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DÉDICACE

AUX HABITANTS DE LA VILLE DU BLANC.

MESSIEURS,

Si le Christianisme plaît à l'esprit par son côté su⚫ blime, poétique, inspirant, il ne fait pourtant du bien aux âmes qu'en les purifiant par la vertu de la croix. Séparé de cet inestimable bienfait, à quoi se réduit sa puissance? à préparer quelques beautés d'imagination à la littérature et aux arts, à combattre, à effrayer peut-être, mais sans les réprimer, les passions et les vices qui lui déclarent la guerre. Mais s'il est libre dans son action; s'il agit sur les cœurs selon toute la plénitude de sa force, alors de bons qu'il les a faits, il les rend meilleurs encore, ou du moins, par la pénitence, les rend-ils justes et très-justes d'injustes qu'ils s'étaient faits eux-mêmes. Telle était l'idée qu'avait de la simple morale naturelle un célèbre philosophe du paganisme, Platon, quand il parlait ainsi : « Il n'y « a personne qui soit tellement mauvais, que l'amour « du beau n'en fasse un Dieu par la vertu; en sorte << qu'il devienne semblable au beau par nature. » Combien donc le goût de ce beau universel, ou de Dieu adoré et servi par les hommes, n'est-il pas pro

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pre à les élever, à les faire heureux 1, tandis que le malheur de l'ignorer, et plus encore le crime de le méconnaître et de le mépriser, les rend si petits, si vils et si misérables! Un autre bel esprit d'entre les païens n'a-t-il pas dit de l'homme 2 qu'il était une chose très-méprisable, quand il ne s'élevait pas audessus des choses humaines.

Messieurs, si chez une nation déchue de la suprême grandeur, qui consiste dans le règne des idées éternelles du juste et du vrai, la grâce, qui l'y avait établie, laisse, en se retirant, quelques traces de sa puissance et de sa beauté ; si l'on voit, par exemple, dans quelques-unes de ses villes, des prêtres édifiants et fidèles travailler à faire conaître Dieu, les jours destinés à son culte religieusement observés par tous les citoyens, les premiers d'entre eux appliquant les influences de la condition, de la fortune, de l'autorité, de l'esprit à la fin la plus honorable et la plus utile, celle d'affermir l'ordre et la paix dans la société par de bons exemples et d'utiles leçons; si l'on y voit encore des tribunaux dignes d'honneur par celui qu'ils font à la justice, l'amour de la vérité et la modération joints au talent dans ceux qui doivent en préparer les voies, des asiles suffisamment dotés pour les plus misérables d'entre les pauvres, et la miséricorde publique pourvoyant aux besoins des autres sur ce qu'elle retranche des folles dépenses du luxe et de la fantaisie; si

1 Justitia elevat gentem, miseros autem facit populos peccatum (Prov., xiv, 34.)

2 Homo quàm contempta res est, nisi suprà humana surrexerit. (PLINIUS.)

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l'on y voit enfin des maisons d'éducation véritablement chrétienne, des chefs de famille exemplaires et vigilants, une jeunesse laborieuse et modeste, des vieillards religieux découvrant à tous en silence, avec le terme si prochain de la vie, la couronne d'honneur offerte à ceux qui les auront imités. Oh! surtout, s'il plaît à Dieu de couronner de si grands biens par l'apparition de quelques êtres extraordinaires qui, réfléchissant sur la patrie l'éclat de hautes vertus, la marquent du sceau de la gloire éternelle qu'elles leur ont méritée. Alors, alors, tout ce qui a sur la terre le sentiment du beau s'unit au ciel pour proclamer la ville fidèle et pleine de jugement 1, la Sion du Saint d'Israël et la cité du Seigneur 2, celle que Dieu favorise, à ce point, de sa miséricorde.

Habitants du Blanc, c'est bien volontiers que nous reconnaissons la part qu'il vous est donné d'avoir dans le tableau d'une ville saintement constituée. Nous félicitons en outre un certain nombre d'entre vous d'avoir vu naître et grandir une vertueuse créature, dont le nom, devenu le titre et le symbole d'une *vie agréable à Dieu et aux hommes, est aujourd'hui si glorieusement placé dans les annales de l'Église avec le nom de sa patrie. Heureux des souvenirs qu'elle vous a laissés et dépositaires en quelque sorte de son berceau, permettez-nous d'y attacher, en vous le dédiant, le petit ouvrage qui va renouveler et multiplier même ses droits à votre vénération pour

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1 Urbs fidelis plena judicii. (Is., 1, 21.)

2 Vocabunt te civitatem Domini, Sion sancti Israel. (Is., LX, 14.)

elle. Si, pour obéir à de secrètes vues de providence : favorables à sa sanctification et à votre gloire, elle s'éloigna un peu de celle de vos églises où elle avait : reçu la première grâce chrétienne, elle ne cessa pas de vous appartenir, par sa naissance, par le bienfait d'une aimable et longue présence au milieu de vous et par l'inclination de son cœur, depuis qu'elle vous eut quittés. Son corps, il est vrai, n'a pas été enseveli dans les crêpes de la patrie, ses cendres ne reposent pas parmi vos tombeaux ; mais, par une sorte de reproduction 1 plus noble, plus vaste et plus animée que celle des sculpteurs et des peintres, sa véritable image vous reste, celle de son âme, que vous rendront toujours sensible ses paroles et ses actions.. Combien une si précieuse image ne vous devient-elle pas plus imposante encore, se présentant à vous avec le magnifique cortége de tant de vierges et d'autres fervents fidèles, qui, s'étant heureusement appliqués à en retracer les traits dans leur vie, ont acquis, comme leur modèle, le glorieux privilége de parler de la vertu, même après leur mort!

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Vous, anciens de la cité, dites donc avec nous aux générations qui succèdent à la vôtre tout ce que vous avez vu, entendu, admiré, aimé de celle dont nous allons parler. Montrez-leur même du doigt la maison d'où elle ne sortit guère que pour les plus purs motifs et avec les moyens les plus sûrs et les plus naturels de plaire et d'édifier. Que les jeunes filles alors, en la regardant, se disent, avec une sainte joie d'avoir toujours été modestes, et quelques-unes, peut

1 Centum potiore signis munere. (HORAT.)

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