu'un obstacle apporté à l'accroissement de la population, et par conséquent un avantage pour la société. Il nous sera permis de repousser une considération si froidement inhumaine. La véritable charité ne demande pas que le nombre des habitants de la terre s'augmente sans mesure, et surtout au moyen d'unions illégitimes; mais elle veut que, dès qu'un enfant vient au monde, sa famille d'abord, et, à défaut, la société, prenne soin de sa conservation (1).

Si l'on se bornait, dans cette matière, aux considérations purement sociales et économiques, rien ne saurait justifier le maintien d'une législation qui produit de telles conséquences; mais évidemment la question est en quelque sorte religieuse, et peut se réduire à ces termes :

Les maux produits par la législation sur l'infanticide et les enfants trouvés sont-ils compensés par une diminution quelconque dans le nombre des infanticides?

Le jugement d'une telle question appartiendrait à une autorité dont nous ne pouvons usurper les droits sacrés ni tenir la place; mais, pour pouvoir le rendre en connaissance de cause, il faudrait, avant tout, savoir si réellement le nombre des infanticides a été diminué par le fait de la législation.

Or, d'après plusieurs documents, et particulièrement d'après les comptes généraux de l'administration de la justice criminelle en France, il semble prouvé que le nombre des infanticides demeure toujours dans une proportion assez naturelle avec le nombre des autres crimes, et n'a pas diminué depuis la nouvelle législation.

Peut-être a-t-elle prévenu quelques infanticides qui se seraient commis sans son intervention; mais, en multipliant le nombre des enfants naturels, n'aurait-elle point aussi augmenté, si l'on peut s'exprimer ainsi, la matière du crime, et fait naître des infanticides nouveaux? D'un autre côté, la peine capitale, portée contre l'infanticide prémédité, détermine habituellement les jurys à user d'indulgence.

En 1825, 126 accusations d'infanticides ont eu lieu. Sur 140 accusés, 62 ont été acquittés, 9 condamnés à mort, 15 aux travaux forcés à perpétuité, 3 à la réclusion, 51 à des peines correctionnelles. En 1827, il y a eu 121 accusations el 154 accusés.

Quoi qu'il en soit, il demeure prouvé par l'expé- Sur ce nombre, 60 ont été acquittés, 2 ont été conrience:

1° Que la législation actuelle a augmenté d'une manière effrayante le nombre des unions illégitimes et celle des expositions;

2o Que cette législation a contribué à éteindre, dans un grand nombre de mères, le sentiment d'un devoir prescrit par la nature et par la religion;

3o Qu'il résulte de cette législation une plus grande mortalité dans le premier âge des enfants exposés et abandonnés.

4o Que les charges de l'état, des départements, des hospices et des communes, ont été successivement augmentées, et que bientôt les ressources locales ne pourront plus y suffire.

(1) Tel a été le principe des admirables institutions fondées par saint Vincent-de-Paule: il doit dominer toute la législa

damnés à mort, 1 à la réclusion, et 40 à des peines correctionnelles.

Tous ces rapprochements semblent prouver que la législation actuelle n'a eu que peu d'influence pour prévenir les infanticides, si toutefois elle en a diminué réellement le nombre, ce qui est encore incertain.

Ainsi, il est fort permis de douter que l'autorité suprême en matière de religion et de théologie, si elle était consultée, à cet égard, approuvât le principe d'une législation qui produit des conséquences si funestes, et n'offre aucune certitude au sujet de la diminution de l'infanticide.

Quoi qu'il en soit, des plaintes graves s'élèvent

tion. Mais en le conservant, il faut prévenir les abus résultant de l'immoralité.

de toutes parts contre un système déplorable dans ses résultats moraux et économiques. Tous les ordes départements sont unanimes ganes sollipour citer des mesures propres à prévenir et à diminuer un mal dont les progrès sont devenus alarmants. Plusieurs conseils généraux ont même demandé le rétablissement des lois qui rendaient obligatoires les déclarations de grossesse, et attachaient des peines sévères à l'infraction de cette obligation.

Nous avons souvent entendu exprimer ces plaintes, et notre expérience nous à mis à même d'apprécier combien elles sont fondées; mais en même temps nous n'avons pas vu qu'aucun projet satisfaisant eût jamais été proposé pour changer ou modifier le principe de la législation actuelle. La question est aussi grave que difficile, et l'on conçoit que l'on n'ait pas osé l'aborder légèrement.

Il est à regretter que la publication complète des recherches spéciales de M. le chevalier de Gouroff sur un objet auquel il a consacré les méditations d'une haute intelligence unie à une vaste érudition, ne soit point encore venue éclairer les gouvernements sur le meilleur système à adopter. Un tel ouvrage ne peut manquer d'exciter au plus haut degré l'intérêt et l'attention des hommes d'état. Il est prudent d'attendre le moment de son apparition pour se livrer à l'examen des vastes questions qu'il doit soulever. D'après ce que nous tenons de

même, ses conclusions tendent à diminuer

de reviser notre législation sur les enfants trouvés. Nous conseillons donc au gouvernement de commencer sans retard à faire correspondre avec cet écrivain philanthrope, que la France peut revendiquer comme un de ses enfants, et qui n'a pas oublié son origine et les devoirs qu'elle lui impose.

Sans connaître complétement le système de M. de Gouroff, nous ne pouvons nous empêcher de lui accorder une entière confiance, parce que nous avons reconnu en lui autant de prudence que d'esprit religieux.

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En proposant la réforme des établissements d'enfants trouvés, il est loin, dit-il lui-même, de conseiller d'agir précipitamment. Il faut, au contraire, de la réflexion, du temps et de la patience pour préparer et exécuter peu à peu les mesures qui doivent la précéder. Qu'on sache, ajoute-t-il, que les maisons d'enfants trouvés ont corrompu l'opinion publique et qu'elles ont désappris aux gens du peuple la pratique de leurs devoirs envers leurs enfants. Les nourrir n'est plus aux yeux des mères une obligation qui les regarde, mais celle de l'état, Il faut donc, avant tout, les éclairer, leur rendre les principes de religion et de morale qu'elles ne reconnaissent plus, et alors l'autorité civile achèvera, par d'autres moyens d'humanité et par de sages précautions, ce qui aura été si bien commencé. »

C'est en effet la seule marche à suivre. La reliles tours placés dans les hospices, à rendre l'expo-gion et la charité seront toujours les bases les plus sition trè difficile, à faire adopter le principe que toute mère, légitime ou non, doit nourrir son enfant, et à imiter, en ce qui concerne la conservation et l'entretien des enfants trouvés, le mode suivi en Angleterre.

M. de Gouroff ne se refuserait pas sans doute à communiquer ses plans, même avant la publication de son ourage, à la commission qui serait chargée

solides de toutes les améliorations à apporter aux institutions humaines; elles seront toujours les principes les plus vrais et les plus féconds de toute économie politique applicable au bonheur de la société (1).

(1) Voir les chapitres XI du livre III; VI et VII du livre IV; IV du livre V, et VIII du livre VII.

CHAPITRE V.

DE LA RÉVISION DES LOIS SUR LA MENDICITÉ.

Nous avons précédemment exposé l'état de notre législation sur les mendiants (1), et nous croyons avoir démontré qu'elle est devenue incomplète et illusoire, et que les désordres de toute espèce qui naissent d'un tel état de choses ne sauraient trop promptement amener une révision complète des lois concernant la mendicité.

En soumettant un objet aussi grave à l'attention de la commission qui aurait été instituée pour l'examen et la révision de ces lois, nous devons rappeler quelques principes de droit et de morale, et faire connaître les opinions contradictoires émises sur la pénalité appliquée à l'action de mendier.

La question embrasse divers rapports importants qu'il convient d'indiquer et sous lesquels elle doit être envisagée.

1o Le principe moral et religieux applicable à la mendicité;

2o La nature de l'acte commis par le mendiant; 3o Le droit qu'a la société de punir la mendicité; 4o Les moyens les plus propres à prévenir la mendicité.

Nous l'examinerons dans ces différents points de vue.

Malgré les reproches amers des détracteurs du christianisme, il est certain et prouvé que la loi de Moïse comme celle de Jésus-Christ ont condamné la mendicité volontaire, c'est-à-dire celle exercée par des hommes capables de travailler. C'est dans ce sens que le DEUTERONOME renferme ce précepte: Qu'il n'y ait point d'indigents ni de mendiants parmi

vous.

L'accord des deux lois chrétiennes de la charité et du travail doit former la base de tout règlement sur la mendicité.

elle produit aussi les mendiants, autre race qu'il faut bannir d'un royaume bien policé. On ne doit pas les compter parmi les citoyens, parce qu'ils sont à charge à l'état, eux et leurs enfants. Mais pour ôter la mendicité, il faut trouver des remèdes contre l'indigence (2). »

Telle est, à cet égard, la doctrine de l'église. Il paraît impossible d'en contester la justice et la sagesse; il en résulte 1o que tout homme capable de travailler doit chercher dans son travail des moyens d'existence; 2° que tout homme incapable de travailler, ou dont le salaire est insuffisant pour le faire subsister, doit être secouru par son prochain.

Ces principes résultent des deux grandes lois sociales, le travail et la charité.

La conséquence de ces principes est que l'action de mendier, chez un homme capable de travail, est nuisible à la société, et que la société a le droit de défendre et de punir ce qui lui est nuisible.

L'opinion générale est d'accord sur ce point. Toutefois des principes contraires ont été soutenus, el nous devons reproduire ce qui a été écrit à cet égard par M. T. Duchâtel, dans son ouvrage sur la charité, parce qu'il résume à peu près toutes les objections que l'on pourrait faire valoir pour justifier l'action de mendier.

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Plus tard, saint Paul défendait de nourrir les et faut-il compter les lois pénales, à côté de l'aumône, mendiants valides qui ne veulent pas travailler.

« Sous un prince sage, dit Bossuet, l'oisiveté doit être odieuse, et on ne doit point la laisser dans la jouissance de son injuste repos. C'est elle qui corrompt les mœurs et fait naître les brigandages;

(1) Voir les chapitres IV et V du livre II; le chapitre XX du livre III; les chapitres IV et V du livre IV; et le chapitre XXIV du livre V.

(2) Bossuet, Politique sacrée, XII proposition.

ÉCONOMIE POLITIQUE.

parmi les moyens de soulager l'indigence? Un malheureux père de famille, sans travail, sans ressources, ou hors d'état de travailler, se hasarde à mendier, quel crime a-t-il commis? Il n'a pas de moyens d'existence, et la vie a des besoins pour lui comme pour le reste de l'humanité. Là se réduit son délit de quoi voulez-vous le punir avec vos lois et vos arrêts? De n'être pas riche ou d'être homme?

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