VIE DE LA SOEUR MARIE-LUCIE-ÉLISABETH-JEANNE BICHIER FONDATRICE ET SUPÉRIEURE DE LA CONGREGATION DES FILLES DE LA CROIX ÉTABLIES A LAPUYE, DIOCÈSE DE POITIERS. Fortitudo et decor indumentum ejus. CHATEAUROUX CHEZ LES PRINCIPAUX LIBRAIRES. 1844 DÉDICACE AUX HABITANTS DE LA VILLE DU BLANC. MESSIEURS, Si le Christianisme plaît à l'esprit par son côté su• blime, poétique, inspirant, il ne fait pourtant du bien aux âmes qu'en les purifiant par la vertu de la croix. Séparé de cet inestimable bienfait, à quoi se réduit sa puissance? à préparer quelques beautés d'imagination à la littérature et aux arts, à combattre, à effrayer peut-être, mais sans les réprimer, les passions et les vices qui lui déclarent la guerre. Mais s'il est libre dans son action; s'il agit sur les cœurs selon toute la plénitude de sa force, alors de bons qu'il les a faits, il les rend meilleurs encore, ou du moins, par la pénitence, les rend-ils justes et très-justes d'injustes qu'ils s'étaient faits eux-mêmes. Telle était l'idée qu'avait de la simple morale naturelle un célèbre philosophe du paganisme, Platon, quand il parlait ainsi : « Il n'y << a personne qui soit tellement mauvais, que l'amour « du beau n'en fasse un Dieu par la vertu; en sorte « qu'il devienne semblable au beau par nature. » Combien donc le goût de ce beau universel, ou de Dieu adoré et servi par les hommes, n'est-il pas pro pre à les élever, à les faire heureux 1, tandis que le malheur de l'ignorer, et plus encore le crime de le méconnaître et de le mépriser, les rend si petits, si vils et si misérables! Un autre bel esprit d'entre les païens n'a-t-il pas dit de l'homme 2 qu'il était une chose très-méprisable, quand il ne s'élevait pas audessus des choses humaines. Messieurs, si chez une nation déchue de la suprême grandeur, qui consiste dans le règne des idées éternelles du juste et du vrai, la grâce, qui l'y avait établie, laisse, en se retirant, quelques traces de sa puissance et de sa beauté ; si l'on voit, par exemple, dans quelques-unes de ses villes, des prêtres édifiants et fidèles travailler à faire conáître Dieu, les jours destinés à son culte religieusement observés par tous les citoyens, les premiers d'entre eux appliquant les influences de la condition, de la fortune, de l'autorité, de l'esprit à la fin la plus honorable et la plus utile, celle d'affermir l'ordre et la paix dans la société par de bons exemples et d'utiles leçons; si l'on y voit encore des tribunaux dignes d'honneur par celui qu'ils font à la justice, l'amour de la vérité et la modération joints au talent dans ceux qui doivent en préparer les voies, des asiles suffisamment dotés pour les plus misérables d'entre les pauvres, et la miséricorde publique pourvoyant aux besoins des autres sur ce qu'elle retranche des folles dépenses du luxe et de la fantaisie; si Justitia elevat gentem, miseros autem facit populos peccatum (Prov., xiv, 34.) 2 Homo quam contempta res est, nisi suprà humana surrexerit. (PLINIUS.) |