cieusement sur la poitrine de son maître; Pierre, toujours impétueux, laisse échapper les saillies de son zèle, et Judas médite son déicide projet.» Cependant voilà que, par une invention de ses divines tendresses, le Verbe fait chair se donne à tous comme aliment! l'Eucharistie est instituée ! Les hommes n'ont donc plus rien à envier aux anges, et ils peuvent, eux aussi, se nourrir de Dieu, de sa vérité, de sa justice, de sa sainteté ! Philosophes, politiques, ce que vous cherchez vainement à travers tant de bruits et de ruines, vous le trouverez, par la foi et par l'amour, dans l'Eucharistie. N'est-elle pas le principe de la civilisation? C'est elle qui redonna jadis la vie au monde; qui fit avancer nos modernes sociétés par toutes les voies de la lumière, et qui inspira, à la gloire du Dieu même de l'Eucharistie, ces éternels chefs-d'œuvre que vous admirez avec nous. N'est-elle pas le principe de la liberté ? C'est elle qui affranchit l'homme de la tyrannie des passions, qui émancipe l'esclave, qui sanctifie le pouvoir, qui ennoblit l'obéissance, et donne à l'ordre d'infaillibles garanties. N'est-elle pas le principe de l'égalité? Elle fait asseoir, sans distinction, à la même table, le maître et le serviteur; elle investit des mêmes espérances celui qui a faim et celui qui est rassasié; elle fait du superflu du riche le patrimoine du pauvre, et peut rendre, ainsi qu'aux premiers jours, toutes choses communes par la charité. Et notre cœur s'échauffant au feu de cette médilation, nous baisions avec reconnaissance la table sacrée qui, en nous faisant assister, pour ainsi dire, à la dernière cène, nous retraçait si vivement l'heure de la vie de Jésus-Christ la plus féconde en bénédictions et pour les âmes et pour les sociétés. (Mgr SIBOUR.) 9. Prenez et mangez, car ceci est mon corps, qui sera livré pour vous; faites ceci en mémoire de moi. Mon Sauveur, puisque les chicanes des rebelles de votre Église, me conduisent à une grande intelligence de votre vérité, je veux encore considérer celles qu'ils lui font sur l'adoration, sur la reserve, sur l'exposition de votre adorable Sacrement. On ne voit point, disent-ils, dans les paroles de l'Évangile, que les apôtres aient adoré le corps et le sang de Jésus-Christ en les recevant. Et voit-on qu'ils aient adoré Jésus-Christ qui bien constamment était assis avec eux, en sa forme visible et naturelle? O mon Dieu! ces dispuleurs ne verront-ils jamais que quoi qu'ils répondent, ils se font à eux-mêmes leur procès? Les apôtres adoraient-ils Jésus-Christ en sa propre et naturelle figure? Ils ne le peuvent nier, mais ils le croient sans qu'il soit écrit. En ce lieu-là ne l'adoraient-ils pas ? Et que veulentils donc conclure, de ce qu'il n'est pas écrit qu'ils l'aient adoré dans l'Eucharistie? Mais que ces hommes qui se croient subtils et appellent les autres grossiers, sont grossiers eux-mêmes, puisqu'ils n'entendent seulement pas quelle est la véritable adoration. Car à nous tenir mot à mot, à ce qui est écrit dans l'histoire de la Cène, et sans chercher à suppléer un endroit de l'Évangile par les autres, croire en Jésus-Christ lorsqu'il dit: Prenez, mangez, ceci est mon corps; le croire, dis-je, sans hésiter et sans disputer, lorsqu'il dit une chose si étonnante, faire ce qu'il dit et manger ce pain apparent, avec une foi certaine que c'est son vrai corps, en faire autant du sacré calice, faire un acte de foi si pur et si haut, n'est-ce pas adorer Jésus-Christ? Mais discerner avec saint Paul ce corps du Sauveur, le discerner tellement qu'on entende que c'est le corps non-seulement d'un homme, mais d'un Dieu, et le vrai pain descendu du ciel, y mettre son espérance, y chercher sa vie, y attacher tout son amour, n'est-ce pas encore l'adorer parfaitement? Et qu'ajoute à cette foi la génuflexion, l'inclination du corps, son prosternement, en un mot l'adoration extérieure, sinon un témoignage sensible de ce qu'on a dans le cœur? (Bossuet.) 9-10. Prenez et mangez, ceci est mon corps.... Prenez et buvez-en tous, ceci est mon sang. Comment tout cela s'est-il fait? Dicu a tant aimé le monde! il ne vous reste qu'à croire, et à dire avec le disciple bienaimé: Nous avons cru à l'amour que Dieu a eu pour nous. La belle profession de foi! le beau symbole! Que croyez-vous, chrétien? Je crois à l'amour que Dieu a pour moi. Je crois qu'il m'a donné son Fils: je crois qu'il s'est fait homme; je crois qu'il s'est fait ma victime; je crois qu'il s'est fait ma nourriture, et qu'il m'a donné son corps à manger, son sang à boire, aussi substantiellement qu'il a pris et immolé l'un et l'autre. Mais comment le croyez-vous? C'est que je crois à son amour, qui peut pour moi l'impossible, qui le veut, qui le fait. Demander un autre comment, c'est ne pas croire à son amour et à sa puissance. (BOSSUET.) 9-11. Prenez et mangez: ceci est mon corps; prenez et buvez: ceci est mon sang. Soyons donc, au sortir de cette table sacrée, comme des lions respirant le feu et la flamme; que le démon tremble en nous apercevant, et que la pensée de notre divin chef et de son immense charité pour nous soit toujours vivante dans nos cœurs. Les parents donnent souvent à d'autres leurs enfants à nourrir; mais moi, dit Jésus-Christ, je n'agis point ainsi : je les nourris moi-même, et de ma chair. Je me donne moi-même à vous, afin de faire de vous des hommes. libres et de vous inspirer pour l'avenir les plus grandes et les plus magni fiques espérances. Car celui qui se donne ainsi à nous dans cette vie, se donnera bien plus encore dans la vie à venir. J'ai voulu devenir votre frère; c'est à cause de vous que j'ai participé à la chair et au sang; or, cette même chair et ce même sang qui m'unissent maintenant à vous, je vous les donne. Ce sang fait briller le caractère de la royauté; ce sang imprime en nous les traits d'une beauté toute céleste; ce sang, en coulant sur notre âme, en entretient la noblesse, et l'empêche de faillir jamais. Le sang qui nous vient des aliments n'a pas tout à coup sa vertu; il passe auparavant par différents états. Mais le sang divin, à l'instant même où il arrose l'âme, la remplit de force et d'énergie. Ce sang mystique éloigne les démons, et nous met en communication avec les anges et avec le Maître des anges. La vue de ce sang fait fuir les démons et accourir les anges. Ce sang, versé sur la terre l'a purifiée tout entière. Ce sang, en figure seulement, suffit autrefois pour nous imprimer la sainteté au temple de Jérusalem et au Saint des saints. Or, si la figure a été si puissante, et dans le temple des Hébreux, et en Égypte, à l'égard des maisons qu'elle avait touchées, la vérité le sera bien plus encore. Dans ce sang est le salut de notre âme, sa joie, sa beauté, son ardeur. (SAINT JEAN-CHRYSOSTOME.) 11. Faites ceci en mémoire de moi. Par ces paroles, le Fils de Dieu établit dans son Église le grand et ineffable sacrifice prédit par les prophèles et figuré par les sacrifices anciens. Maintenant dites-moi, au spectacle d'un Dieu immolé sur l'autel où il s'anéantit, d'un prêtre incliné sur la victime et qui prie, de ce sang précieux dont les flots baignent les assistants, pouvez-vous croire que vous êtes sur la terre et parmi les hommes? Ne vous imaginez-vous pas, au contraire, que vous êtes transporté dans les cieux, libre de toute pensée charnelle, et que votre âme, dégagée des sens, contemple toute la munificence de la Jérusalem céleste? O miracle! ô bonté inépuisable de Dieu! celui qui est assis à la droite du Dieu suprême repose, à cette heure solennelle, dans les mains de tous, se livre aux embrassements de qui veut le recevoir, et se découvre aux yeux de la foi ! Est-ce qu'il y a là quelque chose qui vous paraisse digne de mépris? Voulez-vous connaître par une autre merveille toute l'excellence de ce sacrifice? Représentez-vous Élie, la foule immense qui l'environne, la victime étendue sur la pierre, tout Israël attentif et dans un profond silence; le prophète scul est en prière; soudain la flamme descend du ciel et dévore la victime. Cela est beau, cela est grand et propre à remplir l'âme de frayeur. Mais jetez les yeux maintenant sur nos autels; les merveilles dont ils sont le théâtre surpassent toute admiration. Le prêtre est debout; ce n'est pas le feu qui brille dans ses mains: ce sont les rayons de la gloire de Dieu lui-même; il prie longtemps, non pour qu'une flamme en sillons lumineux tombe du ciel sur les choses qui sont préparées et les consume, mais pour que la grâce, s'échappant de la victime, vienne enflammer le cœur des fidèles, et les rendre plus brillantes que l'or épuré dans le feu. Quel homme, à moins que sa raison éteinte ne se soit changée en un délire furieux, osera mépriser un mystère si redoutable? (SAINT JEAN CHRYSOSTOME.) 11. Faites ceci en mémoire de moi. - Par un effet inconcevable de sa bonté, le Fils de Dieu a employé à notre salut tout ce qu'il avait pris de nous. Son corps, il l'a offert à Dieu son Père, comme une hostie sainte sur l'autel de la croix, afin de nous reconcilier avec lui; et il a répandu son sang pour être, tout ensemble, et le prix qui devait nous racheter de la servitude, et le bain qui devait nous laver de tous nos péchés. Et afin que le souvenir d'un si grand bienfait demeurât éternellement gravé dans notre mémoire, il a laissé aux fidèles, sous les espèces du pain et du vin, son propre corps pour nourriture, et son sang pour breuvage..... O festin précieux et admirable! ô banquet salutaire et délicieux! En effet, quoi de plus précieux que cette table sacrée, où l'on nous donne à manger, non plus la chair des animaux, comme dans l'ancienne loi, mais Jésus-Christ lui-même qui est le vrai Dieu! Quoi de plus admirable que cet auguste sacrement, dans lequel le pain et le vin deviennent véritablement le corps et le sang de JésusChrist! en sorte que Jésus-Christ, vrai Dieu, et vrai homme, est contenu réellement sous ces fragiles espèces. Il a institué cet auguste sacrement comme le monument perpétuel de sa Passion, comme l'accomplissement de toutes les figures de l'ancienne loi, comme le plus grand de tous ses miracles, enfin comme la plus douce consolation, et même comme un dédommagement réel de son absence. (SAINT THOMAS D'AQUIN.) 11. Car ceci est le calice de mon sang, qui sera répandu pour vous, en rémission des péchés: faites ceci en mémoire de moi toutes les fois que vous le boirez. - Quand donc on veut s'imaginer qu'en ne recevant qu'une espèce on ne reçoit qu'une cène et une communion impar faite, c'est qu'on n'entend pas que c'est l'Église qui sait le secret de JésusChrist, qui sait ce qui appartient essentiellement à son institution, qui règle ce qui doit être donné à chacun, ce qui doit être dispensé diversement, selon les temps et les conjonctures différentes. Vous vous étonnez qu'on sépare ce que Jésus-Christ a uni ensemble, et qu'on donne le corps à manger, sans donner en même temps le sang à boire. Étonnez-vous donc aussi de ce que la cène sacrée est séparée du souper commun. Mais plutôt ne vous étonnez jamais de ce que l'Église sait. Instruite par le Saint-Esprit et par la tradition de tous les siècles, elle sait ce que Jésus-Christ a voulu faire, et que ce qu'il a séparé pour une représentation mystique ne laisse pas d'être uni, non-seulement en vertu, mais encore en substance. Il est vrai : il a fallu pour la parfaite représentation de sa mort que son corps parût séparé d'avec le sang, et qu'on les prît chacun à part; mais l'Église sait en même temps que la vertu du corps livré n'est pas autre que la vertu du sang rẻpandu, et que non-seulement la vertu, mais encore la substance même de l'un et de l'autre, après sa résurrection, sont inséparables. Elle laisse donc ce corps et ce sang dans cette séparation mystique. Mais au fond elle sait bien, quelque partie que l'on prenne, qu'on reçoit la vertu du tout. Il ne faut que voir comment Jésus-Christ a célébré la cène ; car les évangélistes ont marqué distinctement, qu'il en a donné les deux parties avec quelque distance l'une de l'autre, puisqu'il a donné le corps pendant le souper, selon saint Mathieu et saint Marc, et le calice du sang après le souper, selon saint Luc et saint Paul. Et non content d'avoir séparé ces deux actions par ce caractère, il a voulu montrer que chaque partie de son action était complète en elle-même, puisqu'il dit après chacune, comme saint Paul le marque expressément : Faites ceci en mémoire de moi. Ainsi, quelque parti que je prenne, je célèbre la mémoire de la mort de JésusChrist, je m'en applique la vertu tout entière, je m'incorpore à Jésus-Christ; car ne lui suis-je pas incorporé en prenant son corps? N'est-ce pas par là que je suis fait os de ses os, et chair de sa chair, et une même chair avec lui, ainsi que nous avons vu? Que me faut-il davantage pour accomplir l'œuvre de mon salut, surtout en mangeant ce corps, comme le pain descendu du ciel, c'est-à-dire comme le corps d'un Dieu, comme un corps uni à la vie même, et rempli pour moi de l'esprit qui me vivifie? N'ai-je pas en même temps reçu et son corps et son esprit? Ce qui reste me peut bien donner une plus entière expression de la mort de Jésus-Christ, mais j'en ai toute la vertu dans le corps seul. Et je ne m'étonne pas si saint Paul a dit : Que quiconque mange ce pain ou boit cette coupe indignement est coupable du corps et du sang; oui, dit-il, et il le dit très-distinctement: Quiconque reçoit indignement l'un ou l'autre est coupable de tous les deux, et, |