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8. Entrez dans la joie de votre Maître. Entendez cette joie sublime, divine, incompréhensible, qui n'entre pas dans votre cœur comme dans un vaisseau plus vaste qu'elle; mais qui, plus grande que votre cœur, l'inonde, le pénètre, l'enlève à lui-même. Ce n'est pas sa joie qu'il ressent, c'est la joie de son Seigneur où il entre; c'est la félicité de son Dieu, parce qu'il devient un même esprit par un amour immuable; si bien que, semblable à Dieu, et Dieu en quelque façon dans cette union, tout ce qu'il y a de mortel en lui est englouti par la vie ; il ne sent plus que Dieu seul, et entre dans la plénitude de la joie de Dieu. Alors tous ses désirs sont contents; avec la capacité de son âme, son espérance est remplie. Nul mouvement de son cœur, nulle partie de lui-même ne peut échapper au souverain bien qui le possède... Voilà où il faut tendre, voilà ce que nous avons à désirer. « Hâtonsnous, dit saint Paul, d'entrer dans ce repos. On ne vient pas à un si grand bien sans en avoir désiré la jouissance: il faut goûter par avance ces saintes douceurs. C'est pourquoi Dieu nous a donné, dès cette vie même (présent admirable envoyé du ciel!), un écoulement de la gloire dans la grâce, un essai de la claire vue dans la foi, un avant-goût de la possession dans l'espérance, une étincelle de la charité consommée dans la charité commencée. » (Bossuet.)

18. Lorsque le Fils de l'homme viendra dans sa majesté et tous les anges avec lui, etc. - Que sera-ce donc à ce formidable jour où les voûtes des cieux seront ébranlées, où le soleil s'obscurcira et la lune ne donnera plus sa lumière? Combien plus alors ils s'écrieront: Dieu grand! Dieu terrible! Représentez-vous donc, s'il est possible, cette gloire, cette terreur de son dernier avénement, alors qu'il enverra ses anges d'un bout à l'autre de l'univers; que la nature entière sera dans le trouble et le désordre; que la terre, ébranlée dans ses fondements, sera sur le point de s'écrouler; que les tombeaux s'ouvriront pour rendre leurs morts à la lumière; que les innombrables générations entassées dans les sépulcres, en sortiront ressuscitées; que le ciel se repliera comme la voile d'un navire battu par l'orage; alors que l'enquête rigoureuse commencera; que du tribunal où viendra s'asseoir le souverain Juge, s'échapperont des torrents de feu; que des livres seront ouverts; que chacun des actes de notre vie, même ceux qui paraissent ensevelis dans les ténèbres, seront manifestés; que tous les crimes seront punis par d'affreux et intolérables châtiments; que les démons, altérés de sang, envahiront leur proie et l'entraîneront dans les enfers. Plus de majestés

terrestres, plus de diadèmes, plus de faisceaux consulaires, plus de noms d'empereurs et de rois. D'un côté, le peuple des réprouvés ; de l'autre, les saintes légions des anges, des prophètes, des apôtres, des confesseurs, des pontifes saints et des pieux solitaires, introduits avec pompe au séjour des immortelles récompenses. Ah! quelle bouche humaine racontera dignement cette gloire promise à Jésus-Christ pour le terrible jour de son jugement? (SAINT JEAN-CHRYSOSTOME.)

18. Lorsque le Fils de l'homme viendra dans sa majesté, il s'asseoira sur le trône de sa gloire. — Rappelez-vous quelle fut la consternation des Israélites auprès du mont Sinaï, consternation telle, qu'ils supplièrent Moïse de leur parler lui-même à l'avenir, et de leur épargner pour toujours le spectacle terrible de la majesté de Dieu. Cependant le Seigneur ne venait à eux que dans des vues de miséricorde ; des signes sinistres n'avaient point paru dans les astres, le soleil ne s'était pas couvert d'un voile ensanglanté, les étoiles ne s'étaient point précipitées tumultueusement vers la terre, et un embrasement général n'avait point dévoré l'univers. Que sera-ce donc lorsque l'agitation de tous les éléments, et la chute du monde épouvanté annonceront l'arrivée du Seigneur dans sa justice inexorable? lorsque la voix de l'Ange fera retentir sur les ruines de l'univers cette parole aussi étrange que puissante: «Levez-vous, morts!!! » et lorsque le souverain Juge assis sur son trône redoutable, appellera à lui tous les enfants de la terre? Où seront en ce moment la force et l'audace de la chair? Où sera l'orgueil de la science humaine? Où sera l'assurance de l'impiété? Où sera la sécurité de l'endurcissement dans le crime? Que deviendrout les grandeurs, les richesses, les talents, la beauté, et toutes les prétentions de la vie présente? - En ce jour-là, Dieu seul sera grand, et le juste seul paraîtra devant lui avec confiance. (SAINT ÉPHREM.)

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19. Et toutes les nations seront rassemblées devant lui; et il séparera les uns d'avec les autres, comme le berger sépare les brebis d'avec les boucs. On verra le Fils de l'homme parcourant des yeux, du haut des airs, les peuples et les nations confondus et assemblés à ses pieds; relisant dans ce spectacle l'histoire de l'univers, c'est-à-dire des passions ou des vertus des hommes; on le verra rassembler les élus des quatre. vents; les choisir de toute langue, de tout état, de toute nation; réunir les enfants d'Israël dispersés dans l'univers; exposer l'histoire secrète d'un peuple saint et nouveau; produire sur la scène des héros de la foi,

jusque-là inconnus au monde; ne plus distinguer les siècles par les victoires des conquérants, par l'établissement ou la décadence des empires, par la politesse ou la barbarie des temps, par les grands hommes qui ont paru dans chaque âge, mais par les divers triomphes de la grâce, par les victoires cachées des justes sur leurs passions, par l'établissement de son règne dans un cœur, par la fermeté héroïque d'un fidèle persécuté... La disposition de l'univers ainsi ordonnée; tous les peuples de la terre ainsi séparés; chacun immobile à la place qui lui sera tombée en partage; la surprise, la terreur, le désespoir, la confusion peints sur le visage des uns; sur celui des autres la joie, la sérénité, la confiance; les yeux des justes levés en haut vers le Fils de l'homme d'où ils attendent leur délivrance; ceux des impies fixés d'une manière affreuse sur la terre, et perçant presque les abîmes de leur regard, comme pour y marquer déjà la place qui leur est destinée : le jugement commencera.

(MASSILLON.)

20. Et il placera les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche. Assis sur les ruines du monde, tenant en main la foudre qui vient de le détruire, Dieu fera sentir à l'incrédule qu'il avait donc pu créer le monde, puisqu'il l'anéantit; que cet univers n'était donc pas confondu avec l'Etre par excellence; que sa volonté faisait ici-bas le destin, et que ce qu'ils appelaient la nature n'était que l'art de sa puissance. Ah! je les vois ces contempteurs odieux du souverain pouvoir, couverts de honte, effrayés de leur audace, épouvantés du ridicule de leurs systèmes et du vide désespérant que leur présentent les vains noms de hasard et de fatalité; ne pouvant plus comprendre qu'ils aient poussé l'aveuglement et la fureur jusqu'à confondre l'Éternel avec un frêle amas de boue qui n'a duré qu'un jour, et doutant en quelque sorte de leur ancien délire. Accablés sous le poids de la grandeur du Tout-Puissant, tout investi de son immensité, ils voudraient se dérober à son aspect, ou du moins pouvoir se fuir eux-mêmes; ils souhaitent, ils appellent à grands cris le néant, ils ne voient partout que l'éternité. —Ah! que la puissance de Dieu sera vengée dans ce jour où l'infidèle verra tous ces mortels déifiés, plus timides que les esclaves; toute la milice du ciel, devant qui la terre se prosterna, dissipée comme de la poussière; et ce soleil qui reçut tant d'encens, éteint, comme un flambeau, par le souffle du Tout-Puissant! (DE BOULOGNE.)

20. Et il placera les brebis à sa droite, et les boucs à sa gauche. Que n'aura point à craindre alors la troupe des impies? Ce qui est cause

que Dieu ne répand pas sur elle toute sa colère, c'est le mélange des bons et des mauvais; et il épargne les uns pour l'amour des autres. Après la séparation, quelle vengeance! Mais quelle horreur aura-t-on des mauvais? Ils se cachent ici parmi la foule, et se mêlent avec les bons; là, que toute leur difformité paraîtra, et qu'on les comparera avec les justes plus resplendissants que le matin, et avec le Fils de l'homme qui est la justice même, quel désespoir! Toi qui disais : Tout meurt avec moi; mon âme s'en ira comme un souffle : la voilà toute vivante. Voilà même ton corps dissipé qui a repris sa forme et sa consistance; te voilà tout entier. Mais pourquoi? pour un opprobre éternel, pour voir toujours ton ignominie et ton malheur.... Rentrons en nous-mêmes, chrétiens, abjurous l'impiété, et prévenons par la pénitence ce supplice épouvantable. (Bossuet.)

28. Retirez-vous de moi, maudits, allez au feu éternel. — « Allez donc, maudits, au feu éternel; » allez, inhumains et dénaturés, au lieu où il n'y aura jamais de miséricorde. Vous avez eu un cœur de fer, et le ciel sera de fer sur votre tête; jamais il ne fera distiller sur vous la moindre rosée de consolation. Riche cruel et impitoyable, vous demanderez éternellement une goutte d'eau, qui vous sera éternellement refusée. Vous vous plaignez en vain de cette rigueur : elle est juste, elle est très-juste; Jésus-Christ vous rend selon vos œuvres, et vous fait comme vous lui avez fait. Il a langui dans les pauvres, il a cherché des consolations, et il n'en a pas trouvé; et, bien loin de le soulager dans ses maux extrêmes, vous avez imité le crime des Juifs; vous ne lui avez donné que du vinaigre dans sa soif, c'est-à-dire des rebuts dans son indigence. Vous souffrirez à votre tour... O justice! ô grande justice! mais ô justice terrible pour ceux qui mériteront par leur dureté ces intolérables rigueurs! (BOSSUET.)

29. Car j'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger; j'ai eu soif, et vous ne m'avez point donné à boire. - Lorsque le Fils de l'homme sera assis sur le trône de sa gloire, il placera les brebis à sa droite et les boucs à sa gauche, et il dira à ceux qui seront à sa droite : « Venez, les bénis de mon Père, entrez en possession du royaume qui vous était préparé depuis le commencement du monde. » Et pourquoi cela? « C'est que j'ai eu faim, et que vous m'avez donné à manger; j'ai eu soif, et vous m'avez donné à boire; j'étais nu, et vous m'avez revêtu; j'étais en prison, et vous êles venu me visiter. » Alors ceux qui l'ont servi généreusement et à propos, considérant leur propre faiblesse et

III.

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la dignité de celui qui leur a emprunté, lui disent: « Seigneur quand est-ce que nous vous avons vu avoir faim, et que nous vous avons nourri, ou avoir soif, et que nous vous avons donné à boire, » vous de qui tous les êtres attendent leur substance? Quand est-ce que nous vous avons vu réduit à ces extrémités? quand avons-nous fait pour vous ce que vous dites? « Toutes les fois, leur répond-il, que vous l'avez fait pour le moindre de ceux-ci, vous l'avez fait pour moi-même. » N'est-il donc pas vrai de dire que « celui qui a pitié du pauvre prête au Seigneur à intérêt? » Mais comme il gratifie de son royaume ceux qui sont à sa droite, pour récompenser leur bienfaisance; de même il inflige à ceux qui sont à sa gauche la peine de leur insensibilité et de leur avarice: « Retirez-vous de moi, maudits, allez dans les ténèbres extérieures, qui avaient été préparées pour le démon et pour ses anges. » Et quel est le motif de cette sentence? « C'est que j'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger. » Il ne dit pas : « C'est que vous avez commis des fornications, des adultères, des vols, que vous avez rendu de faux témoignages, que vous vous êtes parjurés. » Quoique ces actions soient réellement mauvaises, elles le sont beaucoup moins que cette dureté qui refuse de soulager l'indigent. Et pourquoi, ô mon Dieu, ne rappelez-vous aucune de ces fautes? C'est que je condamne moins le péché que la dureté de cœur. C'est que je condamne moins ceux qui ont fait des fautes que ceux qui ne s'en sont point repentis. Je vous condamne, parce que vous êtes durs et insensibles, parce qu'ayant dans l'aumône un moyen de salut, vous avez négligé un pareil bienfait. Je vous reproche la dureté de cœur comme la source de tous les vices et de tous les crimes; je loue la bienfaisance comme le principe de toutes les vertus; je menace l'une des flammes éternelles, et j'accorde à l'autre le royaume des cieux en Notre-Seigneur-Jésus-Christ, à qui soient la gloire et l'empire dans tous les siècles des siècles.

(SAINT JEAN-CHRYSOSTOME.)

29. J'ai eu faim, et vous ne m'avez point donné à manger. J'ai eu faim, j'étais pressé de la soif, j'étais sans demeure, exposé aux injures de l'air, nu, infirme et souffrant. Mais, Seigneur, en quel temps et où vous avons-nous vu dans tous ces états? Vous m'y avez vu lorsque vous y avez vu ce pauvre : parce que, tout pauvre qu'il était, je le regardais comme une portion de moi-même, ou plutôt comme un autre moimême. Or, voilà tout ce qui est exprimé dans le précepte de JésusChrist, et l'un des plus solides fondements dans le christianisme sur quoi il est appuyé. Après cela, chrétiens, je ne suis plus surpris que

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