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Paris. Typographie de Firmin Didot frères, rue Jacob, 56.

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MUSET

LETTRE

DE

SA GRANDEUR MGR L'ÉVÊQUE D'ANNECY

A M. L'ABBE MARTINET.

Hâtez-vous, Monsieur l'abbé, de livrer au public la Philosophie du catéchisme catholique, que j'ai lue avec un intérêt que ne manqueront pas de partager tous les lecteurs habitués à rechercher vos ouvrages. Je ne sais si je me trompe; mais j'ai la persuasion que les lectures sérieuses doivent gagner, au moins en grande partie, ce que les journaux, les feuilletons, les compositions légères, ont perdu depuis deux ans. L'esprit général semble se transposer au grave. Les révolutions qui se succèdent avec une effrayante rapidité, et qui froissent, brisent tant d'existences, le cataclysme social dont nous menace la barbarie démagogique, jettent sur la société une teinte de mélancolie qui laisse peu de place à la frivolité. On remarque bien dans une partie de l'Europe un acheminement vers l'état normal, mais chacun sent que le repos n'est qu'à la surface et qu'il y a au-dessous une espèce d'incubation des principes révolutionnaires qui peut d'un instant à l'autre enfanter de nouveaux orages. De là, dans beaucoup d'esprits, un fonds d'inquiétude, un besoin de réfléchir, de remonter aux causes de nos convulsions sociales, d'en rechercher les véritables remèdes. De là, dans les cœurs honnêtes, une disposition à résoudre affirmativement la question posée par votre épigraphe : « N'est-il pas temps que la philosophie divine de la foi nous guérisse de la foi à la philosophie humaine? >>

Oui, certes, il est temps que notre société, pulvérisée par le dissolvant de la philosophie du doute, et qui ne périt que faute de croyances et de vertus, revienne s'imprégner des éléments indispensables de toute vie morale à l'école de Jésus-Christ. Là seulement habite, pleine de grâce et de vérité, la philosophie qui donne cette science des choses divines et humaines, vainement promise par tous les pro

grammes des sages de la terre; philosophie complète qui ne laisse sans réponse aucune des questions qui intéressent l'humanité; — philosophie vraiment universelle et populaire, qui met ses solutions à la portée des moindres intelligences, qui produit chaque jour dans un de nos hameaux chrétiens plus de sages que n'en posséda jamais la Grèce antique, et des sages qui, à l'âge de dix ans, résolvent sans efforts les formidables problèmes qu'agitèrent en vain les Pythagore, les Platon, les Aristote; philosophie éminemment croyable, puisque l'univers civilisé l'a crue et ne s'est civilisé qu'en la croyant; - philosophie éternellement inébranlable, assise qu'elle est, non sur les axiomes et les raisonnements d'une métaphysique nébuleuse, mais sur des faits aussi éclatants que le soleil ; -philosophie resplendissante de lumière, qui, par les douze articles du Symbole, a dissipé les affreuses ténèbres de l'ancien monde ; — philosophie souverainement sociale, qui, par les seize courtes lignes du Décalogue et des Commandements de l'Église, a donné à la vraie civilisation son fondement irremplacable, à tous les problèmes sociaux la meilleure des solutions, et n'a besoin que d'être observée pour faire de la société terrestre une image et un avant-goût de la société des cieux; - philosophie enfin indestructible, dont la tempête d'objections qui n'a cessé de l'assaillir n'a fait que mettre en lumière la divine solidité, et dont les triomphes momentanés de ses ennemis ne font que préparer les victoires.

Ces admirables caractères de la philosophie du catéchisme catholique, vous les développez, Monsieur l'abbé, d'une manière aussi neuve que frappante, dans tout le cours de votre ouvrage. Si vous n'aviez pas habitué vos lecteurs à trouver dans vos productions plus de choses que de mots, on se demanderait comment vous avez pu renfermer tant de matières dans quatre livres assez courts, et cependant les ranger dans un ordre si naturel, si logique, et leur donner une forme tellement simple, qu'elles se trouvent à la portée de tous les esprits doués de quelque culture. Toutefois, il y a telle partie dans votre travail qui n'eût rien perdu, qui eût gagné même à recevoir plus de développement.

La seule chose qui me paraisse superflue, c'est le soin que vous prenez, dans votre Avertissement, de réfuter les accusations iniques et absurdes que vous ont attirées quelques-unes de vos dernières publications, entre autres, la Science sociale et vos brochures populaires. Vous deviez vous attendre, Monsieur l'abbé, à ces clameurs de l'ignorance, des préjugés et des erreurs, que vous avez si peu ménagés dans vos écrits. Détruire le mur de division élevé par l'esprit moderne entre la science divine et la science sociale, entre l'ordre religieux et l'ordre politique; mettre en lumière l'étroite connexité, ou mieux, l'identité des questions religieuses et des questions sociales;

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