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toujours il commande par lui. Lorsque Pierre semble le plus faible, c'est alors qu'il est le plus fort. Les empereurs et les philosophes, les rois et les politiques, tous les oppresseurs de la vérité, tous les publics corrupteurs de la morale se ligueront contre le Christ du Seigneur; ils lui feront la guerre avec rage dans la personne de Pierre, ils le traîneront en exil, ils le calomnieront, ils l'outrageront, ils lui cracheront au visage, ils le couronneront d'épines, ils le tueront. Mais, au moment où les insensés publieront leur triomphe, ils seront vaincus! Lorsqu'ils crieront à l'univers: Il est mort! Pierre, comme le Christ, sortira du tombeau, renversant ses ennemis dans la poussière; et ils auront passé avec ignominie, eux, leur puissance et leurs systèmes; mais Pierre demeurera jusqu'à la consommation des siècles, toujours plus grand, toujours plus radieux. Il verra successivement les empires crouler; le pouvoir, sous quelque forme que la philosophie le constitue, s'en aller en poudre; les débris des trônes et des répu bliques emportés sur les flots des révolutions; tandis que lui, demeurant sauf au milieu de tous les naufrages, debout sur le vaisseau de l'Église, et la main ferme au gouvernail, s'offrira comme l'unique espoir de salut à nos sociétés expirantes. Et les peuples alors, le saisissant par son vètement sacré, lui diront : Vous avez le dépôt des vérités éternelles, enseignez-nous les voies du Seigneur, ô pontife suprême! et que vos mains soutiennent notre ruine! (Mr SIBOUR.)

10-11. Simon, Simon, Satan a demandé avec instance de vous cribler comme on crible le froment; mais j'ai prié pour vous, afin que votre foi ne défaille point. Que sommes-nous allés voir à Rome? c'est l'Eglise mère et maîtresse de toutes les autres, ce siége indéfectible où l'erreur ne s'assit jamais; cette chaire suprême d'où part avec le rayon de la doctrine le rayon du gouvernement; centre de l'unité, lien qui unit toutes les intelligences dans une même foi, toutes les volontés dans un même amour, tous les peuples dans une même famille, tous les membres en un même corps, et pour tout dire en un mot, la tête, le cœur, la main et la voix de cette grande société catholique qui a l'immensité pour limite, et pour durée l'éternité. Car nous n'avons garde de séparer ici le siége d'avec le pontife, à l'exemple de ces raisonneurs subtils qui, par un effort d'abstraction, ont cru pouvoir établir une distinction entre la chaire romaine et son chef auguste, et refuser à celui-ci un privilége qu'ils accordent à celle-là. Non, ce n'est pas un siége abstrait, métaphysique, idéal que nous sommes allés vénérer; mais un siège animé, vivant, occupé et tout rempli de l'auto

rité, de l'esprit, de la grâce du prince des apôtres, qui continue à y parler par la bouche de ses successeurs; c'est le siége de celui à qui Jésus-Christ a dit, Pierre, j'ai prié pour toi; vous l'entendez, c'est la prière d'un Dieu, toujours sûr d'être exaucée à cause de la dignité de sa personne; Pierre, j'ai prié pour toi, afin que ta foi, non la foi de ton siége, mais ta foi, comme fondement et chef de l'Église, ne défaille point, et que tu sois toujours debout pour y confirmer tes frères. (Mgr GIRAUD.)

11. Mais j'ai prié pour vous en particulier, afin que votre foi ne défaille point; et vous, quand vous serez converti, soutenez et affermissez vos frères. - Jésus-Christ nous apprend que nous n'avons de secours contre Satan que dans l'intercession et la médiation de JésusChrist même. Admirons la profondeur de sa sagesse. Parce qu'en réprimant l'ambition de ses apôtres, il avait parlé d'une manière qui eût pu donner lieu à ceux qui n'auraient pas bien pesé ses paroles, de croire qu'il n'avait laissé aucune primauté dans son Église, et qu'il avait . même affaibli celle qu'il avait donnée à saint Pierre, il parle ici d'une manière qui fait bien voir le contraire. Satan, dit-il, a demandé de vous cribler tous, mais, Pierre, j'ai prié pour toi en particulier. J'ai prié pour toi, et non pas j'ai prié pour vous. L'effet de cette prière qu'il faisait pour Pierre regardait les autres apôtres, sans doute, mais d'une manière indirecte: la suite du discours le fait paraître manifestement, puisqu'il ajoute aussitôt après, Et toi, quand tu seras converti, confirme tes frères. Quand il dit: J'ai prié pour toi que ta foi ne défaille pas, il ne parle pas de cette foi morte qui peut rester dans les pécheurs, parce que cellelà n'empêche pas qu'on soit criblé par Satan: c'est cette foi qui opère par la charité, laquelle, dit-il, j'ai demandé qu'elle ne défaillit point en toi. Jésus-Christ le demandant ainsi, lui qui dit : Je sais, mon Père, que vous m'écoutez toujours, qui peut douter que saint Pierre n'ait reçu par celte prière une foi constante, invincible, inébranlable, et si abondante d'ailleurs, qu'elle fût capable d'affermir, non-sculement le commun des fidèles, mais encore ses frères les apôtres et les pasteurs du troupeau, en empêchant Satan de les cribler! Et cette parole revient manifestement à celle où il avait dit: Tu es Pierre, je t'ai changé ton nom de Simon en celui de Pierre en signe de la fermeté que je veux communiquer, non-seulement pour toi, mais encore pour toute mon Église, car je la veux bâtir sur cette pierre. Je veux mettre en toi, d'une manière éminente et particulière, la prédication de la foi qui en sera le fondement, et les portes d'enfer ne prévaudront point

contre elle, c'est-à-dire qu'elle sera affermie contre tous les efforts de Satan, jusqu'à être inébranlable. Et cela, qu'est-ce autre chose que ce que Jésus-Christ répète ici: Salan a demandé de vous cribler, mais, Pierre, j'ai prié pour toi, ta foi ne défaudra pas, et toi, confirme tes frères? Il est donc de nouveau chargé de toute l'Église; il est chargé de tous ses frères, puisque Jésus-Christ lui ordonne de les affermir dans cette foi qu'il venait de rendre invincible par sa prière.

(Bossuet.)

11. Quand vous serez converti, soutenez et affermissez vos frères.— Telle est la mission du chef des apôtres, telle est aussi celle des successeurs sur le siége de Rome. Rome chrétienne a été pour le monde moderne ce que Rome païenne a été pour le monde antique, le lien universel; cette capitale des nations remplit toutes les conditions de sa destinée, et semble véritablement la Ville éternelle. Il viendra peutêtre un temps où l'on trouvera que c'est pourtant une grande idée, une magnifique institution que celle du tròne pontifical. Le père spirituel, placé au milieu des peuples, unit ensemble toutes les parties de la chrétienté. Quel beau rôle que celui d'un pape vraiment animé de l'esprit apostolique! Pasteur général du troupeau, il peut ou contenir les fidèles dans le devoir, ou les défendre de l'oppression. Ses États, assez grands pour lui donner l'indépendance, trop petits pour qu'on ait rien à craindre de ses efforts, ne lui laissent que la puissance de l'opinion: puissance admirable, quand elle n'embrasse dans son empire que des œuvres de paix, de bienfaisance et de charité. C'est une chose assez généralement reconnue que l'Europe doit au saintsiége sa civilisation, une partie de ses meilleures lois et presque toules ses sciences et ses arts. Les souverains pontifes vont maintenant chercher d'autres moyens d'être utiles aux hommes: une nouvelle carrière les attend; et nous avons des présages qu'ils la rempliront avec gloire. Rome est remontée à cette pauvreté évangélique qui faisait tout son trésor dans les anciens jours. Par une conformité remarquable, il y a des Gentils à convertir, des peuples à rappeler à l'unité, des haines à éteindre, des larmes à essuyer, des plaies à fermer, et qui demandent tous les baumes de la religion. Jamais Rome n'a eu devant elle de plus grandes espérances et de plus brillantes destinées. Nous disons des espérances, car nous comptons les tribulations au nombre des désirs de l'Église de Jésus-Christ. Le monde dégénéré appelle une seconde prédication de l'Evangile; le christianisme se renouvelle, et sort victorieux du plus terrible des assauts que l'enfer lui ait encore

livrés. Qui sait si ce que nous avons pris pour la chute de l'Église n'est pas sa réédification? (DE CHATEAUBRIAND.)

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12. Mes petits enfants, je ne suis plus avec vous que pour peu de temps. Vous me chercherez, et ce que j'ai dit aux Juifs, qu'ils ne pouvaient venir où je vais, je vous le dis aussi pour le présent. Entrons dans les sentiments de la tendresse du Sauveur. Mes petits enfants, souvenez-vous de cette parole d'un évangéliste: Ayant toujours aimé les siens, il les aima jusqu'à la fin. Et maintenant il va ramasser toute sa tendresse pour leur donner le précepte de la charité fraternelle; car, pour établir cette loi d'amour, il voulait faire ressentir à ses disciples. des entrailles toutes pénétrées de tendresse. Mes petits enfants, il ne les avait jamais appelés de cette sorte, presque jamais il ne les avait nommés ses enfants, et pour dire quelque chose de plus tendre, Mes petits enfants, dit-il, comme s'il eût dit, Voici le temps que je vais vous enfanter. J'ai été toute ma vie dans les douleurs de l'enfantement; mais voici les derniers efforts et les derniers cris par lesquels vous allez naître; mes petits enfants, écoutez donc cette parole paternelle, Je serai encore avec vous un peu de temps, profitez donc de ce temps pour entendre mes dernières volontés. Vous me chercherez; viendra le temps que vous racheteriez de beaucoup la consolation d'entendre ma parole; et comme j'ai dit aux Juifs, Vous ne pouvez pas venir où je vais; je vous le dis aussi présentement; profitez donc encore une fois du temps que j'ai à être avec vous; car je m'en vais en un lieu où vous ne pouvez pas venir, ainsi que j'ai dit aux Juifs. (Bossuet.)

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13. Mon commandement est que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimés; d'avoir ce même amour les uns pour les autres. Celui qui aime véritablement dans la vue de Jésus-Christ ne cherche dans son ami ni la noblesse, ni les dignités, ni les richesses, pas même la réciprocité d'affection; mais il aime sans intérêt, sans interruption, sans refroidissement, quand même son ami lui manquerait de foi, quand il deviendrait son ennemi, quand il aurait résolu de le perdre Jésus-Christ seul qu'il aime dans cette personne, soutient tout, supplée à tout, suffit à tout. Tant que celui qui aime a les yeux sur son divin maître, son amitié reste ferme, incorruptible et inébranlable; car il nous a donné le modèle de cette amitié toute céleste, en aimant des ennemis, des insolents, des blasphémateurs, des persécuteurs, des furieux qui le haïssaient à mort, qui ne pouvaient pas même le voir, qui étaient prêts à tout moment à courir aux pierres

pour le lapider; et qui les a aimés de cette charité la plus haute et la plus sublime, qui va jusqu'à donner sa vie pour ceux que l'on aime. Après même qu'ils l'ont crucifié, il les aime encore. Leur rage s'est épuisée contre lui, mais sa charité ne s'épuise point. Il veut les guérir, il redouble sa compassion, il intercède pour eux envers son Père: Mon Père, lui dit-il, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils font. Et aussitôt qu'il est ressuscité, il leur envoie ses apôtres pour les convertir et les sauver. Soyons sans cesse attentifs à ce modèle; imitons cette charité d'un Dieu; retraçons en nous cette amitié si généreuse, afin qu'ayant été les imitateurs de l'amour de Jésus-Christ, nous soyons aussi les héritiers de sa gloire. (SAINT JEAN-CHRYSOSTOME.)

13. Je vous donne un commandement nouveau : c'est de vous aimer les uns les autres.- Si jamais charité a été nouvelle, singulière, d'un caractère à se distinguer et à se faire remarquer, il est évident que c'est celle que Jésus-Christ a eue pour nous; et quel a été ce caractère distinctif? Ah! chrétiens, peut-on l'ignorer et avoir la moindre idée de Jésus-Christ? Ce caractère a été le désintéressement: ce divin Maître nous a aimés jusqu'à sacrifier pour nous tous ses intérêts en qualité d'Homme-Dieu; il nous a aimés jusqu'à s'anéantir par les excès d'une humilité sans bornes et sans mesure, voilà l'intérêt de sa gloire; jusqu'à prendre la forme de serviteur, voilà l'intérêt de sa liberté; jusqu'à devenir un homme de douleur, voilà l'intérêt de sa béatitude; jusqu'à mourir comme un criminel, voilà l'intérêt de sa réputation et de sa vie; le dirai-je? jusqu'à paraître devant Dieu comme un anathême, et à être traité comme un sujet de malédiction, voilà l'intérêt de sa sainteté et de son innocence... Tel est le modèle de notre charité pour nos frères... Autrefois on distinguait les chrétiens par la charité, parce que la charité des chrétiens était victorieuse de tous les intérêts. de la terre; et maintenant on pourrait bien nous distinguer pour le désordre de la cupidité, puisque toute notre charité n'est qu'amourpropre et intérêt. Disons mieux: autrefois les ennemis mêmes de JésusChrist, surpris du généreux détachement qu'ils remarquaient dans les fidèles, leur rendaient avec admiration ce témoignage en forme d'éloge. (BOURDALOUE.)

14. Ce à quoi tous connaîtront que vous êtes mes disciples, c'est si vous pratiquez la charité les uns envers les autres. La charité, charitas: ce n'est pas l'amour, il est trop passionné; ce n'est pas l'attachement, il est trop faible; ce n'est pas l'amitié, elle est trop bornée; ce n'est pas

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