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occasions, des règles sacrées de l'Église. Ces résolutions étant gravées dans le plus profond de mon cœur, et ne doutant pas, qu'avec la grâce de Dieu, je ne les exécute fidèlement, comme j'en fais encore à Votre Sainteté une nouvelle promesse, c'est avec raison que j'espère de sauver mon innocence des tempêtes dont elle est encore agitée. L'espérance que j'en ai augmente beaucoup par la justice qu'on a commencé de me faire dans le rétablissement de ma juridiction spirituelle, et le libre exercice de mes Grands Vicaires', que tout le Clergé de France s'est trouvé engagé de soutenir. Il ne me reste plus qu'une seule chose à souhaiter, TRÈS-SAINT PERE, bien plus pour l'honneur de l'Église que pour mon intérêt particulier, qui est la restitution de mes revenus ecclésiastiques, que l'on me ravit, à la honte de ma dignité et de la sainteté de mon caractère, sans être accusé d'aucun crime. C'est de Votre Sainteté que j'attends ce rétablissement, et j'ose la supplier d'appuyer de son autorité et de ses recommandations les offices que j'ai sujet de croire que le Clergé de France me rendra auprès du Roi très-Chrétien, dans une rencontre si légitime. Votre Sainteté calmera aisément l'orage, et fera cesser la juste douleur dont l'Église est affligée par le mépris qu'on a fait de ses lois et le violement de sa liberté. Quand vous aurez, TRÈS-SAINT PERE, accompli cet ouvrage, que mes biens me seront rendus, et que les chemins cesseront de m'être fermés, comme ils sont présentement par les malheurs publics et les embûches cachées, je proteste encore à Votre Sainteté de retourner

7. Le Roi, par une décision en date du 3 octobre précédent, avait fait autoriser par le chancelier M. de Hodencq à reprendre ses fonctions de grand vicaire. Quant à Chevalier, il était encore à la Bastille, et lorsqu'il en sortit, peu de temps après, il fut relégué à Issoudun, comme nous l'avons dit. (Mémoires inédits de Claude Joly.)

aussitôt à Rome à ses pieds pour y former ma vie sur
son exemple, et pour y attendre, avec un esprit tran-
quille, le temps que la Providence divine a marqué pour
mon retour dans mon Église. Cependant, TRÈS-SAINT
PERE, l'affection et la charité avec laquelle vous avez
daigné vous-même soulager mes infortunes, sera le
sujet de mes méditations. Je m'entretiendrai dans ma
solitude du courage avec lequel vous vous êtes opposé
tant de fois aux efforts de mes ennemis, et je conser-
verai précieusement la mémoire de ces moments heu-
reux où vous m'avez témoigné si fortement que vous
étiez persuadé de mon innocence. Et ces pensées, TRÈS-
SAINT PÈRE, seront aussi capables d'adoucir les plus
âpres rigueurs 10 de mon exil, qu'elles m'attachent par
des liens éternels à l'obéissance que je vous dois, et
aux obligations que j'ai d'être jusqu'à la mort,
De Votre Sainteté,

Le très-humble, très-affectionné", et très-
obéissant Fils et serviteur,

Du 18 octobre 1656.

Le Cardinal de RETZ,
Archevêque de Paris.

8. Texte Champollion : daigné même.

9. Texte Champollion de ces heureux moments.

:

10. Texte Champollion: les âpres rigueurs.

11. Au lieu de très-affectionné, on lit dans le texte Champollion: très-fidèle.

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LETTRE DE MONSIEUR LE CARDINAL DE RETZ,
ARCHEVÊQUE DE PARIS, AU ROI'.

(31 OCTOBRE 1656.)

NOTICE.

CETTE lettre accompagnait la suivante adressée par le Cardinal à l'Assemblée du clergé. Claude Joly dit dans ses Mémoires que Retz envoya en même temps, et à la même date, une troisième lettre à la Reine mère. Nous ne l'avons trouvée nulle part, et nous croyons qu'il n'en est fait mention que dans les Mémoires de Claude Joly, qui était alors exilé et qui a pu commettre une erreur.

Comme les deux lettres au Roi et à l'Assemblée du clergé étaient datées du Plessis et qu'elles arrivèrent à Paris peu de jours après leur date, on s'imagina que ce lieu du Plessis (qui n'était que supposé dans les lettres du Cardinal afin

1. In-4° de deux pages, sans nom d'imprimeur. Le titre est en tête du texte. Bibliothèque nationale, Lb37 3280. A la suite de cette lettre, et sur un feuillet, adhérent au premier, est imprimée, en plus petits caractères, la lettre ci-après du Cardinal, à la même date, adressée aux cardinaux, archevêques, évêques et autres députés de l'Assemblée générale du clergé de France. (Un exemplaire imprimé dans ma collection.) M. A. Gazier a reproduit le texte de la lettre au Roi dans sa thèse, p. 72. Il fait observer avec raison que c'est pour dérouter la police de Mazarin, que la lettre de Retz est datée du Plessis, le nombre de lieux qui portent ce nom aux environs de Paris étant très grand. Nous croyons même que ce nom du Plessis est purement imaginaire. Il existe une copie de cette lettre dans le ms. fr. 6564 de la Bibl. nat. citée par M. Gazier. Moreau fait mention de la Lettre au Roi dans sa Bibliographie des Mazarinades, tome 11, p. 147, n° 1983. M. Adolphe Regnier en avait retrouvé l'original à la Bibliothèque nationale, dans le ms. fr. 13894. Nous avons collationné avec soin le texte de l'imprimé avec cette lettre, dont le corps est de la main d'un secrétaire et qui est signée du cardinal de Retz.

d'égarer les espions de Mazarin) était très rapproché de
Paris. On crut même que Retz était caché dans la capi-
tale du Royaume, et c'était là l'opinion du clergé lui-même.
On lit, en effet, dans les Procès-verbaux des Assemblées du
clergé de France (tome IV, p. 247, note 1) : « Les tours de
Notre-Dame furent pendant longtemps le lieu de la retraite
du cardinal de Retz. Ensuite la maison du sieur Le Houx,
son boucher, homme fort accrédité parmi le peuple, et enfin
la maison du sieur Crochet, chanoine de Saint-Germain-
l'Auxerrois. » Guy Joly, qui, à cette époque, ne quittait pas
le Cardinal, n'eût pas manqué de signaler cette particularité
dans ses Mémoires; or on y lit que Retz, après avoir quitté
Rome, resta pendant quelques mois, dans le plus grand in-
cognito, à Besançon (p. 406). « Il faut observer, est-il dit
dans une note des Procès-verbaux, etc. (tome IV,
P. 253,
note 2), que le cardinal de Retz, pour parer à l'objection
de ses adversaires, qui disoient qu'on ne pouvoit lui ré-
pondre, le lieu de sa retraite étant inconnu, data ses lettres
du Plessis. (Histoire manuscrite.) » Voyez ses lettres au Roi
et à l'Assemblée datées du 31 octobre 1656.

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SIRE,

La profonde soumission que je dois aux désirs de Votre Majesté m'oblige de prévenir le conseil que Messieurs du Clergé avoient résolu de me donner sur la nouvelle nomination d'un Grand Vicaire qui lui soit agréable. J'envoie pour cet effet des provisions à M. le Doyen de Notre-Dame'. Et comme entre tous ceux qui m'ont été proposés, il n'y en a point qui ait une passion plus forte et plus sincère que lui pour le service de Votre Majesté et qui en ait rendu des témoignages plus publics et plus

2. Jean-Baptiste de Contes, chanoine de Notre-Dame en 1627, puis chancelier de l'Église et de l'Université de Paris, avait été nommé doyen du Chapitre en 1647. Il chercha toujours à se ménager entre la Cour et le cardinal de Retz.

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considérables, j'ai cru, Sire, ne pouvoir mieux satisfaire aux intentions de Votre Majesté qu'en lui confiant mon autorité, et laissant dans la même charge M. de SaintSéverin, que je sais aussi ne lui être pas désagréable. Si j'avois, Sire, d'autres moyens pour faire connoître à Votre Majesté les sentiments très-respectueux que je conserve pour toutes les choses qui lui peuvent plaire, je m'y porterois avec tout le zèle que je dois. Et Votre Majesté me permettra, s'il lui plaît, en ce rencontre', de l'assurer de nouveau que je n'aurai jamais rien de plus précieux, après le service de Dieu, dans les fonctions de ma charge et dans toute ma conduite, que les intérêts de votre Couronne et la gloire de votre personne sacrée, et que je serai toute ma vie, avec une inviolable fidélité,

Sire,

De Votre Majesté,

Le très-humble, très-obéissant et trèsfidèle serviteur et sujet,

Le Cardinal de RETZ,

Archevêque de Paris.

Du Plessis, ce 31o octobre 16565.

3. M. de Hodencq, archiprêtre curé de Saint-Séverin.

4. Voyez ci-dessus, p. 27, note 10.

5. Il y a dans la lettre manuscrite le 31°. C'est la seule différence qui existe entre les deux textes. Les quatre dernières lignes, à partir des mots Le très-humble, sont autographes.

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