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nouveau pénitence; chaque fois que vous péchez, venez à moi et je vous guérirai'. » Cette indulgence fut un des griefs pour lesquels le saint évêque fut condamné.

Un écrit africain, attribué à Victor de Cartenna (milieu du v° siècle), insinue, à son tour, que la discipline ancienne, maintenue encore par saint Augustin, va prendre fin. L'auteur est d'avis que la pénitence peut et doit être réitérée, à la condition toutefois que le coupable fasse l'aveu de sa faute et montre sa plaie à son médecin : opinor enim, nisi interpelletur medicus, non curatur aegrotus 2. Le caractère sacerdotal du médecin n'est pas expressément indiqué. Mais si l'on admet que la première réconciliation ou absolution a été administrée par le représentant de l'Église, comme c'était le cas ordinaire en Afrique au ve siècle, il faut bien que le « médecin » de l'âme auquel le pécheur s'adresse de nouveau, medicum non mutabis, soit un évêque ou un prêtre 3.

Cette discipline nouvelle avait pénétré jusqu'en Espagne, patrie du rigorisme, dès le vr° siècle. Les Pères du concile de Tolède de 589 se scandalisent de ce qu'en certaines églises le régime pénitentiel se soit énervé au point que les pécheurs recourent à la pénitence chaque fois qu'ils ont péché, et trouvent chaque fois des prêtres pour les réconcilier : Ut quotiescumque peccare voluerint, toties a pres

1. Mansi, Concilia, t. III, col. 1145.

2. De Poenitentia, cap. 2, P. L., t. XVII, col. 974.

3. Il s'agit bien d'une rechute et d'une seconde cure : « Sed ais mihi : Peccata peccatis adjeci et qui jam cadens erectus fueram iterum cecidi et conscientiae meae vulnus jam pene curatum peccati exulceratione recrudescit. Quid trepidas? Quid vereris? Idem semper est qui ante curavit, medicum non mutabis... Unde dudum curatus fueras, inde iterum curaberis. Ibid., cap. 12, col. 985.

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ÉTUDES DE CRITIQUE. - T. II.

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bytero se reconciliari expostulent'. Un tel abus ne peut durer. Le concile proteste contre cette audace détestable, exsecrabilis praesumptio, et contre cet usage irrégulier, non secundum canonem, et décide qu'il faut en revenir à la sévérité des antiques canons, secundum priorum canonum severitatem.

Mais c'en est fait de ces rigueurs surannées, la réitération de la confession et de la pénitence sacramentelles forme un adoucissement appelé à se répandre irrésistiblement dans toute l'Église.

VII

CHANGEMENTS DANS LA DISCIPLINE DE LA CONFESSION.

Des changements de plusieurs sortes s'introduisirent ainsi peu à peu, au cours des siècles, dans la discipline de la confession. Nous voulons noter ici ces modifications qui regardent soit le ministre, soit la matière, soit le mode de la confession, soit le moment et la formule de l'absolution, soit enfin la réité, ration et la périodicité de la confession 2.

1o Le Confesseur. - L'évêque est toujours le principal directeur des âmes et le confesseur par excellence. Mais le simple prêtre exerce concurremment avec lui le ministère de la confession. Cette intervention presbytérale dans les matières pénitentielles suppose toujours une délégation épiscopale3.

1. Can. 9, Mansi, Concilia, t. IX, col. 995.

2. Nous allons résumer ici l'étude beaucoup plus ample que nous avons consacrée à ces changements de discipline dans notre article sur la Confession du Dictionnaire de théologie catholique, t. III, col. 861-894.

3. Cf. saint Cyprien, Ep. XII, P. L., t. IV, col. 258; concile de Car

En Occident, on voit pendant de longs siècles les diacres entendre les confessions, à défaut de l'évêque ou du prêtre. Cet usage a sans doute pour fondement les textes du concile d'Elvire et de saint Cyprien que nous avons cités. Les théologiens et les conciles du haut moyen âge le justifient par leurs décisions 1. Plusieurs toutefois font observer que les diacres n'ont pas le pouvoir d'absoudre 2. Ce n'est pas le sentiment de tous les docteurs. Albert le Grand regarde l'absolution des diacres comme sacramentelle. Il va même plus loin, il étend à l'absolution des simples laïques le caractère d'un sacrement 3. Les théoriciens du dogme avaient été amenés à cette conclusion par l'auteur du De vera et falsa paenitentia qui contraignait les fidèles à se confesser aux laïques en cas de nécessité 4. On ne concevait pas qu'une confession obligatoire ne fût pas sacramentelle. Mais lorsqu'on eut mieux compris que le pouvoir d'absoudre avait été confié par le Christ uniquement aux apôtres et à leurs successeurs, on restreignit le ministère de la confession aux seuls membres de la hiérarchie revêtus du caractère sacerdotal, et la confession aux diacres ou

thage de 397 ou 418, can. 3; Socrate, Hist. eccles., lib. V, cap. 19, P. G., t. LXVII, col. 613 et suiv. Cf. notre article Confession, col. 861 suiv., 874-876.

1. Concile de Tribur de 895, can. 31, Mansi, Concilia, t. XVIII, col. 148; Etienne d'Autun († 1136), De Sacramento altaris, cap. 7, P. L., t. CLXX, col. 1279, etc. Cf. notre article Confession, col. 876-877 et Laurain, De l'intervention des laïques, des diacres et des abbesses dans l'administration de la pénilence, Paris, 1897, p. 88 et suiv.

2. Constitutions d'Eudes de Paris, en 1197, can. 56, Mansi, Concilia, t. XXII, col. 676.

3. Absolutio illa sacramentalis est, ut est baptismus a laico datus, et laicus eo casu est veri ministri, id est sacerdotis, vicarius In IVa, dist. XVII, art. 58.

4. P. L., t. XL, col. 1113.

même aux laïques finit par tomber en désuétude.

Dans l'Église grecque l'abus prit une autre forme. Les Orientaux exigeaient des directeurs de conscience des qualités spéciales de clairvoyance et de sainteté. Les confesseurs devaient être, suivant eux, des πνευματικοὶ πατέρες. C'est de l'Orient que nous est venue la qualification, aujourd'hui si répandue, de << pères spirituels. » Or il arriva que les moines exercèrent sur le peuple, par la singularité de leur vie et leurs vertus réelles ou apparentes, un prestige que n'avaient pas au même degré les membres du clergé séculier. Ils devinrent des « pères spirituels >> par excellence. Lorsqu'ils étaient revêtus du caractère sacerdotal, leur intervention dans le domaine pénitentiel n'offrait pas d'inconvénient grave. Mais les moines non prêtres usurpèrent insensiblement la fonction des prêtres. Les uns et les autres, non contents de diriger les consciences, administrèrent des absolutions'. Et il se trouva des théoriciens pour ériger cette pratique en droit. Siméon le théologien († vers 1040) soutient « qu'avant les moines, les évêques seuls avaient reçu par succession, comme leur venant des divins apôtres, le pouvoir de lier et de délier, mais qu'avec le temps, les évêques n'usant plus ou usant mal (de leur pouvoir), cette redoutable fonction... fut transférée au peuple élu de Dieu, c'est-à-dire aux moines, sans qu'elle fût pour cela ôtée aux prêtres et aux évêques 2. >>>

L'Église officielle, trop longtemps indifférente,

1. Sur tout ceci, voir notre article Confession, col. 862-867. 2. Aóуos Teрi žoμoλoyńσews, éd. par Karl Holl, Enthusiasmus und Bussgewalt beim griechischen Mönchtum, Eine Studie zu Simeon dem neuen Theologen, Leipzig, 1898, p. 119-120.

finit par s'émouvoir et réagit vigoureusement contre l'empiétement des moines. Marc d'Alexandrie demande à Balsamon s'ils ont vraiment, comme les prêtres, le droit d'entendre les confessions'. Balsamon pose en thèse que le ministère pénitentiel appartient plus particulièrement à l'évêque et que les prêtres, voire les moines prêtres, qui le remplissent sans une délégation épiscopale, commettent un abus, à plus forte raison les moines qui ne sont pas prêtres. Il ajoute que les non prêtres n'ont pas le droit de confesser, même avec une délégation épiscopale, et que si le supérieur d'un monastère est chargé d'entendre les confessions (les confessions sacramentelles, s'entend) c'est qu'il est censé être prêtre 2. Plus tard Siméon de Thessalonique reprendra la même doctrine à peu près dans les mêmes termes 3. C'est un langage que n'auraient pas désavoué les docteurs catholiques au moyen âge.

2o Matière de la confession. - La règle tracée par saint Augustin s'imposa à toute l'Église latine : fut considérée comme matière nécessaire de la confession toute infraction grave à la loi divine. La difficulté fut seulement de déterminer quelle violation de la loi était vraiment grave. Il est certain que nombre de péchés considérés jadis comme minora et venialia sont tenus aujourd'hui par les théologiens pour vraiment graves et constituent par conséquent matière obligatoire de la confession sacramentelle *.

1. Rhalli et Potli, Σύνταγμα τῶν θείων καὶ ἱερῶν κανόνων, Athènes, 1852-1859, t. IV, p. 464.

2. Explication du 6o canon d'un concile de Carthage, dans Rhalli et Potli, Syntagma, t. III, p. 311; cf. t. II, p. 69.

3. Responsa ad Gab. Pentapol., q. XIII, P. G., CLV, col. 861 et 864. Sur tout ceci, cf. notre article Confession, col. 864-867.

4. On a remarqué que les manquements au jeûne ecclésiastique et

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