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reux de tous les hommes jusqu'à ce que j'aie trouvé les occasions de lui donner des preuves essentielles de cette vérité, et que je serai jusqu'au dernier soupir, Sire,

De Votre Majesté,

Le très-humble, très-obéissant et très-
fidèle serviteur et sujet,

Le Cardinal de RETS.

1661

49.

(LETTRE DE M. FRANÇOIS OGIER AU CARDINAL DE RETZ, APRÈS SON RETOUR A COMMERCY ET LA RÉSIGNATION DE SON ARCHEVÊCHÉ '.) (PEU AVANT LE 25 MARS 1662.)

NOTICE.

Nous avons cru devoir insérer à cette place une lettre inédite très-remarquable, adressée au cardinal de Retz, peu après sa démission, par François Ogier, l'un des plus célèbres prédicateurs et l'un des plus beaux esprits de son temps. C'était le meilleur moyen de donner la clé de la réponse du Cardinal à cette lettre. Dans les plus nobles. termes, Ogier loue le cardinal de Retz d'avoir invinciblement refusé sa démission aux menaces et aux persécutions de Mazarin, et de l'avoir généreusement offerte au Roi sans condition après la mort du favori. Entre autres ouvrages,

3. Les quatre dernières lignes autographes, y compris le mot Sire et la signature.

1. Copie manuscrite du temps dans ma collection, tome XVII, autre copie à la fin des Mémoires inédits de Claude Joly (même collection).

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Ogier est l'auteur de l'Apologie pour Balzac, que celui-ci trouva si bien écrite, qu'il eut, dit-on, la faiblesse de la faire passer pour son œuvre, ce qui le brouilla avec Ogier, qui ne put se résigner à ce sacrifice. Le lecteur ne manquera pas de remarquer que la lettre adressée au cardinal de Retz ne serait point indigne de figurer parmi les plus belles épîtres de Balzac, dont elle rappelle le ton élevé et l'élégante recherche dans le style.

[MONSEIGNEUR,]

Puisqu'on m'assure que les sentiments de mon indignation sur l'état de vos afflictions n'ont pas été désagréables à Votre Éminence, j'ose croire que les témoignages de ma joie, dans le changement de sa fortune, ne lui déplairont pas. Il est vrai qu'elle ne sauroit être que fort3 imparfaite, puisque nous perdons toujours notre légitime pasteur et que nous sommes privés des grands événements que ce diocèse attendoit de la conduite d'un si docte, si généreux et si prudent archevêque. Toutefois, puisque l'Église et la France recouvrent ce grand cardinal de Retz, il faut, malgré nous, nous réjouir avec elles et nous consoler de la perte particulière que nous faisons par le bien que le public en recevra ; car il est impossible, Monseigneur, qu'une éminente vertu comme la vôtre demeure libre et qu'elle soit inutile. La prison, l'exil et la persécution n'ont pu même la rendre oisive. Ç'a été la matière de ses plus belles actions, et l'exercice de sa patience, de sa fermeté et surtout de ce courage qui s'est montré invincible à tout autre qu'au Roi 7. En effet, tandis que son autorité a été dans des mains étrangères, ni les promesses, ni les menaces n'ont pu vous

2. Copie Claude Joly: de vos affaires au lieu d'afflictions.
3. Ms. Claude Joly: très au lieu de fort.

4. Au lieu de pasteur, il y a passe temps dans l'autre copie.

5. Ms. Cl. Joly: sans que, au lieu de puisque.

6. Dans le ms. Claude Joly, la conjonction et ne se trouve pas. 7. Allusion évidente à Mazarin auquel le cardinal de Retz re

fusa jusqu'à la fin la démission de son archevêché.

8. Cette phrase confirme ce que nous avons dit dans la note précédente.

ébranler. Sitôt que vous avez cru qu'il agissoit par lui-même, vous
lui avez témoigné une complaisance tout à fait généreuse et désinté-
ressée; sans traité, sans capitulation, il a obtenu de vous ce que
vous aviez refusé à toutes les espérances et à toutes les contraintes 10
dont vous avez été attaqué depuis tant d'années. Cette belle ma-
nière d'agir avec un si grand prince lui fera voir sans doute, Mon-
seigneur, la sincérité de vos intentions 11 et le zèle que vous avez à
son service. Quoique l'orage ait été injustement excité par vos
ennemis dans l'esprit de Sa Majesté, vous avez voulu y remettre
le calme à quelque prix que ce fût, et, pour ainsi dire, vous avez
consenti d'être jeté dans la mer pour apaiser la tempête. Ce sont
les mêmes termes dont le grand saint Grégoire de Nazianze se
servit quand il fut obligé de quitter son Archevêché de Constan-
tinople et de céder à la faction de quelques évêques de Cour 12,
qui, sous la faveur de l'Empereur, mirent à sa place un vieux 15
néophyte, plus propre à conduire une affaire de chicane qu'à
faire une
14 fonction épiscopale 18. Je ne sais pas, Monseigneur,
quel fut le sentiment des prêtres de la nouvelle Rome sur un
procédé si étrange. Mais quelque bien qu'on s'imagine qui puisse
arriver de celui qui se pratique en la personne de Votre Émi-
nence, je ne puis que je ne plaigne la condition de la plus
grande ville du monde de se voir privée d'un prélat qui a tant
de proportion avec sa grandeur. Quant à moi, Monseigneur, je
prie très-humblement le successeur 16 d'un homme vivant, qu'il
trouve bon que je vous treuve toujours pour archevêque de Paris,
que je récite votre nom avec respect en cette qualité dans le
9. En donnant purement et sans condition sa démission d'arche-
vêque de Paris au Roi.

10. Ms. Cl. Joly les craintes.

II. 2 ms. de ma collection: actions.

12. 2o copie de ma collection; cors, forme tout à fait archaïque du mot cour, qui n'est certainement ici qu'une erreur de copic. 13. 2o copie vieil.

14. Ms. Cl. Joly aucune.

15. Allusion non douteuse à M. de Marca, archevêque de Toulouse, qui avoit dirigé secrètement et parfois à ciel ouvert toute la procédure du gouvernement de Louis XIV contre Retz, et qui devait être récompensé de son zèle par l'archevêché de Paris.

16. C'est-à-dire M. de Marca, qui venait d'être nommé par la Cour archevêque de Paris.

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saint canon de la messe, et que j'achève ce qui me reste de vie dans la communion et sous la protection de Votre Éminence, en qualité,

Monseigneur, de...,etc.

OGIER 17,

Prêtre et prédicateur de l'Église de Paris.

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49*. RÉPONSE DU CARDINAL DE RETZ'.

MONSIEUR,

Il y a longtemps que j'ai dit de vous que vous êtes l'homme de France qui dites et faites le mieux. J'ai éprouvé l'un et l'autre à mon égard dans tous les temps. Jugez par là de ma reconnoissance. Ne croyez pourtant pas que cette reconnoissance soit la cause des sentiments que j'ai pour vous; car, quand je ne vous serois pas aussi obligé que je le suis, je ne laisserois pas d'avoir pour votre mérite cette sorte d'estime qui passe jusques au respect. Mais il est vrai aussi que quand je n'aurois pas ce respect, je ne devrois pas moins à votre personne cette sorte d'amitié qui va jusques à la tendresse. Vous m'avez obligé par celle que vous m'avez toujours témoignée. Elle m'est si chère et si sensible que je l'ai tenue à gloire dans tous les temps, et, dans celui de mes malheurs, la mémoire m'en a été à consolation et à douceur. Continuez-la-moi, je vous en conjure, et croyez que sans

17. Dans notre Recueil manuscrit le nom d'Ogier ne se trouve pas, mais on le lit à la fin d'une copie de la même lettre dans les Mémoires inédits de Claude Joly.

I. Copie de la même main que la lettre précédente et faisant partie du même Recueil.

2. Ms. Claude Joly étiez l'homme de France qui disiez et faisiez le mieux.

3. Ms Claude Joly je vous conjure.

façon et sans compliment, je suis à vous de tout mon cœur et avec tous les sentiments que je vous dois par tant de titres. Assurez, je vous prie, Monsieur votre frère de mes services; j'estime, comme je dois, son mérite et je prétends qu'il me donne pour l'amour de vous quelque part à son amitié.

A Commercy, ce 25 mars 16625.

Le Cardinal de RETZ.

4. Complainte dans la deuxième copie.

5. Dans la copie de cette lettre qui figure à la fin des Mémoires inédits de Claude Joly, on lit la date du 27 mars 1662.

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FIN DES LETTRES ÉPISCOPALES, etc.

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