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de sévir, de couper, de retrancher. Mais, même dans ces tristes circonstances, il faut encore être plein de miséricorde. (S. GRÉGOIRE, pape).

21-22. Alors le royaume des cieux sera semblable à dix vierges, qui, ayant pris leurs lampes, allèrent au-devant de l'époux et de l'épouse. Cinq d'entre elles étaient folles. C'est sous une autre figure, un autre avertissement de se tenir prêt. Combien Jésus le répète-t-il? Et cependant nous sommes sourds. Il semble n'avoir destiné les derniers jours de sa vie qu'à nous préparer à la mort, et que ce soit là son unique affaire. C'est en effet celle d'où tout dépend. Dix vierges. C'est un état saint qui n'est pas donné à tout le monde, ainsi qu'il le dit ailleurs Tous n'entendent pas cette parole, mais ceux à qui il a été donné. En voici dix qui ont entendu cette haute parole, à qui ce don excellent a été donné, et néanmoins il y en a cinq qui périssent. Tremblez donc, vous tous qui avez reçu ce don, et apprenez à le faire valoir. Cinq étaient folles, sans précaution, sans prévoyance. Ces folles ne prirent pas d'huile. Elles disent : l'huile nous manque, nos lampes s'éteignent. La charité leur manque, les bonnes œuvres leur manquent: la charité, le plus excellent de tous les dons, sans quoi tous les autres, et même celui de la prophétie, et même celui du martyre, n'est rien, ni par conséquent celui de la virginité. Elles sommeillèrent et elles dormirent. Celles qui ont d'huile leur provision, peuvent demeurer tranquilles, mais les autres, elles doivent profiter du temps pour en acheter et amasser de bonnes œuvres. (BOSSUET.)

22. Cinq d'entre elles étaient sages, et les cinq autres étaient folles. -Il y a donc des âmes vraiment pieuses, et d'autres qui n'ont qu'une piété apparente. Un signe infaillible auquel on peut distinguer ces dernières, c'est qu'elles manquent toutes de charité. Parlout où vous ne verrez point la tendre compassion, la douceur qui prévient, la bonté qui pardonne, la sévérité pour soi et l'indulgence pour les autres, quels que soient les dehors, quelque spécieuse que soit la conduite, dites sans crainte de vous tromper : La vraie vertu n'est point ici. Les vierges folles, dans l'Evangile, sont parées comme les vierges sages; comme celles-ci, elles portent leurs lampes, elles vont au même festin, elles courent au-devant du même époux : jusque-là nulle distinction, nulle différence; mais bientôt vous cesserez de les confondre. Leurs lampes, faute d'aliment, vont s'éteindre, leur huile est épuisée, c'est-à-dire, dans le sens de la parabole, qu'elles n'ont ni l'onction, ni la douceur, ni l'esprit de charité. (DE BOULOGNE.)

23. Or celles qui étaient folles, ayant pris des lampes, n'emportérent point d'huile. - Toutes ont des lampes, parce que les réprouvés, aussi bien que les élus, peuvent présenter des œuvres bonnes en ellesmêmes; mais elles n'ont pas toutes ce qu'il faut pour rendre ces lampes utiles. Pour arriver jusqu'à l'époux, il faut en outre de l'huile, c'est-à-dire, il faut que les œuvres extérieures que l'on a faites renferment en elles-mêmes une vertu digne d'être récompensée par la gloire «Toute la gloire de la fille du roi,» disait déjà le psalmiste en parlant de l'assemblée sainte des élus, « vient des vertus qui sont en elle. » Le retard de l'époux et le sommeil de ces vierges nous indiquent le temps qui nous sépare du jugement dernier, et durant lequel les élus et les réprouvés doivent, les uns et les autres, s'endormir dans la mort. Cette clameur soudaine qui se fait entendre au milieu de la nuit, nous avertit que le souverain juge viendra nous surprendre au moment où nous n'y penserons pas. A cette voix puissante, les élus et les réprouvés sortent du sommeil du tombeau, et comptent en eux-mêmes les œuvres sur lesquelles ils peuvent fonder l'espérance d'arriver à l'éternelle félicité. Les vierges folles voient leurs lampes s'éteindre; ainsi les réprouvés verront s'évanouir l'éclat de leurs œuvres, qui au. ront un instant brillé aux yeux des hommes; ils comprendront qu'ils n'ont plus de récompense à espérer de la part de Dieu, parce que déjà ces œuvres ont été récompensées par les louanges humaines en vue desquelles elles ont été faites. (Saint Grégoire, pape.)

23. Mais si ce serviteur est méchant, et qu'il dise en lui-même : Mon maître tarde toujours; et qu'il se mette à frapper ses compagnons. Nous avons vu le bon serviteur avec ses deux bonnes qualités, la fidélité et la prudence. Voyez maintenant la peinture que Jésus-Christ fait du mauvais dispensateur de ses grâces et de ses mystères. Ce serviteur dit en son cœur. Il ne le dit pas en termes exprès, mais il agit sur ce fondement, et il le dit par ses œuvres. Mon maître tarde: malheureux qui croit échapper de ses mains, à cause qu'il ne frappe pas d'abord, et qui s'estime heureux, à cause qu'il retarde son dernier supplice. Il bat les serviteurs et les servantes. Il abuse de son pouvoir, il les maltraite quelquefois en les frappant véritablement, ce que saint Paul défend, en disant que l'évêque ne doit point frapper ni être violent; à quoi il faut aussi rapporter les injures et les duretés qu'il leur dit, qui sont une espèce de plaie à la réputation, et à la vie de l'honneur. Mais le grand coup que donne ce mauvais économe à ses compagnons, c'est

lorsqu'il les scandalise, car alors il frappe leur conscience faible, en quoi il pèche contre Jésus-Christ, et fait pécher son frère, pour qui Jésus-Christ est mort. (BOSSUET.)

28-29. Donnez-nous de votre huile. Allez plutôt à ceux qui en vendent. Donnez-nous de votre huile. Ainsi parlent ceux qui, sans se soucier de faire eux-mêmes de bonnes œuvres, mettent toute leur espérance aux prières et aux mérites des saints. Remarquez: elles s'éveillent toutes; toutes, elles se lèvent; toutes, elles préparent leurs lampes, et néanmoins cinq périssent et sont exclues du festin. Ce ne sont point des personnes vicieuses, ni insensibles, ni tout à fait sans bonnes œuvres; elles commencent beaucoup, et n'achèvent rien. O combien périront par ce défaut! Nous n'en avons pas pour vous et pour nous, chacun de nous portera son fardeau au tribunal de JésusChrist. Que chacun s'éprouve soi-même, car en cette sorte il aura sa gloire en lui-même, et non dans les autres. Car encore qu'en un autre sens, nous devions par la charité porter les fardeaux les uns des autres, néanmoins, en ce dernier jugement, chacun sera jugé, non selon les œuvres des autres, mais selon les siennes. Allez à ceux qui en vendent; vous à qui l'huile manque, vous qui ne méritez pas de véritables louanges, allez à ceux qui les vendent; allez aux flatteurs qui, par un bas intérêt, vous feront accroire avec tous vos vices que vous êtes vertueux. Pendant qu'elles allaient acheter, pendant que leurs flatteurs les amusaient par la vaine opinion qu'ils leur donnaient de leur sainteté, l'époux vint; elles vinrent tard, et la porte leur fut fermée. Elle est fermée pour ne s'ouvrir plus; et votre exclusion est sans remède. (BOSSUET.)

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30. Or, pendant qu'elles étaient en marche pour s'en procurer, l'époux arriva; celles qui étaient préles entrèrent avec lui dans la salle des noces, et la porte fut fermée. Que l'exemple de ces vierges Yous rende sage. Celles dont les lampes manquaient d'huile se trouvèrent au dépourvu quand il fallut aller au-devant de l'époux. C'est pour cela que l'Écriture les appelle folles, parce que, consumant à aller chercher de l'huile tout le temps où elles devaient avoir leurs lampes allumées, la porte du festin leur fut fermée, et elles se virent exilées de la compagnie de l'époux. En différant, comme vous le faites, d'année en année, de mois en mois, de jour en jour; en négligeant de fournir d'huile da lampe qui doit vous éclairer au moment suprême,

vous vous exposez à être surpris au moment où vous ne vous y attendrez pas; alors que, voyant en vous les principes de la vie subitement épuisés, livré à l'angoisse, au désespoir, qui vous environneront de toutes parts; condamné par le médecin, déjà pleuré par vos proches, dévoré par les ardeurs d'une fièvre brûlante, exhalant à peine de stériles gémissements, vous articulerez de vains sons qui ne pourront être entendus, et ne passeront que pour des rêveries. Comment, à ces derniers moments, ressusciter en vous la grâce qui seule peut assurer votre salut? Qui prendra sur lui-même de parler des secours de la religion à ce malade plongé dans un mortel assoupissement? Ses parents ne s'occupent que de la perte qu'ils vont faire; les étrangers s'en embarrassent peu; les amis n'oseraient parler, de peur de jeter le trouble dans son âme; le médecin lui donne encore de trompeuses espérances. Enfin il meurt dans ce déplorable état, et la porte du ciel lui est fermée. (SAINT BASILE-LE-GRAND.)

31. Quelque temps après, les autres vierges arrivèrent aussi et se mirent à dire : Seigneur, Seigneur, ouvrez-nous! — Voyez qu'elles ne sont pas de celles qui n'ont point de soin de bien faire, ou qui négligent entièrement leur salut. Ce sont des vierges séparées des sens et des plaisirs; il n'est pas dit qu'elles souillent leur chasteté; elles ont des lampes, elles dorment à la vérité, et ne sont pas sans beaucoup de langueur, mais enfin elles s'éveillent; elles vont avec diligence acheter de l'huile, elles font imparfaitement quelques bonnes œuvres, enfin elles accourent et avancent jusqu'à la porte; elles frappent même et disent: Seigneur, Seigneur! Mais tous ceux qui m'appellent Seigneur, Seigneur! n'entreront pas pour cela dans le royaume des cieux. Je ne trouve pas les œuvres pleines devant mon Dieu. La pénitence tardive frappe vainement, parce qu'elle n'est pas pleine ni sincère. Viendra le temps qu'encore qu'on frappe on n'entrera point. C'est ce que disait saint Jacques Vous demandez, et n'obtenez pas, parce que vous demandez mal. Ce qui arrive à ceux qui demandent la prolongation de leurs jours, non pour faire pénitence, mais pour les employer à leurs convoitises. Vient enfin le dernier moment, et les hommes croient qu'on demande bien; mais celui qui sonde les cœurs, sait le contraire, et il vous renvoie avec les hypocrites et les infidèles, où il y aura des pleurs, et un cruel grincement de dents. (BOSSUET.)

32. Mais l'époux leur répondit : Je vous le dis en vérité, je ne vous

connais point. C'est la vérité éternelle qui vous parle, et qui se prend elle-même à témoin. Vos flatteurs vous promettent tout; mais moi, je vous tiens un autre langage. Et quel langage? Je ne vous connais pas. Malgré vos bons désirs, vos volontés imparfaites, vos commencements de vertu, je ne connnais en vous ni mon image que j'avais formée, ni le caractère de chrétien, ni celui d'homme raisonnable, ni rien enfin de solide, ni de véritable. Allez, je ne vous connais point. Vous n'êtes donc pas de mes brebis; car je connais mes brebis, et je leur donne la vie éternelle. Vous n'avez donc rien à prétendre, vous que je ne connais pas. Oh! que me serviront tant d'amis, tant de connaissances! Tout le monde, toutes les cours vous louent, vous connaissent; vous avez de grandes entrées partout, mais que vous sert tout cela, si Jésus-Christ ne vous connaît pas? Cherchez pourquoi Jésus-Christ ne connaît pas ceux qui semblent le connaître si bien, et l'appellent deux fois, Seigneur, Seigneur. C'est que celui qui dit qu'il le connaît, et ne garde pas ses commandements, est un menteur. Mais il en garde une partie. Je ne vous connais pas; soyez parfait comme votre Père céleste est parfait, autrement il ne vous connaît pas. (BOSSUET.)

ÉLÉVATION.

Mon Sauveur! il est si doux et si consolant de penser à vous, comme à un père plein de tendresse et d'indulgence, qu'il est à craindre que souvent nous oubliions qu'à côté de cette immense miséricorde, qui est un de vos plus touchants attributs, il y a votre justice qui doit être satisfaite. Nous ne faisons pas assez d'attention à cette paternelle prévoyance par laquelle, à chaque page de votre Évangile, vous nous rappelez cette vérité terrible dont les affaires, les plaisirs, les distractions de chaque jour, détournent notre cœur et notre pensée. Nous nous rassurons, parce que nous ne nous croyons pas au nombre des plus mauvais, parce qu'à certaines heures nous vous adressons quelques prières, que nous observons la lettre de la loi; mais avons-nous cet esprit qui vivifie les actions de l'homme, et leur fait produire des fruits pour l'éternité? Songeons enfin à nos seuls véritables intérêts pendant qu'il en est encore temps; écoutons cette voix divine qui nous presse de nous faire précéder au pied de son trône redoutable par des œuvres qui, nous rendant agréables à ses yeux, nous méritent d'être reçus dans la bergerie du Père de famille, à côté de ceux que leur innocence ou leur repentir à fait placer au sein de la gloire. Amen.

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