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sieurs, ils se rassemblent, chez l'un d'eux, homicides eux-mêmes, pour machiner la mort du Fils de Dieu. Sur le point de consommer un pareil attentat, ce n'est point Dieu qu'ils craignent, ce sont les hommes. Ils appréhendent qu'au jour de la fête, la foule rassemblée ne venge le sang innocent. Peut-être craignent-ils aussi que le peuple, irrité, prive le Temple et eux-mêmes des offrandes accoutumées; ou bien encore, que le jour de la fête le donne trop d'éclat à la mort de celui dont ils voulaient anéantir la mémoire. Toutefois, ce n'est pas le jour qu'il leur plaira de fixer que le Fils de Dieu doit mourir, mais le jour qu'il aura choisi lui-même. (THEOPHILACTE.)

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12. Les pauvres, vous les avez toujours parmi vous. Il entre donc dans le dessein de la Providence qu'il y ait de l'inégalité dans les conditions; mais elle veut en même temps que ceux qui manquent du nécessaire soient aidés fraternellement par ceux qui ont du superflu. Ces infortunés, vous avez beau ne pas le vouloir, ils sont nos frères, pétris du même limon que nous, comme nous enfants de Dieu, et peut-être beaucoup plus chers à son cœur. Les laisserons-nous donc aux inlempéries de l'air, tandis que nous habitons des maisons commodes et magnifiques, où l'or, l'argent, les pierreries, les peintures les plus recherchées brillent de toutes parts? Quoi! les pauvres mourront de froid sous les haillous qui les couvrent à peine, et nous serons vêtus de pourpre et de soie! ils manqueront des aliments les plus nécessaires, et nous nagerons dans les délices! ils viendront à nos portes, dévorant l'humiliation, imaginant des chants plaintifs pour attirer notre attention ou réveiller notre pitié, et nous fermerons l'oreille à ces cris de détresse! ils exposeront à nos yeux le triste spectacle de leurs infirmités et de leur misère, et nous dormirons dans des lits voluptueux, défendus même contre les rayons du jour ! Oh! quelle honte pour nous, d'habiter des appartements tapissés de fleurs que la saison a cessé de produire, de charger nos tables de mets pour lesquels tous les éléments et souvent les contrées les plus lointaines ont été mis à contribution, tandis qu'autour de nous des milliers d'infortunés, recommandés par Jésus-Christ lui-même, sont à lutter contre les horreurs de la faim et souvent contre les conseils du désespoir !

(SAINT GREGOIRE DE NAZIANZE.)

14. En vérité je vous le dis, partout où sera prêché cet Evangile, dans le monde entier, on dira en même temps à la louange de cette femme l'action qu'elle vient de faire. - On parle dans toutes les églises de cette femine de l'Évangile; il y a dans toutes les villes des magistrats prin

cipaux, des commandants de troupes, des femmes et des hommes distingués; dans quelque partie de la terre que vous alliez, vous verrez qu'on écoute en silence l'action de cette même femme: elle n'est ignorée dans aucune contrée du monde. Que de princes ont comblé des peuples de bienfaits, ont terminé des guerres importantes, remporté de grandes victoires, relevé des villes, sauvé des nations, grossi considérablement leur trésor! leurs actions cependant sont ensevelies dans l'oubli. Des princesses, des femmes célèbres ont fait de grands biens à leurs sujets, et l'on ne sait pas même leur nom; mais la femme obscure qui n'a fait que répandre une huile de parfum, est célébrée par foute la terre, sans que la longueur du temps ait pu, ou puisse jamais obscurcir sa mémoire. Cependant ce n'était pas là une action d'éclat: répandre quelques gouttes de parfum! elle n'était pas illustre: c'était une femme ignorée; il n'y avait pas un grand nombre de témoins, car la chose s'est passée devant quelques disciples; le lieu n'était pas remarquable: elle n'avait point paru sur un théâtre public, mais dans une maison particulière, où se trouvaient à peine dix personnes. Toutefois ni le petit nombre de témoins, ni l'obscurité de celle qui agissait, ni le secret du lieu, rien en un mot n'a pu dérobcr le nom ni l'action d'une femme qui est maintenant plus célèbre que tous les princes et toutes les princesses. Quelle est la cause de ce prodige? qui est-ce qui l'a opéré? N'est-ce pas le Dieu lui-même sur qui elle a répandu son parfum, et qui a fait retentir par toute la terre le bruit de son action? Une prédiction de ce genre est-elle, je vous le demande, l'effet d'une puissance humaine? un homme de bon sens pourrait-il le prétendre? Prédire ce qu'on fera soi-même est une chose admirable et peu commune, mais prédire ce que feront les autres, et le prédire de manière à convaincre tous les hommes et à les frapper par l'évidence, est bien plus extraordinaire encore et bien plus merveilleux. (SAINT JEAN-CHRYSOSTOME.)

15. Or, Satan entra dans Judas, surnommé Iscariote, l'un des douze; et il s'en alla vers les Princes des prêtres, les Scribes, et les chefs des gardes du temple, etc. Il avait été présent lorsque des femmes vinrent répandre sur les pieds et sur la tète de Jésus-Christ des parfums d'un très-grand prix; il en avait conçu de la peine, et s'en était hautement déclaré: son avarice lui avait fait traiter de profusion et condamner une action si sainte. Pour justifier son ressentiment, il l'avait coloré d'une apparence de piété et de charité: Hé quoi! ne pouvait on pas vendre cette liqueur? On en eût retiré une somme considérable, et cette somme eûl servi au soulagement des pauvres. Rien de plus

spécieux que ce prétexte; mais ce n'était qu'un prétexte; et si vous voulez savoir la vraie raison qui le touchait, le texte sacré va vous l'apprendre. Car, dit saint Jean, il n'avait guère en vue les misères des pauvres; et en parlant d'eux, ce n'était pas pour eux qu'il parlait: mais il amassait et thésaurisait; mais ayant soin de recueillir les aumônes faites à Jésus-Christ il les gardait et se les appropriait. De là que fait-il, et quelle résolution, quelle affreuse extrémité! Judas se voit frustré de son espérance; le gain qui lui fût revenu de ce baume précieux, ce gain sordide qu'il se proposait lui échappe des mains; il veut s'en dédommager, et parce qu'il en trouve l'occasion prompte et commode, en vendant son maître même, ce parricide ne l'étonne point, il en a bientôt formé le dessein, il se met bientôt à l'exécuter. Le voilà dans le conseil des Princes des prêtres du sacré collége des apôtres, qu'il a quitté, le voilà dans la synagogue des Juifs, avec qui il vient délibérer et négocier. Que me donnerez-vous, et je vous réponds de ce Jésus que vous cherchez, je vous l'amènerai?

(BOURDALOUE.'

Ah! dis

16. Que voulez-vous me donner, et je vous le livrerai? ciple ingrat, que promettez-vous? que dites-vous? ou plutôt que dis-je moi-même, et comment pourrais-je fléchir un cœur que la cupidité domine? Cette âme intéressée n'écoule que ce qui peut la satisfaire. On convient de part et d'autre : trente deniers sont offerts et sont acceptés; tout est conclu. Judas prend des mesures, il agit, il livre Jésus, et ne s'estime pas moins heureux de pouvoir, aux dépens de cet adorable Sauveur, contenter l'insatiable désir qui le dévore, que les Juifs de pouvoir, à si peu de frais, contenter leur animosité et leur envie. Voilà tout le fond de son crime, en voilà l'origine. Il a é é déicide, parce qu'il était voleur; et c'était un voleur, parce qu'il était avare de son avarice sont venus tous ses larcins, et ses larcins ont enfin abouti jusqu'à mettre la vie et le sang d'un Dieu au prix des esclaves, car le prix des esclaves était de trente deniers. Faut-il s'étonner qu'étant avare, il soit devenu traître? Non certes, puisqu'il est essentiel à l'avare de n'avoir point de foi. Faut-il s'étonner qu'étant avare, il ait violé lâchement tous les devoirs de la reconnaissance et de l'amitié? Il n'y a rien en cela que de très-naturel, puisque l'amitié et l'avarice sont incompatibles; car le caractère de l'une est de se communiquer et de vouloir du bien à autrui, au lieu que le caractère de l'autre est de se renfermer toute dans elle-même, et de ne vouloir que son propre bien. Faut-il s'étonner qu'étant avare, il ait renoncé son maître? Je n'en suis point surpris, répond saint Chrysostôme,

puisque, selon l'oracle de la vérité éternelle, on ne peut servir deux maîtres, et que tout avare est asservi à son avarice. Faut-il même s'étonner qu'étant avare, il ait vendu jusqu'à son Dieu? Je n'ai pas non plus de peine à le comprendre, poursuit saint Chrysostôme, puisque l'avare ne veut point d'autre Dieu que son avarice ou que son argent. (BOURDALOUE.)

20. En entrant dans la ville, vous trouverez un homme portant de l'eau qu'il viendra de puiser. - Le signe que donne Jésus de ce porteur d'eau devait faire entendre à ses disciples que les actions les plus vulgaires sont aussi dirigées spécialement par la divine Providence. Qu'y avait-il de plus ordinaire, et qui parût davantage se faire au hasard, que la rencontre d'un homme qui venait de quérir de l'eau à quelque fontaine hors de la ville? et qu'y avait-il qui parût dépendre davantage de la volonté, pour ne pas dire du caprice de cet homme, que de porter une cruche d'eau dans celte maison, an moment précis que les deux disciples devaient entrer dans la ville? Et néanmoins cela était dirigé secrètement par la sagesse de Dieu; et les autres actions semblables le sont aussi à leur manière, et pour d'autres fins que Dieu conduit : de sorte que s'il arrive si souvent des événements si remarquables par ces rencontres, qu'on appelle fortuites, il faut croire que c'est Dieu qui ordonne tout, jusqu'à nos moindres mouvements, sans pourtant intéresser notre liberté, mais en dirigeant tous les mouvements à ces fins cachées. (Bossuet.)

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21. Dans quelque maison qu'il entre, entrez après lui, et dites au chef de famille qui est dans cette maison: Le Maître vous dit: Mon temps est proche, je fais la Pâque chez vous. Toutes les maisons de Jérusalem étaient communes pendant les temps de fête, et chacun pouvait se loger partout où il y avait de la place, sans être obligé de payer l'hospitalité qu'on lui donnait. Son hôte ne recevait en dédommagement que la peau de l'agneau pascal. Le cénacle était situé, d'après la tradition, dans la partie supérieure de la ville, ou sur le mont Sion, à la place où, du temps de David et de Salomon, l'Arche d'alliance était restée pendant quarante ans. Les disciples égorgèrent donc l'agneau pascal que l'on avait choisi le 10 du mois, le jour précisément où Jésus-Christ, sur la route de Béthanie, avait maudit le figuier, symbole du culte mosaïque. Et, après qu'ils l'eurent mis au feu te qu'ils eurent fait tous les autres préparatifs nécessaires pour le repas pascal, ils attendirent leur maître. «Lorsque le soir fut venu, Jésus

vint avec les siens, et lorsqu'il fut temps (c'est-à-dire lorsque les étoiles parurent), il se mit à table, et les douze apôtres avec lui. » Il devait y avoir au moins dix personnes pour manger un agneau pascal. Il y en avait treize ici : Jean, le disciple bien aimé, était assis à la droite du Sauveur, et Pierre à sa gauche. Ou plutôt, d'après l'expression orientale, Jean était couché près de la poitrine de Jésus, comme il le rapporte lui-même dans son Évangile, et Pierre à sa tête. Les anciens, en effet, dans leurs repas, n'étaient point assis sur des chaises; mais étendus sur des lits très-bas, avec le bras gauche appuyé sur un coussin, landis que les pieds posaient par derrière sur le sol. Pierre et Jean étaient donc également près du Sauveur. Le premier toutefois avait la place d'honneur, comme toujours. Car, en ce cas, la première place chez les Hébreux était à gauche, c'est-à-dire à la tête de l'hôte qui occupait le milieu de la table. Jean toutefois était mieux placé pour parler avec Notre-Seigneur; mais les peintres ont abusé de cette expression de l'apôtre saint Jean quand il dit qu'il reposait sur la poitrine de Jésus; car ils placent le disciple de l'amour sur le sein de Notre-Seigneur; de telle sorte que celui-ci n'aurait pu ni respirer ni se remuer, tandis qu'il est certain que le Christ et ses apò!res étaient tous couchés de la même manière, et que la main droite restait toujours libre. Jean était donc couché près de la poitrine de Pierre. A la tête de Pierre était André; puis, en descendant à gauche, Philippe, Barthélemi, Thomas et Mathieu Lévi. A droite était Jacques-le-Mineur, Simon, Jude, Thadée, et, au bout, vis-à-vis de Mathieu, Judas Iscariote. Chacun occupait le rang que lui donnaient et son ancienneté dans l'apostolat et ses rapports plus ou moins intimes avec Notre-Seigneur. C'est pour cela que nous trouvons au milieu, et tout près de Jésus, le groupe sacerdotal des quatre pécheurs. Ils furent, en effet, les premiers choisis comme apôtres, et sont comme les premiers nés dans la maison du nouvel Israël. Parmi eux, Pierre, semblable à Juda, est l'homme sur qui repose la promesse. Israël, s'adressant à Juda, et, dans sa personne, à tous ses descendants, le bénit d'une bénédiction toute spéciale en lui disant : « Tes frères te loueront; ta main sera sur le cou de tes ennemis, et les enfants de ton père s'inclineront devant toi. » Ainsi Jésus s'adressant à Pierre lui dit : « J'ai prié pour toi afin que ta foi ne chancelle point; mais toi, lorsque tu seras converti, confirme tes frères. » De même qu'Israël promet à Juda que le sceptre ne lui sera point enlevé, et qu'il donnera des chefs à son peuple jusqu'à ce que vienne celui qui doit être envoyé, ainsi le Christ promet à Pierre que le bâton pastoral avec lequel il doit paître les brebis et les agneaux

III.

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