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de ne voir aucun terme nécessaire à nos chagrins. Le pauvre seroit condamné à travailler toujours, à craindre la faim, le froid pour l'Eternité; l'impotent à traîner constamment une vie languissante, le malade, en proie à des douleurs aiguës, n'auroit devant lui qu'un temps sans fin. Quel refuge n'est-ce donc pas pour le malheureux que l'espérance de la mort ! Qui lui en tiendroit lieu? Ah! remerciez Dieu du fond de votre cœur et de la mort, et de l'immortalité qui la suit.

Une des preuves les plus fortes de cette immortalité de l'ame, c'est cette soif de bonheur que chacun éprouve, et qui ne peut jamais être étanchée entièrement. Prenez un des momens les plus heureux de votre vie, vous verrez qu'il y manque quelque chose pour compléter votre félicité : mais l'Eternel est trop bon pour avoir mis en nous cette soif de bonheur, et pour ne Ja satisfaire qu'imparfaitement; ce sera dans l'autre vie que nous trouverons ce bonheur sans mélange de peine, si nous avons été dignes d'être placés près des élus de Dieu.

Probablement qu'une des grandes punitions que Dieu infligera aux coupables, c'est les regrets de n'avoir pas su mieux profiter des occasions qu'ils avoient journellement de faire ce qui lui étoit agréable pendant qu'il en étoit temps. Voilà ce à quoi nous ne saurions trop penser. Pour mieux juger des regrets que nous nous préparons, profitez de toutes les occasions où vous en avez de semblables , pour faire des réflexions salutaires cette espèce de dépit qu'on a contre soi-même, d'avoir fait ou manqué de faire telle ou telle chose, qu'il nous étoit si facile de changer, si nous l'avions voulu, dans le moment même et qui le lendemain nous laisse des regrets, est très-capable de nous donner un aperçu de ceux que nous aurons dans l'autre vie. On se dira: Nous savions si bien ce qu'il falloit faire; on nous l'a si souvent répété ! notre raison étoit toujours persuadée, il falloit la suivre, l'écouter sans cesse ; il n'est plus temps! Il l'est encore pour vous, lecteurs de tout âge entre les mains desquels ceci doit tomber; mais il n'y en a point à perdre, profitez de celui qui vous reste;

arrêtez-vous avec effroi sur cette pensée, qu'un jour il ne sera plus temps, que cẻ jour peut arriver pour vous à toute heure. Ah! de grâce, réfléchissez, söngez que cette légèreté qui vous fait, sans trop de réflexion, suivre ce qui vous est agréable, vous prépare peutêtre des regrets éternels, des regrets irréparables. Posez ce livre, placez-vous pour un moment dans cet avenir qui vous paroît si loin, qui cependant n'en est pas moins certain; voyez ce que vous voudriez avoir fait ; ne quittez pas cette pensée sans vous être promis à vous-même d'en profiter, de ne pas laisser passer un jour sans qu'il vous rapporte quelques fruits dignes de vous être comptés au grand jour des rétributions, où Dieu donnera à chacun selon ses œuvres.

XIV. LETTRE.

Sur la conscience.

ΜΑ A chère Adèle, je vais vous parler de la conscience, de ce sentiment sublime du bién et du mal moral, que l'Etre-Suprême en sa bonté a gravé en traits ineffaçables au fond de notre cœur. Que de grâces nous lui devons pour cela, et que nous les rendons mal, ces grâces! je vais vous le

prouver. La vraie manière de sentir tout le prix de ce bienfait est de le reconnoître en en faisant usage; et en conscience pouvonsnous nous rendre le témoignage que nous en profitons comme nous le devons? Combien de fois nous ne l'écoutons pas ! combien encore où nous cherchons à ne pas la comprendre, à disputer avec elle, oui, disputer! sans songer que cette lutte que nous établissons entre elle et nous est presque contre Dien; c'est lui qui nous a donné ce guide infaillible pour nous diriger, infaillible quand

on veut bien l'éclairer, et surtout suivre avec soumission et sans disputer tout ce qu'il nous prescrit.

Je dis qu'il faut éclairer la conscience, c'est-à-dire, s'instruire à fond de notre divine religion, se pénétrer de l'importance de faire tout dans le but de plaire à Dieu, se créer un cœur pur, ne songer qu'à l'avantage des autres ou à notre bonheur à venir. Avec des intentions aussi droites il nous seroit doux de suivre les moindres sentimens de la conscience, et loin de chercher à les étouffer, à faire l'impossible pour les méconnoître, nous travaillerions constamment à lui en suggérer de nouveaux pour éprouver la satisfaction inestimable que goûte celui qui lui sacrifie toutes ses passions, et même ses plus légers désirs ; mais pour en venir là, il faut la rendre susceptible de vous faire connoître, non-seulement vos torts, mais l'apparence d'un tort. Pour que la conscience acquière ce haut point de délicatesse, il faut l'encourager à nous parler, par notre zèle à suivre ses avis ; ce n'est qu'en l'exerçant qu'on peut créer cette délicatesse;

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