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des noms d'hommes ou de femmes qui reviennent toujours: Photius, Luther, Calvin, Zwingle, Élisabeth, etc. Il n'en faut pas davantage pour appeler l'examen, et il est impossible qu'un examen consciencieux n'élargisse pas la plaie du doute.

L'enfant du schisme et de l'hérésie cherchera-t-il un calmant dans l'autorité de ses aïeux, dans la maxime : Chacun doit suivre la religion de ses pères? - Outre que cette maxime serait plaisante dans la bouche d'un disciple de la liberté d'examen, l'histoire lui dira que les pères des premiers protestants étaient catholiques, et que les protestants du dix-neuvième siècle sont loin de la religion de leurs pères protestants du seizième (1). La conscience chrétienne lui dira aussi : « Au jour qui décidera de ton sort éternel, tu seras jugé, non par tes pères ou d'après le dire de tes pères, mais par Jésus-Christ et d'après sa maxime : Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi, n'est pas digne de moi (2).—En désertant la religion de tes ancêtres, tu ne les condamnes pas: Jésus-Christ les a jugés d'après leurs lumières, comme il te jugera d'après les tiennes. La bonne foi, qui a pu leur faire trouver grace devant lui n'existe plus pour toi, puisque tu es déchiré par le doute. En méprisant la voix qui t'appelle des ténèbres à la lumière, tu encourrais la réprobation, non-seulement de Jésus-Christ et de tes pères, mais encore de ta propre conscience. »

Tiendra-t-il le langage que vous lui prêtez : « La vie est trop courte, sa fin trop incertaine, pour que je me hasarde à chercher une autre religion que celle de mon enfance? »

La conscience lui répondra encore : « La vie du temps n'a qu'un but : le salut éternel; et l'affaire essentielle ici

(1) « Je n'aime pas les hommes qui changent de religion,» disait en 1801 un prince allemand au comte de Stolberg. « Je les aime tout aussi peu »>, répliqua l'illustre converti, «< car trois siècles après eux, ils obligent encore leurs descendants à en changer. »

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(2) S. Matthieu, X, 37.

bas est d'entrer dans la voie ouverte par le Sauveur des âmes. La difficulté de discerner cette voie des mille sentiers de l'erreur, fût-elle aussi grande qu'elle l'est peu pour les âmes droites et désireuses de la vérité, tu devrais l'aborder avec courage et avec une confiance filiale dans le Bon Pasteur qui a livré sa vie pour ses brebis, et qui laisse les quatre-vingt-dix-neuf qui marchent droit pour courir après celle qui s'est égarée. Pour ceux qui naissent, comme toi, loin du troupeau des brebis fidèles, l'essentiel est que la mort les trouve, sinon dans le bercail, du moins sur la route qui y conduit. Après la foi vivifiée par la charité, ce qui sauve de la perdition, c'est un désir sincère de la foi prouvé par les œuvres. »

Peut-être trouverez-vous que j'en ai assez dit pour établir que mon premier moyen économique n'a nient que vous avez cru y voir?

pas l'inconvé

D. Oui, et je suis curieux de vous entendre sur l'autre. moyen économique.

R. J'ai dit que ce moyen consiste à laisser aux objections contre la religion catholique la charge de se résoudre et de se détruire elles-mêmes par leur triomphe. Mais ce moyen n'appartient qu'à Dieu, qui seul peut, dans les conseils de sa justice et de sa sagesse, permettre le triomphe momentané de l'erreur et du mal. Et encore il n'emploie ce moyen qu'à l'extrémité. En effet, il suscite des hommes puissants en parole et en œuvres pour confondre les discours de l'erreur, tant que ceux-ci sont l'œuvre du petit nombre, et que l'ignorance et l'irréflexion y ont plus de part que la perversité.

Mais quand la voix des ennemis de la parole divine parvient à couvrir la voix des ministres du ciel; quand l'orgueil des incrédules, exalté par le nombre et les applaudissements de ceux qui les écoutent, ne garde plus de mesure, et que l'oreille des masses est assourdie par des millions d'échos qui leur redisent: « Laissez les prêtres rabacher dans les solitudes du sanctuaire des dogmes surannés, ridi

cules, absurdes, barbares, opposés à tout progrès : venez à nous, aidez-nous à conquérir le pouvoir, et nous ferons succéder la lumière aux ténèbres, la liberté et le bonheur à l'esclavage et aux angoisses de la superstition! » quand, dis-je, les classes lettrées, qui sont la tête des peuples, tiennent généralement ce langage, il y a une sorte de nécessité pour Dieu de dire: « Eh bien, soit! vous avez tant d'années pour répandre à pleines mains sur les peuples vos lumières, vos libertés, votre bonheur. »>

Alors, le souffle des révolutions emporte, comme une paille légère, ce qui s'oppose au gouvernement des classes soi-disant éclairées. Tous les moyens de propagande sont entre leurs mains. S'il est encore permis à la religion de réunir ses croyants dans le lieu saint, de porter ses consolations aux malades, elle devra s'en tenir là et laisser à l'incrédulité le soin d'élever les jeunes générations. Les masses entrent en grande partie dans le mouvement; elles abandonnent le catéchisme pour le journal, l'église pour le club et le cabaret; le jour du Seigneur est donné au travail ou à la débauche. Les ministres de Jésus-Christ et les âmes fidèles sont dans le gémissement et les larmes. Les partisans du progrès philosophique rayonnent de joie et s'écrient Courage! la lumière se fait, les peuples nous arrivent, nous allons assister aux obsèques du grand culte! »

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Oui, la lumière s'est faite dans la partie remuante des masses. Le peuple des révolutions n'a pas eu besoin de longs raisonnements pour saisir le dernier mot de toutes les objections contre la religion catholique.« La religion sacerdotale, qui demande à gouverner notre àme au nom de Dieu, est bien, comme on nous l'a dépeinte, une œuvre de ténèbres, un instrument d'oppression. Mais la religion politique de l'ordre, que veulent conserver les aristocrates, pour nous museler avec leurs lois et leur pouvoir, et pour nous dépouiller des biens de ce monde avec leur droit de propriété, est tout aussi absurde et encore plus inhumaine.

Finissons-en donc une bonne fois avec ces deux classes d'oppresseurs de l'humanité! »>

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Et aussitôt des armées nombreuses de pillards, d'incendiaires, d'égorgeurs, s'organisent dans l'ombre avec une célérité et un ensemble incroyables. Que Dieu, alors, ne juge pas à propos de suspendre l'exécution pour donner à la menace le temps de produire le repentir ou l'endurcissement; qu'arrivera-t-il? Les masses d'objections que l'incrédulité a répandues comme un épais nuage entre le soleil catholique et l'âme des peuples, vont donner ce qu'elles portent dans leurs flancs, vont se résoudre en une pluie de soufre et de feu. Ceux qui ont travaillé et applaudi au triomphe de l'erreur, qui ont livré aux dérisions des peuples la religion du ciel comme une œuvre de sottise et de barbarie, pris dans leurs propres filets, précipités dans la fosse creusée par leurs mains (1), lèveront des mains suppliantes, pousseront des cris déchirants vers le ciel, invoqueront celui qu'ils ont blasphémé, ou sécheront de frayeur. La terre, qu'ils ont voulu priver de la science de Dieu, n'est plus qu'un lieu de malédiction, de carnage, de vol, d'outrages à la pudeur, et le sang y touche le sang (2).

Ce remède ne vous paraît-il pas le plus court, le plus efficace contre le déluge des objections et des blasphèmes, quand il menace de submerger les élus eux-mêmes?

D. Oui, certes, mettre le feu aux quatre coins d'un pays et livrer au fer ceux qui échapperont aux flammes, ce serait en finir radicalement, et avec les objections, et avec ceux qui les propagent, qui les écoutent, et avec ceux qui les combattent.

R. Tel serait, en effet, le résultat infaillible du triomphe définitif des objections contre la religion divine. Celle-ci étant la loi de vie, l'objection qui tend à la détruire ne peut triompher sans enfanter la mort. Le péché, quand il

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est consommé, engendre la mort (1). Mais Dieu, dont la patience s'appuie sur l'éternité, ne laisse jamais le mal, et sa suivante, la mort, dépasser ici-bas la limite nécessaire à la production, ou plutôt au dégagement du bien et de la vie. Il y a donc tout lieu d'espérer que, si, la menace restant insuffisante, l'orage des objections, condensé depuis trois siècles, crève sur l'Europe, ce ne sera que pour en purifier l'atmosphère et abattre les pics orgueilleux qui y entretiennent les glaces de l'indifférence religieuse.

Ce sujet est trop intéressant, et il offre une conclusion trop naturelle de la Philosophie du catéchisme catholique, pour que nous ne lui consacrions pas nos dernières pages.

CHAPITRE IX.

Que l'Europe ne peut être ramenée au catéchisme catholique que par le fléau des objections.

D. N'y a-t-il pas quelque témérité à fixer ainsi la route par laquelle il plaira à Dieu de ramener l'Europe?

R. La chose pouvait paraître téméraire il y a dix ans, quand, au sein de la sécurité générale, l'annonce de l'explosion imminente du socialisme et de sa mission providentielle fit sourire de pitié les voyants de l'époque (2). Aujourd'hui que l'Europe a tremblé sous les premières rafales de l'ouragan, et que des millions de voix répètent : C'est à la miséricorde du Seigneur que nous devons de n'avoir pas été consumés (3), il ne me reste qu'à fixer votre attention sur la merveilleuse sagesse qui brille dans le choix du fléau.

Le premier caractère de ce fléau est d'être exclusivement l'œuvre de la sagesse humaine. - Dieu n'est pour rien dans

(1) S. Jacques, Ép. cath., I, 15.

(2) V. la Solution de grands problèmes, t. III, ch. 33-45.

(3) Jérémie, Lament., III, 22.

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