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ta maison, tu obtiendras de grandes consolations ici-bas, et une magnifique cour dans l'éternelle cité.

Même méthode pour l'ouvrier. En lui faisant aimer sa condition, qui fut celle du maître de la terre et des cieux, du juge suprême des vivants et des morts, nous lui apprendrons à la relever, à l'améliorer, à l'ennoblir infiniment par la pratique de toutes les vertus.

Avec des gouvernants, une bourgeoisie et des masses, constitués ainsi par la puissance des vertus et de la doctrine chrétienne, ne voyez-vous pas qu'on obtient une société civilisée et civilisatrice, dont la marche ascendante n'a pas de limites ici-bas, et au bout de laquelle il y a la société bienheureuse du ciel?

D. Oui, et voilà pourquoi on pourrait se passer, ce semble, de votre troisième puissance éducatrice, la discipline, mot fâcheux qui pourrait bien signifier verge.

R. Bien compris, le mot de verge n'a rien de si fâcheux. Je ne pense pas que la sagesse soit un don de la verge; mais je dis avec nos saints livres que la sagesse entre diffilement dans nos âmes, et n'y prend pas domicile sans la salutaire influence de la verge. C'est presque toujours le corps qui s'oppose à l'entrée des deux premières puissances, l'exemple et la parole; que la verge leur fraye donc le passage. C'est le corps qui tend à les expulser de l'âme ou à les y étouffer; tenez donc la verge à proximité du corps.

A tout âge, principalement dans le jeune âge, les hommes ne reconnaissent le mal qu'au malheur, c'est-à-dire à la peine qui le suit. Si vous voulez les former à la fuite du mal et les préserver du malheur, il vous faut donc un système pénal conçu dans un esprit chrétien et appliqué avec une vigueur chrétienne.

Que de mères auraient épargné à leurs enfants ou petitsenfants d'affreuses hontes, d'horribles, d'éternels malheurs, si elles avaient su infliger à ces petits coupables de petites privations, et, au besoin, de petites peines afflictives! Que de saints, que de héros de plus dans toutes les conditions, si

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nous avions beaucoup de mères dont toute la conduite tint à leurs enfants le langage de la reine Blanche à son fils : J'aimerais mieux vous voir porter en terre que de vous voir orgueilleux, envieux, vindicatif, gourmand, paresseux, insoumis, etc.! » — On admire et l'on fait admirer à la jeunesse studieuse le mot de la femme de Sparte, disant à son fils partant pour la guerre : « Ne làche pas ce bouclier, mais reviens dessous ou dessus ! » Quant à moi, je préfère le mot de la reine Blanche. Les Lacédémoniennes firent le plus belliqueux, mais le plus inhumain des peuples de la Grèce; Blanche fit, du même coup, le plus humain des hommes, le plus juste des rois, le plus intrépide des guerriers.

Oui, pour l'honneur et le bonheur des hommes, il est indispensable que la discipline veille constamment dans la famille, dans les écoles, dans les États; mais il faut qu'elle soit chrétienne, c'est-à-dire que la justice distributive des récompenses et des peines ne se propose que l'amendement, la bonne éducation des hommes.

Et comme les hommes n'auraient jamais su se donner un système d'éducation qui réunit au degré convenable ces trois conditions de succès: exemple, parole, discipline, nous allons voir que le créateur et régénérateur du genre humain a pourvu à cette nécessité.

CHAPITRE III.

Que par nature les hommes sont catholiques, et qu'ils ne peuvent cesser de l'être sans se dénaturer.

D. Quelque fondée que puisse être votre thèse, la forme n'en est-elle pas trop absolue?

R. La vérité est ce qu'il y a de plus absolu par le fond, qui est Dieu même. Pour que la forme réponde au fond, ne faut-il pas qu'elle vise à être absolue? Toute la philosophie est là: Trouver l'expression complète, c'est-à-dire

absolue de la vérité. Mais laissons la métaphysique, pour en venir aux faits.

N'est-il pas vrai qu'au nord et au midi, au levant et au couchant, à tous les degrés de longitude et de latitude; que dans toutes les conditions, sur les marches du trône, dans le château, dans la boutique, dans l'atelier, dans l'échoppe, les hommes naissent parfaitement ignorants des choses divines et humaines, parfaitement incapables de se donner une religion qui les éclaire sur leur destinée et qui les forme à la connaissance et à l'amour de leurs devoirs, parfaitement incapables de se créer une société domestique et civile qui leur offre d'abord un berceau et du lait, puis les mille choses qui font d'un enfant un adulte, d'un adulte un homme?

Dites-moi, cela est-il absolument vrai, ou cela n'est-il vrai que des enfants du moyen àge ou des enfants des catholiques?

D. La question est telle, qu'elle n'exige pas de réponse.

R. Erreur! Si simple que soit la question, vous devez savoir que, de 1520 à 1852, il s'est trouvé en Europe au moins sept à huit cents millions d'hommes qui l'ont résolue de travers, qui ont soutenu leur solution par la plume, par le fer et le feu, et qu'aujourd'hui des masses armées réclament pour tous et chacun le droit naturel, imprescriptible, de discuter les bases de la société religieuse, domeslique, civile.

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N'est-il pas vrai que, toujours et partout, les enfants sont condamnés par la nature à ne savoir, en matière religieuse et civile, que ce qu'on leur apprend; qu'ils sont également incapables d'inventer de nouvelles doctrines et de contrôler celles qu'on leur enseigne?

N'est-il pas vrai que, pour former l'esprit et le cœur des enfants, il faut leur proposer, non des doutes, mais des doctrines positives; leur dire qu'il y a un Dieu, quel est ce Dieu, ce qu'il nous commande, ce qu'il nous défend, ce

qu'il réserve et aux enfants dociles et aux enfants revêches, etc., etc., etc.?

N'est-il pas vrai que tous les parents qui ont à cœur l'éducation de leur famille en agissent ainsi, qu'ils soient catholiques, protestants, libres penseurs, et qu'ils se jugeraient grandement coupables ou imprudents s'ils suivaient une autre méthode?

Que d'incrédules et d'indifférents imitent l'athée Diderot, faisant dévotement répéter à sa fille le catéchisme du curé, et pensent, comme le sceptique d'Alembert, que les enfants qui méprisent le dogme envoient la morale au diable!

Avez-vous des doutes sur la nécessité, et par conséquent la légitimité de cette manière d'élever l'enfance?

D. Non; des incrédules de huit à dix ans seraient des idiots ou de petits monstres.

R. Il est donc vrai que, jusqu'à l'âge de huit à dix ans, nous sommes tous catholiques par le fait de la nature et le jugement de la conscience universelle. Tout dans cette première éducation suppose l'existence d'une société si bien organisée sous le rapport religieux et civil, que l'enfant n'aura qu'à en suivre les lois, loin de prétendre au droit de les refondre.

soit que

De l'âge de dix à vingt ans, l'enfant passe de l'école au travail des champs ou de l'atelier, soit qu'il entre dans un collége, jugez-vous à propos de renier cette méthode? Voulez-vous qu'on avertisse notre grimaud que ce qu'il a appris dans sa famille pourrait bien n'être qu'un rêve; que tous les hommes sont faillibles; qu'il est temps pour lui de raisonner ses croyances, sa morale; qu'il est temps de s'armer du flambeau de la raison, de ne retenir en matière de dogme que ce qui lui paraîtra irrésistiblement démontré, et en matière de morale que ce qu'il jugera évidemment conforme aux principes de l'éternelle justice?

S'il est né dans une de ces communions protestantes qui nous prêchent la libre discussion de la Bible, trouvez-vous bon que ce théologien imberbe discute et confronte entre

eux les trente-quatre mille versets de la Bible, et qu'il décide en première et dernière instance les dix mille controverses qui divisent depuis des siècles les théologiens protestants sur la mission et la nature du Christ, sur sa doctrine et ses institutions? S'il est fils de libres penseurs estimant la Bible autant que l'Alcoran, voulez-vous qu'il mette en question s'il y a un Dieu ou s'il n'y en a pas; si toutes les religions sont bonnes, ou si toutes sont l'œuvre de la sottise et de la supercherie; s'il a une âme, et si cette âme doit servir le corps ou en être servie, etc., etc., etc.?

Je vous le demande : une telle besogne convient-elle aux forces intellectuelles et physiques de nos adolescents et adolescentes? Serait-elle dans l'intérêt de leur bonne instruction, de leur moralité, même de leur développement physique? Serait-elle dans les intérêts et les vœux de leurs parents, quels qu'ils soient?

D. Non, certes; les adolescents qui se jugeraient capables d'une semblable tâche seraient des prodiges d'orgueil, ennemis de toute subordination. Si cette coupable méthode n'a que trop pénétré dans l'éducation publique, il est juste de dire qu'il n'y a eu qu'une voix dans les parents, sans distinction de croyances, pour réclamer contre elle, et le résultat de la méthode a crié encore plus haut.

R. Il est donc entendu que la nature et la société nous veulent catholiques jusqu'à l'âge de vingt ans.

De vingt ans à quarante, les intérêts de l'individu et de la société exigent-ils un changement radical dans le système de notre vie morale? Les croyances et les pratiques, jusque-là nécessaires pour former des esprits éclairés et des cœurs droits, deviendraient-elles inutiles à la conservation des lumières et des vertus acquises? Voyons.

Quand le jeune homme bien élevé (c'est-à-dire catholiquement) entre en carrière; quand il va saisir les cornes de la charrue, le marteau du forgeron ou l'un des mille instruments de nos arts mécaniques; quand il reçoit, avec le bonnet de docteur, cette trousse du médecin, du chi

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