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choses, si c'est l'amour-propre ou le désir de plaire à Dieu, et calculez lequel vens rapporte le plus de cette satisfaction intérieure qui est le bonheur; sans compter qu'il est impossible que Dieu nous favorise de sès grâces avec un défaut si contraire aux qualités qu'il nous recommande. Parez-vous d'humilité. Dieu fait grâce aux humbles. Ah! pourriez-vous acheter trop cher ce bien-là? La grâce de Dieu! quelle jouissance peut lui être comparée? Travaillez donc à l'acquérir, cherchez avec soin les moyens de diminuer cette bonne opinion que vous avez de vous-mêmes. Pour se corriger de ce défaut d'amour-propre, il faut chercher à le connoître. Beaucoup de gens, s'ils pouvoient se voir, seroient surpris et effrayés d'en découvrir infiniment plus chez eux qu'ils ne le supposent, car il s'associe à tout et se retrouve partout. Quand ils prendront l'habitude que j'ai déjà recommandée, de voir quel est le motif qui les fait parler ou agir, ils sauront plus exactement à quoi s'en tenir, et verront mieux la nécessité de faire des efforts soutenus pour se corriger.

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On devroit veiller avec soin à ne pas se laisser aller au plaisir de faire ou de dire quoique ce soit avec l'intention de flatter. notre amour-propre, et chercher à profiter de toutes les mortifications qu'il reçoit pour sentir combien il est nuisible à notre bonheur. Nous pourrons, de cette manière-là et avec une volonté bien ferme de le déraciner, en venir à bout, surtout en implorant le secours de Dieu, qui jugera de la pureté de nos intentions, et suivant cela les bénira.

VI. LETTRE.

Sur l'égoïsme.

L'ÉGOÏSM 'ÉGOÏSME nuit plus encore au bonheur que l'amour-propre ; il nous fait encore plus tout rapporter à nous-mêmes ; il étouffe tous ces sentimens délicieux qui naissent d'affections réciproques; on s'aime soi-même -au-dessus de tout, mais aussi on est presque seul à s'aimer. Que cette idée fait bien concevoir l'horreur dans laquelle peut vivre une ame égoïste! N'aimer que soi! Que de privations de bonheur ! L'égoïste ne sait ce que c'est que les jouissances d'un cœur tout pour lest autres, d'un cœur qui sait aimer, qui sait se faire chérir; il ignore les charmes que cela répand dans la vie de celui qui sait sentir; il ignore presque la nature de cette vie, tant elle est éloignée de la sienne.

L'égoïste raisonne bien mal, car par calcal même, il devroit renoncer à l'égoïsme. Voyez dans le monde ces personnes si empressées

à se bien traiter elles-mêmes, à chercher, à obtenir toutes les attentions: on les évite

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on n'a point le désir de les soigner, tant on est sûr qu'elles se soigneront; tout ce qu'on fait pour elles n'est jamais par sentiment 1 c'est par devoir. Quelle triste manière d'être entouré! Que tout doit être sec et que le cœur doit s'en ressentir! A la longue il finit par se dessécher tout-à-fait. C'est donc un des défauts les plus dangereux que l'égoïsme; il faut travailler avec grand soin à le détruire je crois qu'en le voulant fortement, on peut en venir à bout. Quoiqu'il nous en coûte, forçons-nous à agir pour les autres; fixons-nous par jour un certain nombre de services à leur rendre; allons insensiblement, gagnons toujours du terrain. On vous aura souvent parlé de la douceur attachée aux services qu'on rend; vous n'en trouverez point, tout au contraire ! Mais gardez-vous de perdre il faut de la patience et du temps, pour que Dieu veuille amollir le cœur qui est endurci; mais ce Dieu tout bon est toujours là, il voit tous vos efforts, il vous en ient compte, il sait que pendant long-temps

courage,

vous trouverez de la peine, du dégoût même, à faire ce qu'il exige, aussi se contentera-t-il du plus léger progrès; tâchez de faire tous les jours un pas en avant, car dans le chemin de la vertu, ne vous faites point d'illusion, c'est reculer que de ne pas avancer.

Si l'on est appelé à vivre avec des personnes qui aient ce penchant à l'égoïsme, il faut veiller avec soin sur soi-même pour ne pas s'en laisser atteindre, car il est facile dans ce cas-là d'y être un peu porté, tout en sentant vivement l'horreur de ce défaut. L'on est quelquefois peiné que ce qu'on fait pour les égoïstes ne soit pas apprécié, ni presque senti, encore moins rendu ; il paroît dur d'agir toujours pour les autres, et de n'en recevoir aucune récompense; mais Dicu n'est-il pas le seul pour qui l'on doive agir ? Ne devons-nous pas tout faire pour lui, tout rapporter à lui? Il juge de tous nos sacrifices, il voit la force qu'il nous faut pour résister à la tentation il nous en tient compte que nous faut-il de plus ? Que ce sentiment domine seul dans notre cœur , qu'il nous donne du courage; alors, quand

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