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vrage que son Père lui a ordonné, il ne parlait pas seulement de ce qu'il avait fait jusqu'alors, et regardail principalement ce qu'il allait faire, qui était la plus essentielle partie et la consommation de ce grand ouvrage; ainsi tout ce qu'il dit de ses apôtres regarde principalement l'avenir. Et en effet cette parole qu'il dit ici: Ils ont connu véritablement, semble regarder quelque chose de plus parfait dans la foi que l'état douteux et chancelant où étaient alors les apôtres, qui dans un moment allaient tomber, non-seulement dans la faiblesse de s'abandonner, mais encore dans une entière incrédulité. C'est aussi ce que JésusChrist lui-même venait de leur répondre, après qu'ils lui eurent dit: Nous croyons que vous êtes sorti de Dieu; vous croyez maintenant? leur avait-il dit; l'heure est venue que vous allez être dispersés et que vous me laisserez seul, comme s'il eut dit, Vous appelez cela croire? Est-ce croire que d'être assez faibles pour me quitter dans un moment? Est-ce là connaître vraiment que je suis venu de Dieu ? Une foi si vacillante méritait-elle cet éloge de la bouche du Fils de Dieu, Ils ont vraiment connu que je suis sorti de vous? (BossUET.)

Je

9. C'est pour eux que je prie; je ne prie point pour le monde. ne prie pas pour les hommes vains, amoureux d'eux-mêmes, qui ne veulent que paraître bons et se trompent les uns les autres, car tout cela c'est le monde. Je ne prie pas pour ce monde plein de haine, de jalousie, de dissimulation, de tromperie; pour ce monde dont les maximes sont toutes contraires à la vérité, à la piété, à la sincérité, à l'humilité, à la paix. O monde, la vérité te condamne ici, et Jésus-Christ t'exclut de sa charité; mais plutôt tu t'en exclus toi-même, et tu te rends incapable du grand fruit de sa prière, qui est cette parfaite unité qu'il demande pour ses apôtres, et pour tous ses autres fidèles. Le monde porte corruption et division, parce qu'il porte concupiscence, intérêt, avarice, orgueil, et tout cela ne corrompt pas seulement, mais encore divise les cœurs. Et c'est pourquoi il ne faut pas s'étonner si Jésus-Christ dédaigne de prier pour le monde. Ce n'est pas en vain qu'il parle ainsi, lui qui est si bon, si charitable; ce n'est pas en vain qu'il nous dit qu'il ne prie pas pour le monde; il faut que nous entendions. combien nous devons haïr le monde, et l'esprit du monde dont Jésus-Christ ne veut pas se souvenir, lorsqu'il prie pour ses fidèles. (BOSSUET.)

11. Afin qu'ils soient un comme nous. Ce n'est pas assez qu'ils soient un comme le Père et le Fils dans la nature qui leur est commune,

III.

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de même que le Père et le Fils sont un dans la nature qui leur est commune, mais qu'ils aient, comme eux, une même volonté, une même pensée, un même amour, qu'ils soient donc un comme nous. Ce comme ne fait pas descendre l'unité du Père et du Fils jusqu'à l'imperfection de la créature, ainsi que les Ariens se l'imaginaient; mais, au contraire, il relève l'imperfection de la créature jusqu'à prendre, autant qu'elle peut, pour son modèle l'unité parfaite du Père et du Fils. Qu'ils soient un comme nous, c'est donc à dire que nous soyons le modèle de leur union, non qu'ils puissent jamais atteindre à la perfection de ce modèle, mais néanmoins qu'ils y tendent, de même que lorsqu'on nous dit: Soyez saints, comme je suis saint, moi le Seigneur votre Dieu; et encore: Soyez parfaits, soyez miséricordieux comme votre Père céleste est parfait et miséricordieux; nous entendons bien qu'il ne nous appartient pas d'être saints, d'ètre bons, d'être parfaits, dans la transcendance qui convient à la nature divine; mais seulement qu'il nous appartient d'y tendre et que nous devons nous proposer ce modèle pour en approcher de plus en plus. Ainsi qu'ils soient un comme nous, c'est-à-dire qu'ils le soient, s'avançant aujourd'hui et après, et tous les jours de plus en plus à cette perfection, et y avançant d'autant plus infatigablement qu'on ne peut jamais atteindre au sommet. Car plus on avance, plus on connaît la distance, et elle paraît de plus en plus infinie, et on s'abaisse, et on s'humilie jusqu'à l'infini, jusqu'au néant. (Bossuet.)

21. Que tous ensemble, ils ne fassent qu'un; - comme vous, mon Père, êtes en moi, et moi en vous, qu'eux-mêmes ils soient un en nous. Jusqu'à quel point devons-nous donc nous aimer, et quelle est l'étendue du saint précepte de la fraternité chrétienne? Écoutez, JésusChrist va vous l'apprendre. Il aurait pu nous dire simplement que nous sommes les membres d'un même corps; et alors qui de nous n'aurait pas dû se rappeler ces paroles de saint Paul, que quand une partie de notre corps souffre, toutes les autres compatissent à sa souffrance? Il aurait pu se borner à nous apprendre que nous sommes tous des soldats enrôlés sous le même étendard; et alors qui de nous n'aurait pas dû craindre de troubler l'harmonie de la sainte milice? Il aurait pu sans doute s'en tenir au grand précepte qu'il nous a fait de nous aimer comme il nous a aimés lui-même; et alors qui de nous aurait donc pu ne pas sentir que la plus faible atteinte à la fraternité est un vrai sacrilége? Mais tant de comparaisons sensibles ne lui suffisent pas, il faut qu'il cherche dans le ciel ce modèle de charité qu'il veut établir sur la terre; il s'adresse à son Père, et lui demande..

quoi, chrétiens? que l'abondance de la paix s'élève sous son règne? Non, ce n'est point assez; quoi ? que nous soyons unis comme les séraphins le sont entre eux dans la Jérusalem céleste? Non, c'est trop peu encore. Ah! que celui qui a des oreilles écoute, et que celui qui a de l'intelligence comprenne! il lui demande que nous soyons unis, ou plutôt que nous soyons un comme il est un avec lui. O sainte union! ô sainte unité des fidèles! ô ineffable charité de la loi chrétienne! qui nous dira donc maintenant toute la perfection dont tu portes l'auguste empreinte? charité suréminente, dont la véritable mesure est de n'avoir point de mesure! (DE BOULOGNE.)

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21. Comme vous, mon Père, êtes en moi et moi en vous. Ces façons de parler réciproques, dont la propriété et la force sont de marquer une parfaite égalité, sont familières à Notre-Seigneur. Ici il ne se contente pas de dire à son Père: Vous êtes en moi, s'il ne dit en même temps: Je suis en vous. Un peu au-dessus : Tout ce qui est a moi est à vous. Et incontinent après : Tout ce qui est à vous est à moi. En un autre endroit : Personne ne connaît le Père, si ce n'est le Fils, et réciproquement: Personne ne connaît le Fils, si ce n'est le Père. Toutes manières de parler naturelles au Fils de Dieu, pour marquer son unité parfaite avec son Père, et traiter en toutes manières d'égal avec lui; en sorte que s'il semble recevoir de son Père quelque avantage, en disant : Vous êtes en moi, il le lui rend en disant: Et moi en vous. Ce sont paroles de société, d'égalité, d'unité parfaite; c'est un langage qui n'a lieu qu'entre le Père et le Fils, entre le Fils et le Père. L'avantage est égal des deux côtés, en tout et partout. La gloire de recevoir n'est pas moindre que celle de donner. Celui qui donne, reçoit, parce qu'il reçoit dans son sein ce Fils unique à qui il donne, et s'il lui était inégal, il recevrait en luimême quelque chose qui, lui étant inférieur, ne serait pas digne de lui. Tout fils est égal à son père par la nature, et c'est là le propre d'un fils. Que s'il y a quelque inégalité entre ces noms de père et de fils parmi les hommes, c'est que le fils n'est d'abord qu'un homme imparfait et commencé. Il faut ôter tout cela en Dieu, où il n'y a rien d'imparfait. Parmi nous, avoir un fils, c'est le mettre hors de soi-même ; en Dieu, avoir un Fils, c'est le produire et le conserver éternellement dans son sein, comme quelque chose d'égal et aussi parfait que soimême. C'est pourquoi il est unique, et il ne peut y en avoir deux. Le Fils unique qui est dans le sein du Père. Il est unique parce qu'il est parfait il est unique parce qu'il tire tout, et épuise si parfaitement la

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fécondité, qu'un autre n'ajouterait rien à la gloire d'être Père. C'est pourquoi il demeure dans le sein du Père, parce qu'il est digne par sa perfection d'y être toujours; et tout immense qu'est ce sein du Père, il n'y a point de place pour un autre fils, parce qu'on ne peut en avoir qu'un quand on l'a parfait. (BOSSUET.)

23. Afin qu'ils soient consommés dans l'unité, et qu'ainsi le monde connaisse que vous m'avez envoyé. — Puisque tel est le vœu de notre divin Maître, unissons-nous donc nous tous qui avons été baptisés, et parlons tous en Jésus-Christ un même langage; n'ayons qu'une bouche et qu'un cœur, sans fraude, sans dissimulation, sans déguisement, sans mensonges; éteignons en nous tous les restes de la division de Babel. Prions pour la concorde des nations chrétiennes, et pour la conversion des nations infidèles! O Dieu! qu'il n'y ait plus ni Juif, ni Grec, ni Barbare, ni Scythe, mais en tous un seul Jésus-Christ, Dieu béni aux siècles des siècles! (BossUET.)

ÉLÉVATION.

Que vous êtes bon, mon Sauveur! Et pourquoi donc toutes vos paroles de tendresse et de consolation trouvent-elles si peu d'écho dans nos âmes? Quoi de plus tendre et de plus touchant que ces paroles, << Mon Père, ceux que vous m'avez donnés, je veux qu'où je suis ils y soient avec moi, afin qu'ils voient ma gloire?» Vous nous avez tant aimés, bon Sauveur, et cet amour est si persévérant qu'il semble, bien que toutes vos perfections soient infinies, que votre félicité serait incomplète si vous ne voyiez auprès de vous ceux pour lesquels vous avez souffert, et à qui vous avez fait connaître votre nom. Répondons à cet appel si tendre, sortons du funeste assoupissement dans lequel nous sommes plongés; comprenons enfin ce qu'est l'amour de notre Dieu. Efforçons-nous de nous rendre dignes par notre foi, notre espérance et notre charité d'être du nombre de ces élus avec qui il médite de partager son bonheur et son éternité. Mon Dieu, nous vous chercherons, et nos âmes, en vous cherchant, trouveront la vie. La pensée du ciel sera toujours présente à notre esprit dans nos combats; avec elle nous sommes assurés de remporter toujours la victoire, et de parvenir à ce séjour de bonheur où vous nous attendez, pour nous servir de récompense et de couronne.

CHAPITRE CIV.

1-6. Jézus, après a cène, se rend à la montagne des Oliviers, et prédit à ses apôtres leur défection.

7-11. Il se rend au jardin de Gethsemani, où il déclare que son âme est triste jusqu'à la mɔrt.

- 12-22. Agonie de Jésus-Christ, qui se relève à l'arrivée du troftre (jeudi saint, veille de la Passion, vers dix heures du soir).

MATH., XXVI, 30-46; MARC, XIV, 26-42; Luc, XXII, 39-46; JEAN, XVIII, 1-2.

Hæc cùm dixisset Jcsus, et hymno dicto, 4 egres us est cum discipulis suis.

Et egressus, ibat secundùm consuetudinem in montem Oliverum; secuti sunt autem illum et discipuli; et bait eis: Omnes scandalizabimini in me in nocte ista; scriptum est enim: Percutiam pastorem, et

1. Ayant dit ces choses, l'hymne d'action de grâces étant achevé, Jésus sortit avec ses disciples.

2. Et étant sorti, il allait, selon sa coutume, à la montagne des Oliviers, et ses disciples le suivirent; et il leur dit : Vous serez tous scandalisés cette nuit à mon su

dispergentur oves gregis. jet1, car il est écrit: Je frapperai le pasteur, et les brebis du troupeau seront dispersées.

Postquam autem resurrexe o, præcedam vos in Galilæam.

Respondens autem Petrus, ait illi: Etsi omnes scandalizati fuerint in te, e20 nunquam scandalizabor.

b Et ait illi Jesus : Amen dico tibi, quia tu hodie in nocte hác, priusquam gallus vocem bis dederit, ter me es negaturus.

At il'e ampliùs loquebatur: Elsi oportuerit me

3. Mais après que je serai ressuscité, je vous précéderai en Galilée.

4. Pierre, prenant la parole, lui dit : Quand tous seraient scandalisés à votre sujet, moi, je ne le serai jamais.

5. Jésus lui dit : Je vous le dis en vérité, cette nuit même, avant le deuxième chant du coq, vous m'aurez renoncé trois fois.

6. Pierre ajoutait avec beaucoup d'ausimul commori tibi, non tres paroles Quand il me faudrait mourir avec vous, je ne vous renoncerai point;

12. C'est-à-dire, à l'occasion de ce qui doit m'arriver cette nuit, vous tomberez tous dans le trouble, jusqu à perdre la foi et l'espérance que vous avez en moi, et à m'abandonner lâchement.

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