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Les gardes du temple en donnèrent aussitôt avis au magistrat. Il s'y rendit, et ne trouva pas peu de difficulté à la faire refermer. Les ignorants l'interprétèrent encore comme un bon signe, disant que c'était une marque que Dieu ouvrait en leur faveur ses mains libérales pour les combler de toutes sortes de biens. Mais les plus habiles jugèrent, au contraire, que le temple se ruinerait par lui-même, et que l'ouverture de ses portes était le présage le plus favorable que les Romains pussent souhaiter. Un peu après la fête, il arriva, le vingt-septième jour de mai, un événement que je craindrais de rapporter, de peur qu'on ne le prit pour une fable, si des personnes qui l'ont vu n'étaient encore vivantes, et si les malheurs qui l'ont suivi n'en avaient confirmé la vérité. Avant le lever du soleil, on aperçut en l'air, dans toute cette contrée, des chariots pleins de gens armés traverser les nues et se répandre autour des villes comme pour les enfermer. Le jour de la fête de la Pentecôte, les sacrificateurs étant la nuit dans le temple intérieur pour célébrer le service divin, ils entendirent un bruit, et après ce bruit, une voix qui répéta plusieurs fois : Sortons d'ici! Sortons d'ici! (JOSEPHE.)

12. Mais avant tout cela, ils se saisiront de vous et vous persécuteront. - Que de tempêtes excitées contre l'Église! que de guerres, que de conjurations! quels effroyables supplices impossibles à décrire, impossibles encore, ce semble, à supporter! Quel déchaînement d'ennemis, non pas seulement étrangers, mais domestiques! Citoyens, amis, serviteurs, parents, tous armés contre elle: c'était une guerre civile qui partageait les familles, et plus encore que tout l'acharnement des guerres civiles. Toutefois, bien loin d'arrêter les progrès de cette Église si violemment combattue, les persécutions mêmes n'ont fait que les accélérer. Et remarquez bien que c'était au moment de sa naissance que l'Église se voyait en butte à ces furieux assauts. Que les tempêtes fussent venues l'assaillir après qu'elle avait jeté de profondes racines, que la prédication évangélique s'était répandue par toute la terre, il y aurait peut-être de quoi moins s'étonner de la résistance; mais dans un temps où la semence de la foi chrétienne commençait à peine à lever, où les germes en étaient encore faibles et délicats, nonseulement n'être point affaiblie par tant d'orages, mais en recevoir un nouvel accroissement, c'est bien là, sans contredit, la plus étonnante de toutes les merveilles. Dieu l'a voulu ainsi, pour que l'on n'eût pas à dire que ce qui a affermi l'Église, c'était la paix que les maîtres du monde lui ont donnée; non, puisque le temps où elle a été le plus vio

lemment attaquée, c'est celui où elle était dans sa plus grande faiblesse, celui où elle ne faisait que de naître. (SAINT JEAN-CHRYSOSTOME.)

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19-20. Beaucoup d'entre vous seront immolés, et vous serez en haine à toutes les nations à cause de mon nom; mais pas un cheveu de votre tête ne périra. Par votre patience vous sauverez vos âmes. — Quand est-ce que l'Église a vu des chrétiens dignes de ce nom? C'est lorsqu'elle était persécutée, lorsqu'elle lisait à tous les poteaux des sentences épouvantables contre ses enfants, et quelle les voyait à tous les gibets et dans toutes les places publiques immolés pour la gloire de l'Évangile. Durant ce temps, il y avait des chrétiens sur la terre; il y avait de ces hommes forts, qui, nourris dans les proscriptions et dans les alarmes continuelles, s'étaient fait une glorieuse habitude de souffrir pour l'amour de Dieu. Ils croyaient que c'était trop de délicatesse pour un disciple de la Croix, que de chercher le plaisir en ce monde et en l'autre. Comme la terre leur était un exil, ils n'estimaient rien de meilleur pour eux que d'en sortir au plus tôt. Alors la piété était sincère, parce qu'elle n'avait pas encore appris le secret de s'accommoder au monde. Simple et innocente qu'elle était, elle ne regardait que le ciel, auquel elle prouvait sa fidélité par une longue patience. Tels étaient les chrétiens de ces premiers temps; les voilà dans leur pureté, tels que les engendrait le sang des martyrs, tels que les formaient les persécutions. Maintenant une longue paix a corrompu ces courages mâles, et on les a vus ramollis depuis qu'ils n'ont plus été exercés. Le monde est entré dans l'Église. On a voulu joindre Jésus-Christ avec Bélial; et de cet indigne mélange quelle race enfin nous est née? une race mêlée et corrompue, des demi-chrétiens, des chrétiens mondains et séculiers, une piété bâtarde et falsifiée... O piété d'aujourd'hui ! viens que je te mette à l'épreuve. Voici une tempête qui s'élève; voici une perte de biens, une insulte, une disgrâce, une maladie. Quoi! tu te laisses aller au murmure, ô vertu contrefaite et déconcertée! Tu ne peux plus te soutenir, piété sans force et sans fondement. Va, tu n'étais qu'un vain simulacre de la piété chrétienne; tu n'étais qu'un faux or qui brille au soleil, mais qui ne dure pas dans le feu, mais qui s'évanouit dans le creuset. La piété chrétienne n'est pas faite de la sorte: le feu l'épure et l'affermit. (BossUET.)

23. Et comme l'iniquité aura abondé dans un grand nombre, la charité se refroidira. Combien n'est-elle pas déjà refroidie parmi nous cette

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divine charité sans laquelle toute religion est vaine! A vous voir réunis comme vous l'êtes dans ce temple, au pied des autels, écoutant en silence la voix de votre pasteur, ou faisant retentir ces voûtes sacrées des mêmes paroles et des mêmes accents, ne dirait-on pas qu'un même esprit, un même sentiment de paix et de charité anime tous les cœurs? Mais à peine sortis de l'église, quel contraste! On se disperse, on se sépare pour s'accuser, s'injurier même les uns les autres. Dans celui-ci, jalousie secrète du bien qui ne lui appartient pas; dans celui-là, projets de vengeance, machinations artificieuses, désirs impudiques sur la femme d'autrui. Si les cœurs se montraient à nu, quelles humiliantes révélations n'aurais-je pas à vous faire? Notre société chrétienne, dans ses temples et hors de ses temples, que présente-t-elle? Pas autre chose que l'image d'un camp, où des soldats des deux armées ennemies viennent, durant les moments de trève, se réunir sans armes les uns près des autres; à peine la trève a-t-elle expiré, que l'on se quitte pour s'égorger mutuellement. N'est-ce pas là être en guerre plutôt qu'en paix? Il faut être continuellement sur ses gardes, ne se parler qu'à l'oreille, vivre dans une défiance réciproque les uns des autres, se condamner au silence, pour peu qu'il arrive un visage étranger. Où est la confiance qui devait régner entre des amis? Ce n'est point envie de nuire, me dites-vous, mais pure précaution. Mais, vous dirais-je à mon tour, ce besoin de précaution, que prouve-t-il, sinon que nous sommes environnés de piéges, toujours sur un champ de bataille, et que la charité est déjà considérablement refroidie parmi les chrétiens? (SAINT JEAN-CHRYSOSTOME.)

24. Celui qui persévérera jusqu'à la fin sera sauvé. Mais comment pourrons-nous jamais persévérer ainsi, nous qui sommes si faibles et si fragiles? A cela je réponds: Appliquez-vous d'abord à vous bien affermir dans la pratique des devoirs que Jésus-Christ vous impose; ensuite, si vous tombez une fois, deux fois ou même davantage, ne vous découragez pas; relevez-vous autant de fois que vous aurez failli; reprenez toujours le combat, et continuez-le jusqu'à ce que la palme de la victoire soit entre vos mains, et que vous ayez placé le trésor de vos vertus là où les vers ne rongent point, et où les voleurs ne fouillent ni ne dérobent. Quand l'amour de la sagesse et de la verlu sera devenu pour vous une sainte habitude, alors vos fautes seront beaucoup moins fréquentes et moins graves; car la seconde nature formée en vous rendra vos devoirs, non-seulement faciles, mais encore agréa

bles; que dis-je ? la pratique du bien finira par devenir pour vous un besoin comme celui de dormir, de manger, de boire et de respirer. Vous ne serez pas encore impeccables, car l'homme ne peut pas l'ê're sur la terre; mais, avec la grâce de Dieu, vous ne violerez plus ses commandements d'une manière notable; vous n'aurez plus à vous reprocher que les négligences inséparables de la fragilité humaine. Persévérez donc; et la tristesse, qui maintenant remplit votre cœur, se changera en une joie toute céleste; après avoir lutté péniblement contre les orages et les tempêtes, votre âme se trouvera comme sur une plage tranquille, en présence du rivage de l'éternité; et quand viendra le moment, vous entrerez dans le port, votre navire chargé de précieuses richesses. (SAINT JEAN-CHRYSOSTÔME.)

ÉLÉVATION.

C'est en vain, bon Sauveur, que vos disciples appellent vos regards et votre admiration sur la magnificence et la solidité du plus beau des monuments de Jérusalem: votre divine prescience vous laissait voir, dans un avenir prochain, la destruction de ce superbe édifice que la main des hommes vous avait consacré; ce temple, qui avait eu le bonheur de vous voir dans son enceinte, ébranlé jusque dans ses fondements, et ses pierres énormes dispersées une à une sur le sol d'où s'élevait naguère l'encens de la prière et des sacrifices. A la vue de votre tristesse, bon Jésus, je pense à l'édifice de mon salut, et je me demande si les œuvres sur la solidité desquelles je fonde l'assurance de mon bonheur à venir, n'auront pas le sort de ces pierres dont aucune n'a pu échapper à la destruction. Chacune d'elles ne renferme-t-elle pas quelque vice secret qui doit vous la faire écarter comme n'étant point digne de nous ouvrir l'entrée de votre royaume? Seigneur, Seigneur, purifiez de plus en plus notre intention; que nos actions n'aient pour but que de vous connaître mieux, et d'aller plus sûrement à vous faites que nous n'oubliions plus qu'en nous rangeant au nombre de vos disciples, nous nous sommes engagés à supporter avec courage les tribulations de la vie; que, par la patience et la persévérance seulement, nous pourrons triompher de nous-mêmes, des ennemis de notre salut et arriver à l'éternelle jouissance de votre vue. Amen.

CHAPITRE XCII.

Jésus, sur la montagne des Oliviers, continue d'instruire quatre de ses disciples.

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1-16. Il prédit la ruine de Jérusalem.-17-29. I prédit ensuite la chute de Rome paienne, le règne de son Église, et en même temps la chute du monde entier (la nuit du mardi au mercredi saint, quatrième année de la vie publique du Sauveur).

MATH., XXIV, 15-36; Marc, XIII, 14-32; Luc, XXI, 21–36.

Cùm ergò videritis abominationem desolationis, quæ dicta est à Daniele prophetâ, stan.

legit intelligat :

1. Et lorsque vous verrez s'élever dans le lieu saint l'abomination de la désolation

tem in loco sancio, qui prédite par le prophète Daniel (Que celui qui lit s'applique à comprendre),

Tunc qui in Judæâ

2. Alors que ceux qui sont dans la Juet qui in medio ejus dis dée fuient vers les montagnes 2; que ceux

sunt, fugiant ad montes:

cedant et qui in regio

nibus, non intrent in

eam.

Et qui in tecto, non descendat tollere aliquid de domo suâ :

Et qui in agro, non reveriatur tollere tunicam suam.

qui sont dans la ville se retirent; et que ceux qui sont dans les régions voisines n'y entrent point;

3. Et que celui qui est sur le toit ne descende point dans sa maison pour en emporter quoi que ce soit 3;

4. Et que celui qui est dans les champs ne revienne pas pour reprendre son vête

ment.

1. Beaucoup d'interprètes pensent qu'il s'agit ici des aigles romaines, que l'on considérait comme les génies de l'empire, et auxquelles on rendait un culte superstitieux. Voici les paroles du prophète : « Et il confirmera l'alliance à plusieurs dans une semaine; et au milieu d'une semaine l'oblation et le sacrifice cesseront; et l'abomination de la désolation sera dans le temple, et persévérera jusqu'à la consommation et à la fin. »

22. C'est ce que firent les chrétiens qui s'enfuirent en effet vers les montagnes, à la ville de Pella, comme marquent les histoires: ce qui fut cause qu'on ne voit point qu'ils aient souffert en Jérusalem, né qu'il s'y en soit trouvé aucun durant le siége de Tite. (POSSUET.)

3 3. Les toits des maisons étaient en plates-formes, et on y montait ordinairement par le dehors.

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