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réfolut de prendre des mefures pour se liguer avec Ferdinand, & empècher les Fran çois de venir en Italie. Il entra en effet quelque tems après dans la ligue que fit ce Prince contre la France avec l'Empereur & les Suif fes. Mais afin de tromper François I, il voulut que fon acceffion au Traité demeurât fecréte. Il s'engagea avec fes alliés à con tribuer plus du tiers pour les frais de la guerre, & fit préfent au Roi d'Espagne des fommes qui avoient été levées pour la croifade contre les Turcs, employant ainfi con tre les François l'argent que les Chrétiens n'avoient donné que pour faire la guerre aux infidéles. La réunion de tant d'ennemis puiffans ne fit point abandonner à François I le deffein qu'il avoit de rentrer en poffeffion de fon Duché de Milan. Comme il avoit befoin d'argent pour une fi grande entreprife, le Chancelier Duprat lui fuggera de rendre venales les charges de Judicature d'augmenter les tailles, & d'établir de nouveaux impôts, fans attendre le confentement des Etats, ce qui étoit contraire aux loix & aux ufages du Royaume. Le Roi ayant formé une armée d'environ quarante mille hommes, fe mit à la tête, & paffa les Alpes vers la fin du mois d'Août, malgré les précautions que les Suiffes & l'armée du Pape avoient prifes pour l'en empêcher Pendant que l'armée Françoife achevoit de s'affembler dans le Marquifat de Saluces, un détaj chement de quelques troupes conduit par la Paliffe s'avança jufqu'à Villefranche en Piémont où étoit la cavalerie du Pape, com mandée par Profper Colonne. Les François obligerent ce Général de fe rendre prifon

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nier de guerre avec tous fes foldats, & prirent tout le bagage avec environ mille che vaux de fervice. Dès que le Pape en eut appris la nouvelle, il fongea à faire fa paix avec François I; mais bientôt après if en fut détourné par Jules de Médicis fon coufih germain. Le Roi avoit tout lieu de fe promettre les plus grands fuccès, & cependant il n'étoit pas éloigué de fe prêter à un accommodement raifonnable. Peu s'en fallut même qu'il n'en conclút un à Verceil avec les Suiffes, ce qui auroit infailliblement terminé la guerre mais fur la nouvelle qu'ils reçurent qu'il leur venoit de leur pays un renfort de dix mille hommes, ils ne youlurent plus entendre parler de négociation. Le Roi fe trouva donc forcé d'aller en avant. Comme toutes les villes venoient fe rendre d'elles-mêmes, fon armée vint en quelques jours camper près de Marignan, petite ville qui n'eft qu'à une bonne lieue de Milan. Les Suiffes l'attaquerent le treize de Septembre à deux heures après midi.

Jamais combat ne fut plus furieux ni plus opiniâtre. La nuit l'interrompit, mais ne le termina point. Le Roi accablé de fatigues la paffa tout armé fur un affut de canon, n'étant éloigné que de cinquante pas du plus gros bataillon des Suiffes. Le lendemain dès le matin le combat recommença avec la même valeur de part & d'autre; mais enfin les Suiffes perdirent courage, abandonnerent le champ de bataille qu'ils laifferent couvert d'environ quinze mille des leurs, & prirent la route de leur pays. Dès que le Pape cut appris cette fâcheufe nouvelle, il envoya ordre à fon Nonce en France,

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de conclure au plutôt fon accommodement
avec François I. Le Nonce fit tant d'inftan-
ces, que le Roi convint de faire un Traité,
dont la premiere condition étoit que le Pape
lui rendroit les villes de Parme & de Plai-
fance. Le Roi l'ayant figné, le Nonce le
porta au Pape afin qu'il le ratifiât. Mais
comme il fe flattoit que les Suiffes enver-
roient inceffamment un puiffant fecours en
Italie, il héfita long-tems, & ne fe déter-
mina que fur la nouvelle de la prise du
château de Milan par les François. Ce dé-
tail que nous avons abregé le plus qu'il nous
a été poffible a paru néceflaire pour la
fuite de l'histoire & pour
Léon X. Ce Pape avoit fait paroître juf-
qu'alors fes grands talens pour la conduite
des affaires les plus difficiles. On verra dars
l'Article fuivant le chef d'oeuvre de fa rufe
& de fa politique,

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faire connoître

ARTICLE III.

Concordat entre le Pape Léon X & le
Roi de France François I.

í.

I.

Entrevue

Eon X n'eut pas plutôt fait la paix avec L François I, qu'il chercha les moyens du Pape d'en tirer quelque avantage, qui pût le con- Léon X avec foler du rétablissement des François en Ita- François I. lie, & le dédommager des places qu'il avoit Le Pape été obligé de leur rendre. Il ne doutoit point preffe le Roi que s'il pouvoit s'entretenir avec le Roi il d'abolir la Pragmati

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que Sanc n'en obtînt plufieurs chofes qu'il avoit fort tion & le à cœur. Il lui fit donc demander une entre

fent.

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Roi y con- vûe par fon Nonce, & ce Prince la lui accorda volontiers, tant pour joüir du plaifir de voir la Cour de Rome, & de lui faire voir la fienne, que pour travailler à réconcilier avec le Pape les Princes d'Italie déclarés pour la France. Ils fe rendirent tous les deux à Bologne, qui avoit été choisie pour le lieu de l'entrevûe, & le Roi y arriva le onziéme de Décembre, & y demeura trois jours, pendant lefquels il eut avec le Pape plufieurs conférences. Léon X avoit un talent merveilleux pour manier les efprits, & ee talent étoit foutenu d'une grande expérience dans les négociations, & d'une politique extrêmement rafinée. François I au contraire n'avoit que de l'efprit, de la politeffe & de la droiture. Auffi donna-t-il dans tous les piéges que ce rufé politique voulut lui tendre. Après qu'ils eurent traité de différentes affaires temporelles, le Pape propofa au Roi d'abolir la PragmatiqueSanction, & il le fit avec tout l'artifice dont il étoit capable.

En établissant la Pragmatique, on n'avoit eu d'autre deffein que de maintenir en France l'ancienne discipline, fondée sur les maximes des Peres & fur les Decrets des Conciles les plus refpectables. Mais la Cour de Rome qui avoit fubftitué les Décretales des Papes aux anciens Canons, ne pouvoit fouffrir qu'on eût borné en France l'exercice de fa jurifdiction, tandis qu'elle étoit abfolue dans la plupart des Etats de l'Europe. Elle regardoit la Pragmatique comme un ouvrage de ténébres formé dans le fchifme

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pour empêcher les Papes d'étendre leur pouvoir. Delà vinrent les efforts que firent Pie II fous Louis XI, Alexandre VI sous Charles VIII, & Jules II fous Louis XII, pour abolir cette loi importante. François I allarmé de la propofition de Léon X, le fupplia de confirmer la Pragmatique au lieu d'en pourfuivre l'abolition. Mais ce Pape employa tout ce qu'il avoit d'habileté & d'adreffe, pour prouver qu'il falloit abfolument l'abolir. Le Chancelier Duprat qui s'entendoit avec lui, donna l'idée d'un Concordat qui feroit fubftitué à la Pragmatique, & le Pape fit beaucoup valoir les prétendus avantages que le Roi trouveroit dans ce nouveau réglement, fans dire un mot du danger bien plus réel & prefque inévitable où fon falut feroit expofé. En lui promettant le droit de nommer aux Evêchés & aux Abbayes, il lui fit fentir que par ce moyen les Eccléfiaftiques deviendroient auffi dépendans de lui que les autres fujets ; que leur fortune & leur élévation étant en sa main, ils ne pouvoient manquer de s'attacher à lui & de lui être parfaitement foumis ; que cet attachement & cette foumiffion deviendroient univerfels dans toutes les familles ; qu'ayant beaucoup de graces à accorder, on lui deviendroit plus dévoué; que c'étoit un grand avantage de pouvoir donner fans s'appau vrir ; qu'un Evêché, une Abbaye tiendroient lieu de récompenfe pour les fervices rendus à la guerre & dans le cabinet; que le défir de procurer un riche & honorable Bénéfice à fon fils, à fon frere, à fon neveu retiendroit tout le monde dans la foumiffion. On fent combien il étoit aifé à un homme Tome VIII.

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