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un édit publié à Rome par le cardinal Consalvi, le 13 août 1814.

XXXV. Les francs maçons (qui ne pouvaient ignorer que toutes les sociétés secrettes ont été suspectes et défendues depuis le temps des Romains) auraient dû voir que l'unique moyen de conserver leur association était de la simplifier, et de la débarrasser de tout ce qu'elle pouvait avoir de contraire au respect que les chrétiens doivent à l'Ecriture-Sainte; afin d'ôter tout prétexte aux ecclésiastiques et aux moines de prendre en mauvaise part, et de dénoncer comme dangereux, ce qui n'avait que le bien pour objet dans le dessein des francs-maçons.

XXXVI. Il n'y avait pas moins d'inconvenance à ordonner le serment exécratoire du fameux secret maçonnique, puisque les critiques n'ont pu lui découvrir d'objet, si ce n'est celui qui n'existe plus, comme on pourra le voir par le fait suivant. Jean-Marc Larmenio (successeur secret du grand-maître de l'ordre des Templiers, par la nomination verbale du malheureux Jacques de Molay, qui l'avait prié d'accepter sa dignité) créa, de concert avec d'autres chevaliers qui avaient échappé à la proscription, différens signes de mots ou d'actions pour se reconnaître, et pour recevoir secrettement de nouveaux chevaliers de l'ordre par les degrés d'un noviciat et d'une première profession, où l'on était entièrement étranger à tous les objets secrets que l'association se proposait (et qui étaient de conserver l'ordre, de le rétablir dans son ancien état de gloire, et de venger la mort de son grand-maître et des chevaliers qui avaient péri avec lui), jusqu'au moment où, après avoir bien connu les qualités du nouveau membre, on jugerait à propos

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de lui confier, sous le serment le plus redoutable et dans une seconde profession, le grand secret, le mystère si important de l'ordre.

XXXVII. Les signes secrets qui devaient servir aux chevaliers pour se reconnaître, furent inventés par le successeur immédiat du grand-maître Molay; cette précaution était nécessaire pour ne pas admettre comme frères les Templiers qui avaient formé un schisme pendant la persécution, en se retirant en Écosse, et qui refusèrent de reconnaître pour grand-maître Jean-Marc Larmenio, en prétendant qu'ils rétablissaient euxmêmes l'ordre des Templiers; prétention qui fut rejetée par le chapitre des chevaliers légitimes à la suite de cette mesure, le nouveau chef secret expédia son diplôme le 13 février 1324, et ses successeurs ont suivi son exemple en parvenant à la dignité secrette de grand-maître de l'ordre des Templiers en France. Le catalogue des grands-maîtres jusqu'en 1776 a été imprimé. En 1705, Philippe de Bourbon, duc d'Orléans, régent du royaume, fut nommé à cette dignité; Louis-Auguste de Bourbon, duc du Maine, le fut en 1724; il eut pour successeur, en 1737, LouisHenri de Bourbon-Condé. En 1745, la dignité fut conférée à Louis-François de Bourbon-Conti; en 1776, à Louis-Henri-Timoléon de Cossé-Brissac, et en 1814 à Bernard Raymond Fabre.

XXXVIII. Les chevaliers du Temple qui s'étaient retirés en Écosse, y fondèrent, en 1314, un établissement particulier, sous la protection du roi Robert Bruce; leur objet et leurs moyens étaient les mêmes; ils s'étaient cachés sous l'allégorie et la dénomination d'architectes; et tel fut le véritable commencement de l'affiliation qui a pris dans la suite le nom de franc

maçonnerie. Elle ne tarda pas ( ainsi que la société secrette qui avait conservé le nom d'ordre des Templiers) à oublier la partie la plus criminelle du serment exécratoire qu'elle faisait prêter à ses membres, puisque la mort de Clément V, de Philippe-le-Bel, des accusateurs et des ennemis de Jacques Molay, et des autres chevaliers qui avaient été condamnés, fit abandonner le projet de vengeance qu'on avait d'abord formé, et n'eut plus pour objet que le rétablissement de l'honneur de l'ordre. Cette nouvelle idée eut bientôt le sort de la première, et un siècle ne s'était pas encore écoulé lorsqu'on la perdit de vue, par la mort de ses auteurs et de leurs premiers disciples. Les nouveaux chevaliers ne virent plus dans l'objet de l'ordre que des allégories, dont l'effet naturel fut d'inspirer le goût le plus immodéré pour l'emploi des textes de l'Écriture-Sainte Il résulte de tous ces faits que le serment exécratoire est aujourd'hui sans motif et sans objet dans les loges maçonniques.

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CHAPITRE LXII.

De l'Inquisition d'Espagne sous le règne de Charles III.

I. CHARLES III succéda à son frère Ferdinand VI sur le trône d'Espagne, le 10 août 1759, et mourut le 17 novembre 1788. Les inquisiteurs généraux sous le règne de ce prince furent D. Manuel Quintano Bonifaz, archevêque de Pharsale; D. Philippe Bertran, évêque de Salamanque, et D. Augustin Rubin de Cevallos, évêque de Jaen. Le caractère de ces trois homines fut humain, compatissant, et porté à la bienveillance; qualités qui contribuèrent puissamment à réduire le nombre des auto-da-fé publics; en sorte que si on compare le règne de Charles III avec celui de son père Philippe V, il semble qu'ils aient été séparés par un intervalle de plusieurs siècles. Les progrès des lumières furent très-rapides pendant cette période; et les inquisiteurs des provinces eux-mêmes, quoiqu'il n'eût été rien innové dans les lois de l'Inquisition, adoptèrent des principes de modération inconnus sous les princes de la maison d'Autriche. On vit à la vérité, de temps en temps, quelques rigueurs pour des motifs peu importans; mais j'ai lu des procès de ce règue dont la suspension fut ordonnée, quoique les preuves en fussent bien plus concluantes que celles qui, sous Philippe II, suffisaient pour faire condamner les accusés à la relaxation.

II. Il faut convenir cependant qu'au milieu de ce sys→ tème de modération, le nombre des procès était encore immense parce que, toutes les dénonciations étant

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admises, on examinait, sans perdre de temps, les témoins de l'instruction préparatoire, afin de voir s'il en résultait quelque charge de la nature de celles que les préjugés du siècle faisaient considérer comme graves. Si, sur cent procès commencés, il y avait eu seulement dix jugemens, le nombre des pénitenciés eût surpassé celui du règne de Ferdinand V; mais le tribunal n'était plus le même. Presque tous les procès étaient suspendus au moment de décréter l'arrestation des dénoncés les évènemens ayant appris aux juges à ne procéder qu'avec une sage lenteur, ils s'en tenaient fort souvent à l'audience des charges; méthode inconnue du temps de Torquemada et de ses premiers successeurs. On prenait des moyens toujours modérés pour que le dénoncé se rendit au lieu où siégait le tribunal, sous prétexte d'y traiter de quelque affaire introduit secrettement dans la salle des audiences du Saint-Office, on lui faisait connaître les charges constatées par l'instruction secrette; il y répondait et retournait chez lui, après avoir promis de comparaître une seconde fois lorsqu'il en serait averti. Quelquefois on abrégeait la procédure, et on la terminait par un jugement qui n'imposait au condamné qu'une pénitence secrette, qu'il accomplissait sans que personne, excepté le commissaire du tribunal, en fût instruit, et sans lui faire perdre la considération dont il pouvait jouir dans le monde. On ne peut s'empêcher d'approuver cette mesure, qui sauvait l'honneur des personnes et des familles il est à regretter, pour le bien de l'humanité, qu'elle ne soit pas devenue générale.

III. Plusieurs procès commencés contre de grands personnages n'allèrent pas plus loin que l'instruction

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